»Dieu a donné, Dieu a repris », dixit Yvon Ramazani

Des compatriotes croient que la foi en Dieu est la chose la plus partagée au Congo-Kinshasa. Et que quand, dans  »une guerre par morceau » telle que celle raciste et de prédation menée contre le pays de Lumumba, les causes matérielles et historiques doivent être oubliées au nom d’un Dieu qui donne et qui reprend. Ces compatriotes oublient qu’au Congo-Kinshasa, il y a de plus en plus des compatriotes qui ne croient pas en Dieu. Des hommes et des femmes fiers d’affirmer qu’ils sont des  »mécréants ». De plus en plus, le Congo-Kinshasa a des filles et des fils soutenant que Dieu n’existe pas. Kazadi Nansha Bandowa en est un exemple. Il y a, donc, au pays de Lumumba, des affirmations sur Dieu qui ne passent pas comme une lettre à la poste. Cette réalité ne devrait pas être niée au cours des débats sur des questions d’intérêt général.

Yvon Ramazani devrait savoir que plusieurs de ses compatriotes critiquant la religion estiment, à la suite de Marx, à tort ou à raison, qu’elle est  »l’opium du peuple ». Et que d’autres posent des questions du genre :  »Que dis-je quand je dis  »Dieu »  ». Ou cette autre :  »Quand le discours sur Dieu peut-il être crédible ?  » Ou cette autre encore :  »Quel est le nom du Dieu auquel Yvon Ramazani voudrait renvoyer ses compatriotes ? »

 »Que dis-je quand je dis Dieu » ? Il y en a qui, en disant  »Dieu », soutiennent la foi en un Créateur de l’univers, Père de Jésus, c’est-à-dire de celui qui a dit à ses proches :  »Quand vous priez dites : Abba », Père et/ou notre Père ». Dans le contexte christique, appeler Dieu, Abba, Père, conduit à considérer ses coreligionnaires comme étant des frères et sœurs. Leurs origines tribales, ethniques et biologiques sont assumées et dépassées par l’affirmation symbolique d’un lien fraternel universel. Ce symbolique devient  »le transcendantal » à l’aune duquel l’affirmation de la foi en un Dieu Père peut être évalué.

Il est aussi possible de dire  »Dieu » en croyant en une source tribale et discriminatrice de la vie pour les humains. Un tel  »Dieu » serait le père des uns contre les autres. Ce  »Dieu diviseur » serait la source des guerres livrées par les uns contre les autres au nom de la force qu’il accorde aux uns et pas aux autres, au nom de la force qu’il accorde aux uns pour écraser les autres.

Dans le contexte christique, les croyants en un  »Dieu, Père de tous », travaillent à l’avènement d’un monde de  »tous frères et toutes sœurs ». La fraternité universelle demeure l’horizon des débats et de dérapages portés par  »la frérocité ». L’humain étant en partie un animal ne renonce pas toujours à son animalité. Mais il lui est possible d’être  »animal » à l’endroit de son autre-soi-même sans le massacrer. Ce dépassement n’est possible que dans un contexte où la culture de la fraternité universelle ne se moquant pas du reste de l’animalité en l’humain croit qu’il est possible de s’opposer sans se massacrer. Ici, on est dans un contexte d’une foi portée par une culture humaniste et humanisante. Cette culture est nourrie par une raison éclairant la foi et réciproquement.

Quand, personnellement, je suis en face d’une femme comme Hélène Madinda ou d’un homme comme Kazadi Nansha Bandowa, je sais que je ne peux pas discuter avec eux à partir de ma foi en Dieu sans en décliner l’identité. Je me sens obligé de leur dire  »le nom » du Dieu en qui je crois et ce que cela a comme implication dans ma vie pratique malgré mes trahisons.

Les lecteurs de Pape François savent en quel Dieu il croit. Quand il écrit  »Laudato si » et défend l’écologie intégrale, il estime qu’il n’est pas possible de croire en Dieu, de chercher à protéger la faune et la flore sans protéger l’être humain. Tel est le Dieu en qui, moi aussi je crois. C’est cette  »source de vie », c’est ce  »Père » dont  »le souffle de vie  » m’incite à donner à manger et à boire ; c’est ce  »Père » dont le souffle m’incite à accueillir l’autre dans sa différence et à être prêt avec lui à un convivialisme non-meurtrier. Et pour cette cause, donner la vie vaut la peine.

Le débat public n’est pas le lieu de l’affirmation de ses croyances sans remise questionnement. Non. C’est le lieu où ses croyances et ses convictions sont soumises à des remises en question nécessaires à la refondation de l’Etat et du vivre-ensemble. Ses convictions personnelles ne peuvent pas êtres imposées sur la place du débat public comme étant des évidences. Yvon Ramazani devrait l’apprendre. Il devrait surtout apprendre que le Congo-Kinshasa a ses mécréants. Là-bas, la foi en  »Dieu » n’est plus un allant-de-soi.

Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

 

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