Masses populaires et peuple . Le Congo-Kinshasa refuse de relire son histoire

 »Stades pleins »,  »meetings pleins »,  » aéroports pleins » et après ?  »Et après ? » est la seule petite question que plusieurs compatriotes, adepte de  »la politique apparente » évitent de se poser.  »Etre vu massivement » serait en train de devenir l’unique critère de l’évaluation instantanée des  »rassemblements politiques congolais ».

 »Etre vu massivement et instantanément » semble marcher de pair avec le vide idéologique pouvant mobiliser les masses sur le court, moyen et long terme en vue de les transformer en masse critique capable de renverser les rapports de force.

En dehors de Mobutu,  »Président fondateur du MPR », personne n’a, à ce jour, mobilisé les masses congolaises comme monsieur Etienne Tshisekedi. Personne. Pourtant, il n’a pas réussi, au Congo-Kinshasa, à renverser les rapports de force afin de rendre à ce pays sa souveraineté réelle.

Il est étonnant que la longévité d’Etienne Tshisekedi dans  »l’opposition » et sa capacité de mobiliser les masses populaires.

Ailleurs, en Bolivie,par exemple, les masses populaires transformées en peuple conscient de ses luttes historiques, de ses droits fondamentaux et en ses libertés fondamentales ont renversé les rapports de force en 2005 et donné le pouvoir (réel) à Evo Morales. Dans ce pays où les escadrons de la mort multipliaient les massacres et les assassinats,  »les communautés se levèrent alors en masse. Elles chassèrent d’abord les commandos de l’armée, et finalement tous les représentants de l’Etat. » Elles créèrent  »un front de résistance. Son nom : le Movimiento al socialismo (MAS). De ce mouvement insurrectionnel populaire, Evo Morales émergea rapidement comme l’un des dirigeants. » (J. ZIEGLER, 2008, p. 226)

Et la relecture de l’histoire de ces communautés montre comment elles s’inscrivent dans une longue tradition des luttes d’émancipation politique et de souveraineté. Une tradition transmise le soir autour du feu et à travers les livres archivés. L’enfouissement dans cette tradition a permis aux masses transformées en communautés responsables ayant renversé la pyramide hiérarchique de porter un des leurs au pouvoir. Avant Evo Morales, Hugo Chavez avait connu le même sort au Venezuela. Elu chef de l’Etat, il fut sauvé d’un coup d’Etat impérialiste par la masse critique ayant la connaissance et la conscience de l’histoire de son pays.

Quand on connaît ces expériences des pays latinos et qu’on essaie de voir ce qui se passe au Congo-Kinshasa, on comprend que  »le non-Etat » et  »le non-pays » ait encore de longues années devant lui.

La fabrication instantanée des masses est une lutte constante contre la mémoire historique collective.  »Les poids lourds » autoproclamés n’ont pas grand-chose à leur proposer en marge de  »Kabila dégage ».  »Les masses vues et instantanées » ne se racontent aucune histoire des luttes passées. Kimpa Vita, Kimbangu, Lumumba, ABAKO, Mulele, Kalamba, Kamwina Nsapu, etc. ne sont presque pas évoqués comme  »ancêtres » au cœur de la mémoire des luttes. Il n’y a rien.

Les questions liées au néocolonialisme et au néolibéralisme comme  »paradigmes d’indignité et négatifs » ne sont pas abordées. Bref, la lutte pour  »l’alternance au pouvoir-os » aligne des chiffres en dollar pour faire rêver  »les masses vues et instantanées » sans que les mécanismes de justice social et de contrôle citoyen soient proposés, connus et débattus.

Tel est, me semble-t-il, le contexte où les masses populaires appauvries anthropologiquement sont mobilisées, comme des moutons, pour aller aux élections-pièges-à-cons.

Dans ce contexte, pendant plus d’un mois, les tueries et les autres massacres orchestrés à travers le pays vont être ignorés au nom de  »la campagne électorale » pour  »les candidats providentiels ».

Et quand le système fondé sur le mensonge systémique aura accompli ses œuvres d’intensification de violence et/ou de tricheries et de fraudes aux élections-pièges-à-cons, ces masses populaires converties en  »moutons » pourront, peut-être, (re)avoir leurs pieds sur terre en attendant un prochain  »envoûtement ». Non. Les masses appauvries, abruties, soumises et assujetties n’ont pas de mémoire.

Elles vivent au quotidien du  »m’as-tu-vusme ». Elles n’échappent pas au selfie massivement.

Croire qu’il y a un peuple là où la connaissance et la conscience des luttes passées et présentes ainsi que celles de leurs enjeux manquent me semble être un leurre. Non. Là, nous avons des masses populaires.

Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

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