Ramaphosa entend pousser Kabila vers la sortie et remettre l’Afrique du Sud au centre du jeu diplomatique

L’opposition congolaise a été reçue, mardi dernier en Afrique du Sud, par les dirigeants de l’ANC, le parti du président Cyril Ramaphosa. Moïse Katumbi, Adolphe Muzito, Vital Kamerhe, les représentants de Jean-Pierre Bemba et Félix Tshisekedi, etc., se sont retrouvés hier à la Luthuli House, le siège de l’ANC à Johannesburg.

Pour l’Afrique du Sud, il s’agit d’un virage spectaculaire sur le plan diplomatique. Il faut dire que depuis sa désignation à la tête du pays, Cyril Ramaphosa entend se démarquer le plus nettement possible de son prédécesseur, Jacob Zuma.

Ce dernier n’a en effet jamais caché ses sympathies vis-à-vis du président (hors mandat) RD congolais, sous fond d’affairisme comme l’ont révélé les Panama Papers. Jusqu’à son départ forcé à la tête de l’Afrique du Sud, M. Zuma avait ainsi fermé les yeux sur les multiples reports des élections en RDC.

Tout l’inverse de Cyril Ramaphosa. Fini la collusion avec Kinshasa. Place désormais à la fermeté. Le nouveau président s’est rendu début août dans la capitale RD congolaise où il a plaidé pour la tenue d’élections conformes aux accords de la Saint-Sylvestre, mettant en garde Joseph Kabila contre l’organisation d’un processus électoral biaisé qui ne pourrait selon lui conduire qu’au chaos en RDC et dans la région.

Quelques jours plus tard, lors du dernier sommet de la SADC à Windhoek en Namibie, c’est encore lui qui s’est montré le plus insistant pour que Joseph Kabila fasse un discours d’adieu, ce qui a eu le don d’agacer le maître de Kinshasa comme l’attestent de nombreuses vidéos (la scène ayant été en partie filmée).

Joseph Kabila a perdu un à un tous ses soutiens dans la région

Si Cyril Ramaphosa s’implique autant dans le dossier RD congolais, c’est aussi parce qu’il souhaite remettre l’Afrique du Sud sur le devant de la scène diplomatique, après dix ans d’éclipse sous Jacob Zuma durant lesquels Pretoria a été largement absente de la résolution des conflits sur le continent. Le moment pour le faire est d’autant plus idéal que l’Afrique du Sud siègera comme membre non-permanent du conseil de sécurité de l’ONU à partir du mois de janvier prochain.

Pour Joseph Kabila, ce changement de situation politique en Afrique du Sud est une très mauvaise nouvelle. Le président (hors mandat) a perdu un à un l’ensemble de ses soutiens dans la sous-région (Jacob Zuma, Robert Mugabe…) où il n’en compte désormais plus aucun. Pire, figurent désormais au rang de ses principaux ennemis les dirigeants des deux principales puissances militaires de la sous-région, l’angolais João Lourenço et le rwandais Paul Kagame, qui préside actuellement l’Union africaine. Ces deux chefs d’Etat sont en effet convaincus de la volonté de Joseph Kabila d’organiser un scrutin électoral gagné d’avance pour sa famille politique, ce qui risque d’embraser le pays et, par effet de dominos, la sous-région.

Privé de soutien à l’extérieur, Joseph Kabila ne peut également pas compter – contrairement à d’autres (Pierre Nkurunziza au Burundi par exemple) – sur l’appui de sa population auprès de laquelle il est très impopulaire, y compris dans l’ex-Katanga, sa province d’origine.

« Aujourd’hui, le pouvoir de Joseph Kabila ne tient que par la répression qu’il est susceptible d’exercer via l’armée sur la population », explique un responsable de l’ANC, qui a un temps vécu à Kinshasa et qui connait parfaitement la situation politique en RDC. « Mais c’est insuffisant pour lui permettre de se maintenir très longtemps. Il est pris en étau à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Son temps est désormais compté », prédit-il.

Adrien Seyes (Congo Libéré)

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