Affaire 200 millions : la Gécamines s’explique, mais s’accuse

politico.cd

Le géant minier national s’est expliqué dans un communiqué parvenu ce lundi à POLITICO.CD autour du scandale de 200 millions de dollars américains qui éclabousse ses dirigeants. Cependant, la Gécamines, qui dément formellement tout détournement, fait des affirmations qui la plonge d’avantage dans ce dossier.

Il n’y a pas eu de détournement de 200 millions à la Gécamines, affirme en substance son Directeur général intérimaire Jacques Kamenga, tentant démonter le scandale autour de 200 millions d’un supposé prêt que la Gécamines aurait une trop bonne volonté de rembourser. « Ce contrat existe et a effectivement été exécuté dans les normes », fait savoir M. Kamenga. Il fait donc allusion au contrat dénoncé par des organisations de la société civile sur un présumé prêt entre la société Fleurette Mumi et la Gécamines.

« Pendant qu’elle n’était pas sous sanction américaine, Fleurette Mumi, devenue Ventora depuis lors, avait octroyé à Gécamines, en octobre 2017, un prêt de 200.000.000 € (Deux cents millions d’euros). Il était prévu que Gécamines pourra retirer les sommes dont elle aurait besoin sans dépasser le maximum de 200.000.000 € », reconnaît la Gécamines.

« Les extraits de comptes et autres documents comptables renseignent clairement que la quasi-totalité a été versée au Trésor public au titre de paiement d’avances sur fiscalité. En témoigne, la lettre du Ministre des Finances portant titrisation de cette somme », insiste-t-on, avant d’ajouter : « on est donc bien loin du contrat prétendument fictif, de la somme non perçue par Gécamines, du non-enregistrement de la somme dans les états financiers de Gécamines, de la somme  détournée, des fausses arrestations, des fausses fuites. »

Cependant, dans son communiqué, la Gécamines admet que Fleurette Mumi, auprès de qui elle aurait contracté la dette, « est  devenue Ventora ».  Une situation étrange que dénonçait l’avocat Géoges Kapiamba. « en octobre dernier, c’est cette nouvelle entreprise Ventora qui demande à la Gecamines de lui payer la somme de plus 209 millions d’euros censée revenir à Fleurette Mumi, sans expliquer par quelle magie Ventora en devenait propriétaire ». Par ailleurs, nul, en l’occurrence la Gécamines, n’a expliqué comment Ventora, société nouvellement créée, a-t-elle pris la place de Fleurette Mumi en héritant cette créance; d’autant plus que cette dernière, appartenant à l’homme d’affaires israélien Dan Gertler, est toujours sous sanctions américaines.

En effet, l’Administration Trump a annoncé le 21 décembre 2017 un nouveau régime de sanctions visant notamment l’homme d’affaires Dan Gertler « Gertler s’est servi de son amitié étroite avec le président congolais Joseph Kabila pour jouer un rôle d’intermédiaire dans le cadre de la vente d’actifs miniers en RDC, de sorte que certaines entreprises multinationales ont été contraintes de passer par Gertler pour faire des affaires avec l’État congolais», affirme le Bureau de contrôle des actifs étrangers (OFAC), organisme de contrôle financier, dépendant du Département du Trésor des États-Unis.

Ventora et Fleurette, deux filiales appartenant à Gelter

En juin 2018,  ce même organisme sanctionne 14 entités en raison de leurs liens avec M.  Gertler. « Gertler et sa société Fleurette Properties ont utilisé des sociétés offshores pour faciliter ces transactions. En conséquence, entre 2010 et 2012 seulement, la RDC aurait perdu plus de 1,36 milliard de dollars de revenus du fait de la sous-évaluation des actifs miniers qui ont été vendus à des sociétés offshores liées à Gertler », accuse-t-il. Dès lors, leurs avoirs sont gelés, et il est interdit à qui que ce soit faire des affaires avec.

«Voir Fleurette Mumi devenir Ventora et venir réclamer ses créances à la Gécamines est assez étrange.   Un tel changement de nom est surement illégal et devrait faire objet d’enquêtes sérieuses de la part de la Gécamines et même de l’Etat congolais », explique un activiste financier à POLITICO.CD.

En outre, alors que la Gécamines affirme que ces 200.000 millions ont été versées « au Trésor public au titre de paiement d’avances sur fiscalité », c’est du côté du Porte-parole du président Félix Tshisekedi lui-même qui cette information est remise en cause. En effet, dans un tweet publié en juin dernier, toujours au cœur d’une polémique avec la Gécamines, Kasongo Mwema Yamba Y’amba fait savoir que la Gécamines ne paie pas plus de 20 millions d’impôts par an en RDC. Ainsi, 200.000 millions symboliseraient 10 ans d’impôts annuels.

Kasongo Mwema Yamba Y’amba@mwema_y
 Ca finira par se savoir. La GCM ne paie que 20 millions de $ d’impôts chaque année. La même GCM reçoit la redevance de contrats d’une vingtaine de multinationales. OÙ VA L’ARGENT ? On comprend pourquoi l’ordonnance « dépouillant » YUMA de ses pouvoirs exorbitant dérange.

POLITICO.CD n’a pas pu joindre la Gécamines pour obtenir des réponses à ces questions soulevées. Mais des informations concordantes démontrent qu’en réalité, Fleurette et Ventora ont toujours existé en tant que deux entités appartenant toutes à l’homme d’affaires Dan Gertler.

En effet, c’est à la tête de sa filiale Ventora Development Sasu que Dan Gertler s’est retrouvé au coeur d’un bras de fer avec Glencore en avril 2018. L’homme d’affaires israélien réclamait alors 3 milliards de dollars à l’opérateur suisse qui ne lui a pas versé de royalties depuis cinq mois. Un arriéré dont Glencore contestait le montant, mais pas le principe, et qui s’explique par les sanctions économiques américaines visant Dan Gertler.

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