»Le suicide » de Delphin Kahimbi. Un geste polysémique (suite et fin)

Dans la première partie de cet article, j’ai essayé de tirer quelques cinq leçons du  »suicide » de Delphin Kahimbi. Dans cette deuxième partie, je vais essayer de relire  »la confidence » de Delphin Kahimbi retenue par Colette Braeckman dans le contexte de  »la guerre perpétuelle » de basse intensité et de prédation menée contre le Congo-Kinshasa :« Nous sommes arrivés au pouvoir par la force. Que ceux qui souhaitent l’alternance sachent qu’ils ne l’obtiendront ni par les élections ni par des manifestations pacifiques, mais en faisant la même chose que nous. »

Pourquoi, Delphin Kahimbi et les autres membres de  »la kabilie » sont-ils fiers de soutenir qu’ils sont venus  »au pouvoir par la force » au moment où les mêmes disent à ceux qui veulent bien les entendre que  »leur champion » est  »le véritable père de la démocratie congolaise » ? De quel pouvoir s’agit-il ? Une sous-traitance pour un  »Etat raté » est-elle un  »pouvoir » ?

 »La kabilie » au eu constamment recours à la tactique du double discours : un discours officiel servi aux masses congolaises appauvries et lobotomisées afin qu’elles applaudissent  »le raïs » ; et un discours officieux servi au cercle le plus rapproché d’alias Joseph Kabila. Delphin Kahimbi a fini par mettre ce discours officieux sur la plus publique. Pourquoi ? Il croyait en  »la toute-puissance » de la kabilie ». Il est possible qu’il ait cherché à provoquer la peur chez les éventuels concurrents du  »raïs » et dans les masses populaires, victimes à plusieurs reprises des tirs à balle réelle de la part des seigneurs de guerre de  »la kabilie ». Il est aussi possible que ça soit un appel du pied à ces éventuels concurrents afin qu’ils trouvent un modus operandi pouvant leur éviter de se débarrasser de  »la kabilie » pour contrer  »l’inanition de la nation ».  »Une inanition imaginaire de la nation », bien sûr !

Cela peut aussi être une façon de partager un secret de Polichinelle à un plus grand nombre :  »La kabilie participe à la guerre perpétuelle contre le Congo-Kinshasa pour transformer ce pays en  »un Etat raté et manqué ». En partageant  »sa confidence », Delphin Kahimbi met des puces aux oreilles congolaises paresseuses, aux esprits et aux cœurs mangés par  »la kabilie » ; ceux ayant oublié que  »le Shina Rombo » est  »un Cheval de Troie » de celui que les anglo-saxons globalistes appellent affectueusement  »our kind of guy » (.https://www.voltairenet.org/article167964.html) Et qu’à ce titre, il prenait sa part, avec  »les durs de la kabilie », au détricotage du Congo-Kinshasa dans son ambition de devenir  »un Etat-nation ».

En effet, un article écrit par Edward Herman avait pris soin de mentionner le Congo-Kinshasa parmi les pays visés par les Etats-Unis pour la sauvegarde de  »leur sécurité nationale ». L’Afghanistan, la Libye, l’Irak, le Pakistan, la Syrie, la Somalie et l’Iran étaient aussi cités partie de ces pays. La guerre interminable menée contre la Libye, la Syrie, l’Iran, l’Afghanistan, l’Irak, etc. prouve à suffisance qu’ Edward Herman s’est livré à une lecture avertie du  »projet impérialiste ».

Et qu’entend-il par un  »Etat raté » ?  »J’entends, écrit-il, un État qui, après avoir été écrasé militairement ou rendu ingérable au moyen d’une déstabilisation économique ou politique et du chaos qui en résulte, a presque définitivement perdu la capacité (ou le droit) de se reconstruire et de répondre aux attentes légitimes de ses citoyens. » (https://www.legrandsoir.info/produire-des-etats-rates.html) Les faux slogans de  »la kabilie » tels que  »les cinq chantiers » et  »la révolution de la modernité » n’ont servi qu’à jeter de la poudre aux yeux des masses populaires fanatisées, assujetties, appauvries et soumises dans cet  »Etat-raté ». Donc, de ce point de vue, la guerre anglo-saxonne de prédation et de basse intensité menée par des sous-traitants interposés a atteint l’un de ses objectifs majeurs. Elle a durée plus de deux décennies et ce n’est pas encore fini.

En effet, au Congo-Kinshasa, depuis  »la guerre de l’AFDL » et du chaos qui en est résulté, le pays a perdu toute capacité de  »répondre aux attentes légitimes de ses citoyens ».  »La kabilie » a participé de ce  »chaos constructeur » d’un sous-système klepocratique transformant le Congo-Kinshasa en une prison à ciel ouvert. Les attentes citoyennes légitimes de justice y ont été complètement ignorées. Les moyens d’autoproduction et de production de la vie et de la survie collectives ont été confisqués par  »un conglomérat d’aventuriers ». L’espace public du débat contradictoire a été verrouillé. Le Pasteur Ekofo en a payé le prix. Il a osé dire, publiquement, que sous  »la kabilie », le Congo-Kinshasa était devenu  »un non-Etat ». Il a pris le chemin de l’exil…

Les morts mystérieuses (et les fosses communes) ont élu domicile au cœur de l’Afrique.  »Voici quelques noms de ces « morts mystérieuses « : Laurent-Désiré Kabila, Aimée Kabila; Thérèse Kapangala; Rossy Tshimanga Mukendi; colonel Mamadou Ndala; capitaine Moise Banza (aide de camp du colonel Mamadou Ndala); Généraux Lucien Bahuma et Felix Budja Mabe; Steve Nyembo Mutamba (DRH Impôt); Ngezayo Safari (homme d’affaires); Louis Bapuwa Mwamba (journaliste); Pascal Kabungulu (défenseur DH); Floribert Chebeya et Fidèle Bazana (Défenseurs DH); Luc Nkulula (activiste de la société civile); Franck Kangundu dit Ngycke (journaliste); Serge Maheshe et Didace Namujimbo (journalistes radio Okapi); Guillaume Samba Kaputo (conseiller spécial de « Kabila » en matière de Sécurité); commandant Tshimanga Mbiye (Logistique FARDC); Augustin Katumba Mwanke (ambassadeur itinérant de « Kabila« ), l’ex-procureur Charles Alamba Mongako. La liste est loin d’être exhaustive. » (Congo-Kinshasa: Ces morts mystérieuses – Congo Indépendant)

 »La kabilie » exerce la sous-traitance du réseau transnational de la mort au Congo-Kinshasa. Elle participe de l’ordre cannibale du monde. Fonctionnant comme une sorte de  »maffia », elle n’hésiterait pas à arracher la parole -peut-être éternellement- à certains de ses membres. Sa survie en dépend. Curieusement, c’est cette sous-traitance que Delphin Kahimbi nomme, par inversion sémantique,  »arriver au pouvoir par la force ». En  »kabilie », les mots ont perdu leur sens. Il y a pire.

 »La kabilie » n’a pas tout simplement transformé le pays de Lumumba en un  »Etat raté ». Elle en a aussi fait un  »Etat manqué ». C’est-à-dire un Etat où les institutions existantes sont vides de contenu sensé. Au cœur de  »la kabilie », compter sur l’Armée, les cours et tribunaux, sur la CENI, sur l’Assemblée nationale et le Sénat, sur le Parquet, etc. dans cet  »Etat manqué » était synonyme d’une naïveté inimaginable. Toutes ces institutions ont été embrigadées dans une lente mais sûre mort du pays.

Ecouter ou lire  »la confidence » de Delphin Kahimbi -c’est-à-dire le discours officieux de la Kabilie »- devrait aider à rompre avec l’inconscience en reconsidérant le processus  »politique » vicié et vicieux dans lequel le pays est engagé depuis  »la guerre de l’AFDL ».

Une rupture avec ce processus mortifère est indispensable. Elle deviendrait une réalité si le passage de l’  »Etat-raté-manqué » à l’ Etat (national et social) normal est effectué de manière efficace au niveau des institutions telles que la justice, la monnaie, la sécurité, la police et l’armée. Elles devraient être  »dékabilisées » en tout et pour tout. Prendre conscience du gouffre sans fond où  »la kabilie » a plongé le pays conduirait les Congolais(es) à considérer toute alliance avec elle comme étant si pas  »une complicité », sinon  »une trahison » ou  »une collaboration »

Comment est-il possible, en conscience, de conclure des alliances avec  »une maffia » ayant un double discours et capable, à un certain moment, de mettre sur la place publique, son discours officieux ?  »Une maffia » participant à l’ordre cannibale du monde ? Comment ?

 »Dékabiliser » les institutions ne serait pas suffisant si cela n’est pas accompagné d’une remise en question profonde des liens entretenus entre le Congo-Kinshasa et les parrains de  »la kabilie ». Celle-ci ne doit une bonne part de son arrogance qu’au soutien dont elle bénéficie, encore aujourd’hui, auprès de ses parrains lobbyistes.

A ce point nommé, les choses semblent se corse au pays de Lumumba.  »Des parrains lobbyistes » de  »la kabilie » sont en train d’atteindre deux autres objectifs de leur guerre de basse intensité : livrer le Congo-Kinshasa à l’un des  »majors US » et en faire un terrain de prédilection pour leur  »law war ». Un protocole d’accord a été signé à Kinshasa le 12 février 2020 à Kinshasa. Il confie les domaines de l’énergie et de la santé à General Electric, un  »major US ». (Pour rappel, les objectifs d’une guerre livrée pour la sauvegarde de  »la sécurité nationale » US sont entre autres le contrôle du marché des matières premières stratégiques et de l’énergie). Ce protocole d’accord signé au mois de février témoigne qu’un autre objectif de cette guerre menée par des  »proxies » interposés a été atteint.

En soutenant  »la lutte contre la corruption au Congo-Kinshasa », les USA engagent, dorénavant, ce pays dans leur  »law war » menée par des lois extraterritoriales interposées. C’est-à-dire aucunement soucieuses de la souveraineté des pays tiers ; donc, contre le droit international et la charte de l’ONU.

Ces quelques objectifs de cette guerre de basse intensité ayant été atteint, le NZITA US au Congo-Kinshasa peut danser en mangeant le fufu avec les bitekuteku. Et les plus aliénés d’entre nous peuvent danser avec lui. Il a même pris un nom kasaïen de  »Tekemena ». Ceci n’est pas anodin…

Qui pourrait lui en vouloir ? Pas moi. Conduire une guerre contre un pays pendant plusieurs années et voir les résultats escompter de ses propres yeux, cela réjouit le cœur. Nzita Tekemena peut danser. Mais que des compatriotes puissent danser avec lui, c’est peut-être signe qu’ils sont ignorants de ce qui est arrivé à leur pays.

Dieu merci ! Les minorités éveillées ne dorment ni ne sommeillent. Elles ne se laissent pas prendre par  »le jeu » des questions d’actualité. Elles visitent et revisitent la mémoire collective. Elles pensent que la brèche ouverte par  »un dur » de  »la kabilie » a finalement corroboré plusieurs de leurs hypothèses d’un travail de l’intelligence abattu depuis plus de deux décennies. Elles continuent à estimer que revisiter certaines alliances géostratégiques du Congo-Kinshasa est d’une importance capitale. Les masses populaires auto-organisées, en conscience et en connaissance de cause, devraient s’engager dans ce travail sur le temps long pour un pays plus beau qu’avant. Un leadership collectif pourrait jouer, au cœur de ces masses appelées à devenir les démiurges de leur propre destinée, le rôle du levain dans la pâte. Un trajet d’apprentissage en commun devrait être le lieu d’un collectif déformatage-reformatage. La lobotomie devrait être combattue sous toutes ses formes.

Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

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