Les pistes de la Cenco pour des élections apaisées

Des évêques dont de gauche à droite ; Nicola Djomo, Marcel Utembi, Fridolin Ambongo, François-Xavier Maroy et en arrière Fidèle Nsielele Zi Mputu, s’avancent pour entrer dans la salle de réunion au Centre Inter diocésain ou se tient le dialogue, le 23/12/2016 à Kinshasa. Radio Okapi/Ph. John Bompengo

Engagée à accompagner le processus électoral en RDC, la Conférence
Episcopale Nationale du Congo (Cenco), à travers la Commission Justice
& Paix, a publié hier mardi 15 mai 2018 les rapports d’observation
électorale et de monitoring des manifestations et réunions publiques
en RDC pour la période allant du mois de décembre 2017 à celui de mars
2018. Lesdits rapports présentent quelques statistiques sur
l’environnement pré-électoral, à 7 mois de la tenue des scrutins
présidentiel, législatifs nationaux et provinciaux.

C’est le 1er Secrétaire général adjoint de la Cenco, l’Abbé André
Masinganda, qui a présidé la cérémonie dans la salle des conférences
du Centre Interdiocésain, dans la commune de la Gombe. Séance
tenante, il a transmis au Gouvernement central et à la Centrale
électorale deux rapports par l’entremise de ses délégués.

En ce premier trimestre de l’année 2018, les rapports sont
inquiétants par rapport au timing qui reste pour répondre au
rendez-vous du 23 décembre prochain tant attendu par plus de 40
millions d’électeurs. Au total, 97 observateurs ont été déployés dans
15 provinces à travers le pays, en se focalisant sur certaines zones à
forte tension, telles que Béni et les 2 Kasai…. En vue de réaliser le
monitoring, 200 personnes ont été formées puis déployées dont 90 à
Kinshasa et 110 à l’intérieur.

Par rapport aux incidents, il y a eu 15 morts dont 14 par balles, 226
blessés dont 50 par balles et 396 interpellés par la police. Comme si
cela ne suffisait pas, la Commission a révélé la destruction et le
sabotage des biens liturgiques, la violation des lieux de cultes et
l’extorsion des biens par des éléments de la police. Sur le terrain,
la commission a évalué à 94, 84% la présence de la police lors des
manifestations, et à 87,18% elle a dispersé manifestants. Quelques
actes de vandalisme ont également été commis par des manifestants.
Plusieurs recommandations ont été formulées à l’endroit du
Gouvernement, de la Ceni, des partis politiques, de la société civile,
de la population…

Jrekofo

1. Dans le contexte du processus électoral en cours, la Conférence
Episcopale Nationale du Congo (CENCO), à travers son organe technique
Justice et Paix Congo (JPC/CENCO), a déployé des Observateurs
électoraux et des Moniteurs .des Manifestations publiques pacifiques
sur l’ensemble des provinces de la RD Congo. Les rapports que vous
venez de suivre découlent des données recueillies à la base et
traitées par les analystes de JPC/CENCO. Ils reprennent des avancées
et des faiblesses qui appellent des recommandations à plusieurs
niveaux

2. S’agissant de l’environnement électoral, les Observateurs de
JPC/CENCO ont évalué degré d’appropriation du calendrier électoral par
toutes les parties prenantes au processus électoral, la CENI •et les
partis politiques y compris.

3. Quant à la question sécuritaire, le rapport relève la recrudescence
du cycle de la violence, spécialement dans la Province de l’Ituri, et
la dégradation de la situation humanitaire dans les Provinces du
Nord-Kivu, du Sud-Kivu, de Maniema, de Tanganyika, du Kasaï Central et
du Kasaï.

4. Entre décembre 2017 et mars 2018, plusieurs cas de violations des
Droits humains ont été constatés lors des manifestations publiques par
l’Unité de Monitoring des Manifestations Publiques Pacifiques (UMP) de
JPC/CENCO, par le Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de
l’homme (BCNUDH) ainsi que par d’autres Organisations congolaises de
défense des droits de l’homme. Il sied de souligner que ces violations
ont été confirmées également dans le rapport de la Commission ad hoc
d’enquête mixte dénommée CEM-3121 du Ministère des Droits Humains.

5. En outre, le débat sur la nationalité, l’introduction de la machine
à voter parmi les matériels du Bureau de vote, l’intégrité du fichier
électoral et la problématique du dédoublement des partis politiques
constituent les principaux points qui divisent la classe politique.

6. A cela d’ajouter la question du genre en matière des élections:
elle revêt une importance capitale au regard aussi bien de l’arsenal
juridique qui la prend en charge que des enjeux sociopolitiques
qu’elle revêt. En effet, si l’accent est mis actuellement sur la
participation, ou mieux, la représentation de la femme aux affaires
publiques, c’est parce que, comme vous venez de suivre dans la
présentation y afférente, la question de la parité homme-femme reste à
ce jour un enjeu de second plan à tous les niveaux en ce que les
femmes sont toujours sous représentées, surtout dans les instituions à
mandat électif ainsi que dans les postes de prise de décision dans les
secteurs publics et privés. Cependant, la Loi électorale ne pas
contraignante vis-à-vis des partis politiques en ce qui concerne la
mise en oeuvre de la parité homme-femme lors de l’établissement des
listes électorales.

7. Enfin, le rapport relève la cartographie des juridictions devant
accueillir les contentieux électoraux. Ila été question d’évaluer les
structures et l’opérationnalité de ces juridictions, les conditions
d’accessibilité, l’état des infrastructures et des équipements pour
s’assurer que celles-ci garantiront bien une bonne justice électorale
lors de la gestion de différends contentieux. Vous avez suivi les
constats des données collectées à cet effet à travers la présentation
y afférente.

8. De l’analyse de ces différents rapports, JPC/CENCO formule
les recommandations ci-après:

Au gouvernement de la R.D. Congo, et autres autorités publiques compétentes,

• De remplir correctement leur rôle régalien en sécurisant
les parties du pays aujourd’hui touchées par l’insécurité afin
d’éviter un nouveau report des élections attendues le 23 décembre
2018;

• De s’en tenir au respect de la liberté des Manifestations Publiques
consacrée par la Constitution de la RD Congo, de prendre les mesures
d’encadrement chaque fois qu’une manifestation est programmée et de se
réserver d’entreprendre tout acte contraire ;

• De s’abstenir de prendre des mesures restreignant la liberté des
manifestations et des réunions publiques pacifiques sur toute
l’étendue du territoire national;

• De donner des directives républicaines à la Police Nationale. Congo
taise afin qu’elle veille au respect des Droits de l’Homme avant,
pendant et après les manifestations publiques en évitant l’usage
disproportionné de la force.

• De créer et d’installer les Cours et Tribunaux administratifs, les
Cours d’Appel, les Tribunaux de Grandes Instances dans les villes et
territoires, spécialement dans les nouvelles provinces; et de
renforcer les capacités du personnel judiciaire en matière des
contentieux électoraux;

• D’encourager l’information et la sensibilisation des citoyens sur
les modalités du recours en justice, particulièrement dans le domaine
d’élections ; et de raviver la confiance de la population en la
justice congolaise en évitant toute manipulation politicienne, d’où
qu’elle vienne;

• De veiller à la parité homme-femme dans la magistrature ainsi que
dans les Institutions de l’Etat, électives et non électives.

• De veiller aux bonnes conditions de travail des magistrats,
notamment, en réhabilitant les infrastructures judiciaires;

A la CENI,

• De publier ses mesures d’application de la Loi électorale afin que
l’on en fasse large diffusion auprès des électeurs;

• De redynamiser le cadre de concertation avec les partis
politiques et les autres parties prenantes pour plus de transparence
dans l’organisation des élections ;

• De veiller à la représentation équitable des femmes au
sein de l’organe chargé des élections, en respectant le principe de
parité homme-femme lors des opérations électorales prochaines;

• De rassurer et d’apaiser le Peuple congolais quant à l’introduction
de la machine à voter en faisant certifier celle-ci auprès des experts
nationaux et internationaux ;

• De poursuivre l’élan actuel dans la mise en oeuvre du calendrier
électoral caractérisé par le respect des dates et leurs échéances
respectives;

Au Conseil Supérieur de la Magistrature,

• D’assurer le suivi de l’affectation des Magistrats dans les Cours et
Tribunaux;

• De programmer les activités de renforcement des capacités du
personnel judiciaire en matière des contentieux électoraux;

Aux Cours et Tribunaux,

• De se saisir de tous les dérapages et d’ouvrir des enquêtes en cas
de violations des Droits humains lors des manifestations ou réunions
publiques pacifiques afin d’en poursuivre les auteurs.

Aux Partis politiques,

• D’intensifier les activités d’éducation civique et d’information des
leurs membres sur les enjeux électoraux en cours;

• De se conformer aux exigences de la loi quant à leur enregistrement
au Ministère de l’intérieur et d’éviter toute tentative d’usurpation
de logo et de dénomination des partis tiers, à dessein de
dédoublement;

• De s’approprier le calendrier électoral en se préparant à temps à
l’opération de réception et de traitement des candidatures qui débute
le 24 juin 2018 ;

• De veiller au respect de la procédure administrative et du caractère
pacifique du déroulement des manifestations publiques pacifiques ;

Aux organisations de la société civile,

• De poursuivre et d’intensifier les activités d’éducation civique et
d’information des électeurs dans toutes les villes et territoires de
la RD Congo sur le calendrier électoral et ses mesures d’application
ainsi que sur les enjeux du processus électoral en cours;

• De contribuer à l’ l’information et la sensibilisation des citoyens
sur les procédures judicaires, particulièrement dans le domaine des
élections.

De veiller au respect de la procédure administrative et du
caractère pacifique du déroulement des manifestations publiques.

Aux Partenaires techniques et financiers,

• D’apporter leur appui logistique, technique et financier à la CENI
ainsi qu’aux Organisations congolaises qui mettent en oeuvre les
activités d’observation et de sensibilisation électorales;

• De poursuivre et d’intensifier, à travers la MONUSCO, leur appui
dans la sécurisation des zones de la RD Congo touchées par
l’insécurité.

Au Peuple congolais,

• De veiller attentivement à la réalisation des étapes importantes du
calendrier électoral, notamment la convocation de l’électorat le 23
décembre 2018 et le début de la réception et du traitement des
candidatures le 24 juin 2018.

• De veiller au respect du caractère pacifique du déroulement des
manifestations publiques auxquelles il participe.

Fait à Kinshasa,

le 15 mai 2018

Abbé Donatien NSHOLE

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