Lire un texte n’est pas aussi facile que le commun des mortels congolais le croit

Je comprends finalement pourquoi j’ai eu, le long de mon parcours séminaristal et universitaire en philosophie, plus ou moins cinq cours sur les textes :la critique historique, l’exégèse biblique, l’herméneutique, la philosophie du langage et la philosophie analytique. Oui. Lire un texte et le comprendre, c’est pas un pis-aller. Lire un texte et le comprendre n’est pas du tout facile. Dans le contexte congolais où  »la trahison des élites intellectuelles » a conduit à la relativisation des choses de l’intelligence, la lecture des textes devient l’une des choses les plus compliquées du monde.

Quand  »un pasteur » affirme que Dieu m’a dit ceci ou cela, il n’est pas possible de lui poser cette question :  »Qu’est-ce cela signifie que Dieu m’a dit ? » Ou celle-ci :  »A partir d’où parles-tu ? »Ou cette autre :  »Quelle est la forme de discours (ou de langage) auquel vous recourez quand vous dites :  »Dieu m’a dit » ? Ou encore cette autre :  »Un langage performatif est-il l’équivalent d’un discours constatif ? » Ou enfin, cette autre question :  »L’expression de mes convictions religieuses est-elle la même chose que celle du constat des faits tel que celui-ci : le soleil se lève à l’est et se couche à l’ouest ? ».

Depuis que  »les élites intellectuelles » ont été  »les nègres de service » des  »négriers des temps modernes » ou de l’hégémonie culturelle dominante, tout s’équivaut. Le relativisme intellectuel (et éthique) est en train de devenir la chose la plus partagée au cœur de l’Afrique. Des textes flous sont présentés comme étant les plus clairs du monde. Et le commun des mortels doit, à ses lectures, dire :  »Amen ». Le fanatisme, la volonté d’ignorer, le refus d’apprendre sont en train d’être imposés comme des principes d’épanouissement de la sphère politico-sociale congolaise. Les empêcheurs de penser en rond sont les cibles de thuriféraires et des applaudisseurs des ignorants.

Et  »l’autre le sait ». Il sait qu’il nous domine plus par l’ignorance que par la force. Pendant que nous plongeons dans l’ignorance et la bêtise, lui, stocke les idées qu’il finira par nous imposer afin qu’il réalise ce qui serait irréalisable dans un contexte d’un espace publique ouvert à la diversité des formes de langage et au débat plus au moins serein ; c’est-à-dire non meurtrier. Je ne vois pas le Congo-Kinshasa sortir du bourbier dans cette confusion des formes de discours, dans ce  »Capharnaum » où le fanatisme est plus fort que tout. Je suis pessimiste sur le court terme !

Je crois que je continuerai à être reconnaissant à ces hommes et femmes qui m’ont appris au séminaire et à l’université les différentes formes de langage et le sens du conflit maîtrisé au cours duquel le désaccord signifie sa pérennisation pour l’humain en tant qu’être usant du discours, en tant qu’être politique. L’un d’eux avec qui je discute jusqu’à ce jour s’appelle Kalamba Nsapo. Merci, Monsieur Kalamba. Tu m’as appris de bonnes choses. Je suis et serai toujours fier de toi.

Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

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