Le 17 mai 1997. Le Congo-Kinshasa a aussi ses  »révisionnistes » !

Les réseaux sociaux sont une machette à double tranchant. Ils peuvent, à la fois, permettre d’avoir accès à une quantité importante d’informations utiles fondées sur des sources mieux documentées ; tout comme ils peuvent favoriser la paresse intellectuelle en organisant  »la défaite de la pensée ».

Dans ce second cas, la vidéosphère instantanée remplace le travail archivé du chercheur ou de la chercheuse. Le débat argumenté, rationnel et raisonnable est remplacé par des arguments d’autorité. La mémoire collective est constamment violée à cause du mépris pour l’histoire nationale et celle de l’autre.

Demain, c’est le 17 mai. Certains compatriotes vont célébrer, faussement, le jour où Mobutu a été chassé du  »pouvoir » par Laurent-Désiré Kabila afin de pouvoir mettre fin à  »sa dictature ».

Ces compatriotes, s’ils ont lu l’échange de l’ambassadeur américain Bill Richardson avec Mobutu, font tout pour l’ignorer. S’ils ne l’ont pas lu, ils refusent de le lire. Pourquoi ? Il va détruire l’une de leurs convictions justifiant, facilement, une guerre raciste et de basse intensité menée par les anglo-saxons contre le Congo-Kinshasa.

En effet, quand ledit ambassadeur américain vient demander à Mobutu de  »passer la main » sous peine de voir son cadavre traîné dans la rue par les chiens,  »le dernier Maréchal du Zaïre » lui répond :  » C’est comme ça que vous me remercier après tous les services que je vous ai rendus ».

Mobutu n’avait pas  »le pouvoir ». Il assumait  »la dictature américano-belge » en tant que  »mercenaire » ou  »nègre de service » au cœur de l’Afrique. A ce point nommé, le sous-titre du récent livre de Ludo De Witte  »Comment la Belgique et les USA ont installé une dictature » est très éloquent.  »La néocolonie dictatoriale » au service de laquelle œuvre Mobutu est  »un bien d’autrui ». La preuve : quand il est malade et que ses  »créateurs » estiment qu’il est temps de le remplacer, il viennent lui dire :  »Monsieur Mobutu, maintenant, c’est fini. » Bref, Mobutu fut  »le nègre de service » de l’alliance belgo-américaine. Un petit livre d’Eric Toussaint intitulé  » Procès d’un homme exemplaire. Jacques de Groote, directeur exécutif au FMI et à la Banque mondiale pendant 20 ans » ajoute d’autres pays à cette alliance et aide à comprendre comment ces  »IFI » ont aidé Mobutu à servir ses  »maîtres ».

Dans la préface du livre de Ludo De Witte, voici ce que Jean Ziegler écrit : »Ludo de Witte a écrit un livre superbe, d’érudition, de courage et d’intelligence analytique. Au magnifique peuple congolais, il contribue à restituer une mémoire claire, notamment le souvenir documenté de la longue et terrible période de la dictature de Mobuto Sese Seko, entre 1965 et 1997. Mobutu a été pendant trente-deux ans le parfait mercenaire de l’oligarchie transcontinentale du capital financier globalisé, en particulier celui des oligarques américains, belges et suisses, dont il a indiscutablement favorisé l’empire et l’emprise sur le monde. Pendant qu’au Congo, par millions, les enfants, femmes et hommes périssaient de la sous-alimentation, de la pollution des eaux, d’épidémies ailleurs depuis longtemps vaincues, les prédateurs pillaient sans états d’âme les ressources minières et agricoles de ce pays immense, qui compte parmi les plus fabuleusement riches de la terre. Le satrape, de son côté, touchait les miettes de ce pillage et se constituait, par corruption et vol, une fortune personnelle colossale. »(https://www.investigaction.net/fr/lascension-de-mobutu-la-preface-de-jean-ziegler/). L’expression est lâchée :  »Mobutu a été pendant trente-deux ans le parfait mercenaire de l’oligarchie transcontinentale du capitalisme financier globalisé ». Sa fortune fut constituée à partir des  »miettes de pillage » fait par les trans et les multinationales occidentales. Ce  »pillage » est l’un  »des services » qu’il a rendus à ses  »créateurs ». Quand ils vont le chasser de son rôle de  »mercenaire », ils vont en trouver d’autres qui seront équipés en armes et en informations.

Une jeune dame, une canadienne, Judi Rever, vient de rendre ses conclusions sur cette supercherie après une vingtaine d’années de recherche. Sur cette vidéo (https://www.youtube.com/watch?v=8hkHOsochIE), elle donne les grandes lignes de son dernier livre en une vingtaine de minutes.

Elle désigne  »les nouveaux nègres de service » fabriqués par  »les américains ». Elle décrie, après tant d’autres journalistes, experts, politologues, analystes politiques, diplomates, ex-membres du FPR, etc. les crimes de Paul Kagame en Afrique des Grands Lacs et l’aventure de Laurent-Désiré Kabila au Congo-Kinshasa.

Sur cette vidéo, une allusion est faite à l’une des déclarations de l’ex-procureure du Tribunal Pénal International pour le Rwanda, Carla Del Ponte. Je paraphrase :  »Si des preuves établissent que c’est Paul Kagame qui est à la base du génocide rwandais, toute l’histoire de ce génocide devra être réécrite ». Or, Judi Rever a palpé des preuves. Mêmes celles cachées par l’ONU.

Il est un fait que plusieurs personnes ayant écrit sur cette question n’ont pas attendu la publication du livre de Judi Rever (http://www.france-turquoise.com/wp-content/uploads/2018/04/Note-de-lecture-Judi-Rever-In-praise-of-blood-180413-2-1.pdf). Le 01 octobre 2011, une année après la publication du rapport Mapping, l’ex-secrétaire du FPR, le Dr Théogène Rudasingwa avait déjà soutenu, dans  »La vérité, enfin » qu’  »ils avaient menti » et que Kagame était l’auteur de l’attaque de l’avion transportant le président Habyarimana. L’enquête du juge français Jean-Louis Bruguière abondait dans le même sens. Plusieurs livres et articles ont été écrits sur la question pour étayer cette thèse.

Il y a, donc, une réécriture de l’histoire des Grands Lacs africains en marche. Malheureusement, elle n’a pas encore influencé suffisamment  »l’histoire officielle » dans cette partie centrale de l’Afrique. Des compatriotes congolais,  »révisionnistes », refusent de voir que c’est  »un soldat de l’APR/FPR » qui est  »le Cheval de Troie » au pays. Ils vous disent :  »Le Congo-Kinshasa est  »infiltré » et non  »occupé ». Même quand les autres  »nègres de service » (à l’instar de José Makila) disent que c’est Kagame qui est  »le mercenaire en chef » (https://www.youtube.com/watch?v=si95C0PWGIk), ils refusent de revoir leur copie. Ils n’ont pas compris, comme Jean-Claude Willame, en 2007, que  »Les faiseurs de paix » avaient installé un (non-) Etat sous tutelle » au cœur de l’Afrique.

Jean-Luc Schaffhauser a beau avoué qu’il sait qui a fait quoi pour que Laurent-Désiré Kabila soit tué et qu’un  »jeune rwandais manipulable » (https://www.youtube.com/watch?v=dSdWMbIEHCE) ait été cherché au Rwanda pour servir  »l’oligarchie transcontinentale du capital financier », rien n’y fait.  »Le révisionnisme congolais » a mangé plusieurs cœurs et plusieurs esprits. Ils attendent que ce  »jeune homme manipulable » leur arrange des  »élections propres, limpides, claires, transparentes, plus que démocratiques » afin que des comptes sur  »son mercenariat » lui soit demandé demain. Ils croient naïvement que cette  »oligarchie transcontinentale du capital financier » destructrice des Etats-nations souverains va laisser ses  »nègres de service » promouvoir des espaces de liberté et d’émancipation politique sans aucun changement des rapports de force sur terrain.

Mobutu a été cherché, Laurent-Désiré Kabila a été cherché,  »le jeune rwandais manipulable », alias Joseph Kabila a été imposé par les anglo-saxons et leurs alliés. Cela étant, je partage le point de vue de Mufoncol Tshiyoyo quand il soutient que  »construite une pensée de combat (ou de lutte) », c’est revisiter à nouveaux frais l’environnement et la méthode (la stratégique et la tactique) pour le faire aboutir. Pour dire les choses autrement, il est difficile qu’une lutte de libération aboutisse sans ordre dans les idées et dans l’idéologie. Confondre  »un parfait mercenaire » avec  »un chef de l’Etat », appeler  »un Cheval de Troie »  »Raïs », dire d’un  »paralytique » porté par  »les puissances de la mort extérieures » qu’il est un  »visionnaire », faire de  »la vidéosphère » l’unique référence en matière de pensée et de débat, c’est consacrer  »la défaite de la pensée » et l’échec de la lutte identitaire pour être soi et souverain. Il faut mettre de l’ordre dans les idées et dans l’idéologie et procéder à une réécriture info-formée de l’histoire afin de mieux organiser la lutte d’émancipation politique souveraine.

Depuis le 17 mai 1997, les efforts déployés dans ce sens sont encore insuffisants. Dieu merci ! Les minorités organisées et agissantes ainsi que leurs relais ne dorment ni ne sommeillent. Ils croient fermement que  »les murs les plus puissants tombent par leurs fissures ».

 

Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

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