Revisiter les mots pour juguler la crise de sens

Il ne se passe presque plus un jour sans que les révélations sur la prédation et l’enrichissement illicite des anciens dinosaures mobutistes et des nouveaux prédateurs de la  »kabilie » puissent être mises sur la place publique. La dernière interview donnée par Jean-Jacques Lumumba à Afrikarabia du 30 avril 2020 en témoigne (afrikarabia.com/wordpress/corruption-en-rdc-il-ne-faut-pas-sarreter-a-kamerhe/)(. Des compatriotes étudiant l’histoire de notre pays depuis les années 1960 jusqu’à ce jour savent que cette kleptocratie est un fait affairisto-économique géré au sein d’un réseau transnational. Les compatriotes cités sont souvent des  »compradores », des  »agents de l’étranger » ramassant les miettes tombant de la table des « maîtres du monde et de ceux qui leur obéissent ».

Cette kleptocratie permanente et perpétuelle devrait nous conduire à revisiter certains mots et/ ou qualificatifs utilisés dans notre pays.

Un exemple. Classifier le Congo-Kinshasa parmi  »les pays pauvres » n’a pas de sens. Ce pays devrait être classifié parmi  »les pays appauvris ». C’est différent. Ceci permet de comprendre que la pauvreté n’est pas une génération spontanée. Elle est le fait d’un réseau transnational de prédation. Démanteler ce réseau et récupérer le produit de sa prédation seraient l’un des pas importants à faire pour enrichir le pays de Lumumba. Pour cela, une justice, une police et une armée des patriotes aux ordres d’un véritable  »Etat souverain » sont indispensables. Et la théorie de la séparation des pouvoirs n’a aucun sens là où opère un réseau ayant infiltré toutes les instances de ceux-ci en vue de les utiliser pour sa prédation et son enrichissement illicite. Réciter les leçons apprises à l’école de Montesquieu peut être signe que le mode opératoire de ce réseau n’est pas maîtrisé.

Mais un véritable  »Etat souverain » ne peut advenir au pays de Lumumba qu’avec le démantèlement des institutions vides de sens et ayant servi de caisses de résonance à la kleptocratie afin d’ en inventer d’autres. C’est un  »non-sens » que de continuer à parler de  »l’assemblée nationale » ou du  »parlement » dans un pays où la reddition des comptes n’est pas exigé des  »compradores » aux affaires !

Donc, il y a vraiment une urgence : revisiter les mots et les qualificatifs utilisés dans notre pays pour une marche sensée vers un Congo plus beau qu’avant. Appeler ce pays  »République Démocratique du Congo » n’a aucun sens après son appauvrissement impuni et échappant au contrôle social et populaire. Il faudrait le désigner autrement.

Un travail de pionnier existe. Il peut être enrichi. C’est notre  »Ingeta. Dictionnaire citoyen pour une insurrection des consciences »(http://www.ingeta.com/pub/ingeta-dictionnaire/).

En effet, donner leurs véritables sens aux mots peut aider des masses populaires les utilisant à se mettre debout. Un faux usage des mots peut retarder l’avènement d’un autre Congo-Kinshasa. Un exemple : appeler  »les frappeurs », les  »seigneurs de guerre »,  »les escrocs » et  »les compradores »  »hommes d’Etat », c’est enseigner à nos enfants, sans nous l’avouer, qu’en trichant, en mentant, en volant, ils peuvent un jour être appelés à présider aux destinées d’un Etat digne de ce nom au cœur de l’Afrique. Cela même si  »le statut d’homme d’Etat » ne s’acquiert pas une fois pour toutes. Il est lié à l’existence réelle d’un véritable Etat et à la qualité, l’éthique de vie de ceux qui s’en réclament. Il doit être constamment « reconquis ».

Revisiter les mots et/ou les qualificatifs utilisés dans notre pays pourrait être indispensable à sa sortie de la crise de sens. Qui dit sens dit direction, orientation. Mais aussi signification. Donner à notre pays une orientation viable nous exige de savoir que les mots sont des « conquis » et non des « acquis ». Et qu’à ce titre, à chaque étape de notre lutte collective, ils doivent être revisités afin qu’ils aient  »leurs sens réels » et non fantasmés.

Babanya Kabudi

Génération Lulumba 1961

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