RDC : avant de quitter la primature, Bruno Tshibala s’accorde des avantages à vie par décret

Des indemnités de logement de 1 000 à 5 000 dollars, des billets d’avion en business class, des passeports diplomatiques… Le tout pour un budget annuel estimé à 28,8 millions de dollars. Le décret, signé de la main de Bruno Tshibala, Premier ministre du dernier gouvernement de Joseph Kabila, a provoqué un tollé.

Le décret date du 24 novembre et a été publié au Journal officiel le 15 décembre. Mais ce n’est que jeudi 31 janvier, avec sa diffusion sur les réseaux sociaux, qu’il a provoqué un véritable tollé, aussi bien du côté de la société civile qu’au sein d’une frange de la scène politique. Signé par le Premier ministre Bruno Tshibala et le ministre d’État au budget Pierre Kangudia, le décret garantit une série d’avantages à vie aux anciens membres du gouvernement.

Avantages à vie

Outre une indemnité mensuelle estimée à 30% des émoluments perçus lorsqu’ils étaient en fonction, ils se voient allouer une « indemnité mensuelle de logement » de 1 000 dollars, un titre de voyage par an sur le réseau international – en business class -, un passeport diplomatique ainsi que des garanties pour des soins médicaux en RDC comme à l’étranger.

La palette des personnes concernées par ce décret est large. Sont concernés les anciens vice-Premiers ministres, les ministres d’État, ministres, ministres délégués, vice-ministres, ou encore les secrétaires généraux du gouvernement, les secrétaires généraux adjoint du gouvernement et les personnalités exerçant les fonctions équivalentes au rang des membres du gouvernement au cabinet du président de la République et au cabinet du Premier ministre.

CES DISPOSITIONS ONT ÉTÉ PRISES POUR HONORER CEUX QUI ONT SERVI LA RÉPUBLIQUE

Pour les anciens Premiers ministres, l’« indemnité mensuelle de logement » est fixée à 5 000 dollars, et s’adjoint aux avantages précédant la mise à disposition d’un véhicule – prêt renouvelable tous les cinq ans, un titre de voyage par an – toujours en business class – sur le réseau international pour lui-même ainsi que son conjoint et ses enfants mineurs, un passeport pour chaque membre de sa famille, des soins médicaux au pays et à l’étranger, des funérailles officielles et une garde sécuritaire de deux à trois policiers.

« On a vu dans ce pays un ancien Premier ministre commencer à quémander de l’argent partout. Est-ce que cela honore le pays ? », se justifie auprès de Jeune Afrique l’un des membres du dernier gouvernement de la présidence de Joseph Kabila, qui a requis l’anonymat. « Ces dispositions ont été prises pour honorer ceux qui ont servi la République ».

Coût estimé : 28,8 millions de dollars

« Le budget global de l’ensemble des avantages prévus dans ce décret représenterait 28,8 millions de dollars par an », selon Valéry Madianga, expert en Finances publiques. « Soit 2,4 millions de dollars par mois pour le gouvernement sortant, composé de 59 membres.

Dans une RDC qui compte parmi les pays les plus pauvres du monde (176e rang sur 187 pays dans le dernier indice de développement humain de l’ONU, en 2015) et où « la difficulté d’accès aux soins réduit l’espérance de vie à environ 58 ans », selon l’ONG Médecins sans frontières, ces dispositions sont critiquées jusqu’au sein même du Parti du peuple pour la reconstruction et le développement (PPRD), le parti de Joseph Kabila.

LE DÉCRET DU PREMIER MINISTRE N’A PAS FORCE DE LOI ! IL DOIT ÊTRE PUREMENT ET SIMPLEMENT ANNULÉ !

« Octroyer autant de privilèges, à vie, à tout un ancien gouvernement, n’est pas en phase avec notre contexte socio-économique. Le Premier ministre, oui, mais tout le gouvernement, c’est excessif et inutilement coûteux pour le Trésor public », a notamment déploré Patrick Nkanga, ancien président de la ligue des jeunes du PPRD.

Évoquant des mesures « totalement incompréhensibles » tant le niveau des avantages est aux antipodes du « quotidien de la population », Georges Kapiamba, président de l’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ), dénonce un décret « scandaleux » et exige son « annulation ».

« Le décret du Premier ministre n’a pas force de loi ! Il doit être purement et simplement annulé », a pour sa part réagit Adam Bombole, secrétaire général d’Ensemble changeons le Congo (Ecco), parti membre de la coalition de l’opposant Moïse Katumbi.

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