Le Rapport Mapping a déjà neuf ans…Et  »le buka lelo lamba lelo »

Chez nous,  »la politique est dynamique ». Parler du Rapport Mapping, c’est  »fouiner dans le passé », c’est se livrer à  »la chasse aux sorcières ». A notre place, d’autres intellectuels ont pris le temps de remonter l’histoire des acteurs pléniers ayant instrumentalisé des sous-fifres dans  »la guerre de prédation et de basse intensité » qu’ils ont menée contre les Grands Lacs Africains en général et contre le Congo-Kinshasa. Eux ne s’inscrivent pas dans  »l’inculture de buka lelo lamba lelo ». Ils ont voulu saisir les ressorts historique de l’inculture des  »Etats impériaux ». Ils essaient aussi de comprendre comment plusieurs victimes de cet ensauvagement finissent par se complaire dans leur situation de  »non-personnes », de la trouver  »meilleure » et même  »juste ».

Dans un livre traitant du  »supergénocide congolais », Noam Chomsky rappelle que  »des atrocités parmi les plus abominables ont été commises ces dernières années dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). De trois à cinq millions de personnes y auraient perdu la vie. Qui doit-on montrer du doigt ? ». Il répond :  »Les milices. Mais derrière les milices se trouvent les multinationales et les gouvernements, tapis dans l’ombre. » (p. 19-20). Venant à son secours, dans le même livre, Andre Vltchek corrige les chiffres.  »Je suis en train de terminer un long-métrage documentaire intitulé Rwanda Gambit, dont le tournage m’a demandé plus de trois ans. Les chiffres sont maintenant encore plus élevées que ceux dont vous faites état : ce sont de 6 à 10 millions de personnes qui ont été tuées en RDC, un nombre à peu près équivalent à celui des victimes du roi Léopold II au début du XX e siècle. Mais vous avez raison : si le Rwanda,, l’Ouganda et leurs exécutants sont des assassins des millions d’innocents, les intérêts géopolitiques et économiques occidentaux ne sont jamais loin derrière. » (p.20).

Noam Chomsky et Andre Vltchek étudient ce qu’est passé au Congo-Kinshasa en revisitant l’histoire sur le temps très long. Ils se rendent compte que ce sont les mêmes Etats impériaux qui sont toujours à l’ oeuvre. Chomsky illustre cela en donnant l’exemple de ce qui s’est passé au Vietnam. Il dit ceci :  »En novembre 1961, Kennedy a envoyé l’armée de l’air des Etats-Unis bombarder le Vietnam du Sud. Il a autorisé le recours au napalm et aux armes chimiques pour détruire les récoltes et le couvert végétal, et a lancé des programmes qui ont mené au transfert de populations dans de prétendus « hameaux stratégiques », qui, dans les faits, étaient des camps de concentration ou des bidonvilles. » (p. 20) En plus du Vietnam, il évoque les cas du Laos et du Cambodge.  » Au début des années 1970, l’armée de l’air des Etats-Unis avait bombardé les zones rurales cambodgiennes avec une ampleur comparable à celle des opérations alliées dans le Pacifique au cours de la Seconde Guerre mondiale. Elle obéissait à l’ordre d’Henry Kissinger de lancer une campagne massifs au Cambodge : « Tout ce qui vole contre tout ce qui bouge. » Il s’agit là, commente Noam Chomsky, d’un véritable appel génocide » (p. 21)

Qu’est-ce le Vietnam, le Laos et le Cambodge avaient fait aux Etats impériaux et à leurs alliés ? Rien. Seulement, ces Etats et leurs alliés ne peuvent prospérer que là ils sèment l’esclavage, la mort et la désolation.  »Ces Etats impériaux, note Noam Chomsky, ont ceci de particulier qu’ils ne se sont pas pas contentés de dominer les Autochtones : ils les ont éliminés. Ils ont accaparés leurs terres et leurs établissements, et, dans la plupart des cas, les ont pratiquement exterminés. » (p. 18)

Une remarque. Les deux auteurs de  »L’Occident terroriste. D’Hiroshima à la guerre des drones » (2015)-livre cité- constatent amèrement que chez les peuples colonisés et  »génocidés », des pans entiers des populations sont d’avis qu’il n’y a pas de mal à cela. Ils citent l’exemple des Congolais, des Malésiens, des Kenyans, etc. Ils sont fascinés par le fait que ces peuples  »acceptent leur propre répression, voire l’honorent. » Ils en viennent à estimer que si ces peuples acceptent leur statut de  »non-personnes », cela est lié à la profondeur des racines de l’esclavage et de la colonisation(dans les têtes et les cœurs) qui ont été à la fois politiques, économiques, moraux, et intellectuels.

Je note que pour étudier ce qui est arrivé dans les Grands Lacs Africains, Noam Chomsky et Andre Vltchek prennent le temps de remonter l’histoire des acteurs pléniers du  »supergénocide congolais » jusqu’en 1442. Ils étudient la culture (ou l’inculture) impériale sur le temps long pour en saisir les ressorts. Ils en étudient les incidences psychologiques, intellectuelles, économiques, politiques et intellectuelles sur les populations qui en sont les victimes. Ils ne blaguent pas avec ces questions essentielles en soutenant que  »la politique est dynamique ». Ils étudient l’histoire sur plus ou moins cinq (5) siècles. Ils rompent ainsi avec l’immédiatismele présentisme et le courtermisme. Ce faisant, ils luttent contre  »la défaite de la pensée »,  »le vide de la pensée » et  »la culture du buka lelo lamba lelo ».

Chez nous, les adeptes de cette  »culture de buka lelo lamba lelo » ont vite renoué avec l’amnésie et jettent des fleurs aux  »partenaires » de l’AFRICOM décidés, semble-t-il, à combattre aux côtés des FARDC contre les ADF/NALU ! Eza pasi na mawa !

Embarqués dans cette  »(in)culture de buka lelo lamba lelo », ils ne savent plus que le 01 octobre 2010 un rapport suffisamment détaillé a été publié sur les crimes commis dans les Grands Lacs Africains par les fondateurs d’ AFRICOM et leurs alliés(https://friendsofthecongo.org/un-mapping-report/). Et qu’ AFRICOM perpétue  »la guerre de basse intensité et de prédation » initiée sur  »leurs partenaires » dans les années 1990 et même avant. Qu’elle participe aux guerres secrètes mettant l’Afrique en danger ! Eza pasi na mawa ! Pourtant, ce ne sont pas des textes sur ces questions qui manquent. En voici un se passant de tout commentaire :Les guerres secrètes des États-Unis mettent l’Afrique en danger — Moon of Alabama. Voici la petite conclusion de cet article :

 »Les missions secrètes d’opérations spéciales ne sont que le début des efforts des États-Unis pour soumettre toute l’Afrique à leur volonté et contrôler ses ressources. Il faut que les peuples et les gouvernements d’Afrique s’y opposent de toutes leurs forces. »

Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

 

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