La durée des débats et des échanges sur les réseaux sociaux. Le cas du Dr Mukwege

Plusieurs échanges et débats sur des questions apparemment importantes sur les réseaux sociaux ont souvent une durée éphémère. Ils participent de  »la société du spectacle ». Ils portent la marque de  »la révolution numérique » invitant ses fanatiques à s’enfermer dans l’instant présent. Le long terme, le temps long semble en être exclu.

Je prends un exemple. Quand Emmanuel Macron est  »élu » président en France, la toile congolaise s’enflamme. Des  »Macron » et des  »Brigitte »  »congolais » naissent en grand nombre. Il aurait été souhaitable qu’ils suivent, pas à pas, l’évolution politique de leur couple de référence…Mais ils n’ont duré que l’espace de quelques jours ayant suivi la victoire de leur idole.

Un deuxième exemple. Riccardo Petrella diffuse une vidéo sur les tenants et les aboutissants de la guerre. La vidéo enseigne qu’elle est une opération économique rentable. Pendant quelques deux ou trois jours, cette vidéo est sérieusement partagée. Après, plus rien. Les débats et les échanges sur la guerre n’y font même plus allusion. Elle a duré l’espace d’un spectacle.

Au cours du  »spectacle », il y a comme une injonction faite à tout le monde :  »croire en l’avis du plus grand nombre ou rien ». Une moindre remise en question attire des injures et des qualificatifs inimaginables. Comme si  »la révolution numérique » avait comme objectif de créer l’esprit moutonnier, d’évider l’humain de tout esprit critique. Bon ! Il est possible que je sois à côté de la plaque ! Je devrais peut-être approfondir davantage la question. Néanmoins, mon constat demeure.

Depuis hier, vendredi 05 octobre 2018, plusieurs compatriotes félicitent le Dr Mukwege. Il a reçu un Prix Nobel de la paix.

Demander à ces compatriotes d’être attentifs aux vidéos traitant de ce prix et aux personnes qui apparaissent dessus, les inviter à fouiller l’histoire pour voir à qui ce  »prix » a été déjà remis, poser la question de savoir pourquoi ce  »prix » précède-t-il la mise sur pied d’un Tribunal Pénal International pour le Congo – et cela même à titre symbolique- ou même  »Une Commission Justice, Vérité et Réconciliation » après la publication de tous les rapports des  »experts de l’ONU », chercher à savoir pourquoi  »le prix » remis à l’un d’entre nous serait plus urgent que la justice à rendre à toute une nation, tout cela risque d’être lu comme une manifestation de la jalousie à l’endroit d’un digne fils du pays ! Ou tout le monde est content ; il danse et jubile. Ou rien.

Comme si la joie d’avoir  »un Prix Nobel de la Paix » devrait interdire d’en questionner  »le sens » pour  »le non-pays » et  »le non-Etat » que le Congo de Lumumba est devenu.

Il est curieux que ce prix soit remis à deux personnes originaires des pays choisis pour être produits comme  »Etats ratés » (l’Irak et le Congo-Kinshasa) avec la complicité de  »certains parrains » et certaines ONG dites de  »droits de l’homme ». Des  »parrains » et des  »ONG » qui en sont fiers…Comme s’il y avait anguille sous roche…

L’article d’Edward Herman sur la production des  »Etats ratés » mérite d’être relu :https://www.legrandsoir.info/produire-des-etats-rates.html.

Ma peur est que l’émotion provoquée par des gestes faits à l’endroit de certains d’entre nous inhibe notre capacité collective de questionner leur signification et  »leur vérité » dans un contexte où  »les faiseurs de rois » donnent l’impression d’être toujours  »les acteurs pléniers » de notre devenir collectif.

Bref, que les compatriotes contents de ce  »prix » ne puissent pas empêcher ceux à qui il pose des questions de pouvoir s’exprimer. Ils peuvent, tout en étant contents, participer au débat sur les questions qu’il soulève. Et le questionner ne signifie pas remettre en question les compétences médicales de notre compatriote. C’est chercher à comprendre ce qui se passe dans un contexte de guerre perpétuelle au Congo et de  »la réinvention du monde à partir du Sud ».

S’ auto-critiquer et critiquer notre marche collective au cours des débats ouverts peut participer de  »la politisation de l’intelligence ». Cela n’est pas toujours négatif quand c’est porter par le désir d’émancipation de l’humain collectif.

Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

 

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