Le temps de la compréhension et celui de la production des faits. Le cas du Congo-Kinshasa

 »Les tranchées des idées valent plus que les tranchées de pierres » Fidel Castro

Les faits peuvent mettre beaucoup de temps à être compris. Le  »réseau d’élite » les produisant peut être difficilement identifiable. Ses objectifs peuvent aussi être difficilement compréhensibles au premier coup. Le sophisme peut jouer dans la disqualification des idées au nom du procès ad hominem mené contre leurs auteurs. Je prends un exemple pour être plus explicite.

Le député Muhindo Nzangi passe aujourd’hui, sur plusieurs chaînes de télévision, plus de deux décennies après le début de la guerre contre le Congo-Kinshasa, pour expliquer des secrets de Polichinelle.

En principe, ce fils du pays ne dit presque rien qui n’ait été déjà dit. Mais il semble que pour certains compatriotes, les temps n’étaient pas encore mûrs pour mieux  »voir » les choses. Il est aussi possible qu’ils n’aient pas eu accès aux livres et archives traitant de ce que Muhindo Nzangi est en train de partager.

Lire  »Crimes organisés en Afrique centrale. Révélations sur les réseaux rwandais et occidentaux » (2004) d’Honoré Ngbanda Nzambo a été, pendant longtemps, assimilé à  »un crime d’hérésie patriotique ». Pour certains milieux congolais, il ne fallait surtout pas lire les écrits du Conseil spécial de Mobutu, ne fût-ce que par curiosité. Le lire signifiait ipso facto devenir son disciple et être livré à la vindicte populaire. Pourtant, une année avant, Colette Braeckman, une journaliste belge, écrivait un livre ayant plusieurs thèses proches de celles d’Honoré. Elle a quand même été mieux accueillie et lue dans certains milieux congolais que le compatriote en publiant  »Les nouveaux prédateurs. Politique des puissances en Afrique centrale » (2003).

En 2008, un autre livre publié par Alain Deneault, Delphine Abadie et William Sacher et intitulé  »Noir Canada. Pillage, corruption et criminalité en Afrique » reprenait certaines de ces thèses défendues par Honoré Ngbanda. Malheureusement, plusieurs compatriotes congolais, il ne servait à rien de le lire. Soit ! Un choix peut avoir des raisons que la raison ne connaît pas !

En 2009, un groupe de Congolais va publier un livre très remarquable :  »Guerre et droits de l’homme en République Démocratique du Congo » sous la direction de Jean-Pierre Badidike.

A entendre comment des compatriotes donnent l’impression de découvrir à peine les crimes du RCD/Goma, on dirait qu’ils n’ont jamais entendu parler de ce livre.

En 2010, avec  »Carnages. Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique », Pierre Péan refait le même travail en l’enrichissant historiquement. Plusieurs milieux congolais y font à peine allusion.

Plusieurs autres livres peuvent être cités pour soutenir ceci :  »Muhindo Nzangi revient sur des éléments historiques et factuels très bien documentés depuis plus de deux décennies. Malheureusement, plusieurs compatriotes renonçant à la bataille des idées ont refusé d’y avoir accès, n’y ont pas eu accès ou ont été interdit d’y avoir accès par sophisme, par paresse intellectuelle, par refus de savoir ou tout simplement par impossibilité d’y avoir accès. »

Dieu merci ! Muhindo Nzangi vient de permettre à plusieurs compatriotes de pouvoir partager ces secrets de Polichinelle. Je me souviens de l’un d’eux qui disait :  »Vous accusez les Rwandais. Où les voyez-vous ? » Et quand, il est en face de Muhindo Nzangi lui disant qu’il ne sait rien, il rigole. La vidéo est là :MASOLO NA DEPUTE 30 10 2020 A.RUBERWA,NYARUGABO,BA VERITES EBIMI.

Mieux vaut tard que jamais, dit-on ! A travers son travail pédagogique, en passant d’un plateau de télévision à un autre, ce digne fils du pays apporte sa pierre à la promotion de l’intelligence collective. Il aide  »les retardataires » et  »les paresseux » à pouvoir se ressaisir. Ils peuvent maintenant renouer avec les livres et les archives pour être mieux outillés pour notre lutte commune. Ils existent.

Par son travail pédagogique, plus de deux décennies après le début de la guerre contre le Congo-Kinshasa, Muhindo Nzangi nous aide à nous réaliser qu’une certaine  »représentation du peuple » est, soit ignorante de l’histoire du pays, soit complice de ses racketteurs, soit simplement  »manducrate »…

Cet exercice pédagogique est aussi important pour certains résistants congolais soucieux de voir tout notre peuple se mobiliser comme un seul homme afin de mettre fin à la guerre de prédation et de basse intensité menée contre le pays. Comment veulent-ils que cela se fasse avec des masses ignorantes, indifférentes, complices ou mangeuses ? Il y a un minimum de culture commune à acquérir. Sans cela, se plaindre de nos masses populaire ne va rien changer. Sous d’autres cieux, les Fidel Castro et les Hugo Chavez ont réussi à mettre leurs peuples debout et à se démultiplier en faisant de la lutte contre l’analphabétisme et pour la culture, leur cheval de bataille. Les résultats sont visibles et palpables au Cuba et au Venezuela. Fidel avait compris ceci :  »« les tranchées d’idées valent plus que des tranchées de pierres », que « la première chose à sauver est la culture » car « la culture est l’épée et le bouclier de la nation ». Car « être cultivé est le seul moyen d’être libre » ; et « sans identité, il n’y a pas de liberté possible ». »

Muhindo Nzangi pourrait les pousser à comprendre que le temps de la bonne compréhension de ce qui se passe ne coïncide pas nécessairement avec la production même des faits. Alors, le manque de cette coïncidence ne signifie pas que tous les compatriotes qui ne comprennent pas les faits au moment où ils se produisent ou quelques années après sont tous complices de ceux qui les ont orchestrés. Il me semble que cette lecture serait simpliste.

D’où l’importance d’être patient, d’avoir des relais intergénérationnels et d’avoir une certaine pédagogie dans la lecture de certains comportements ; d’ éviter des amalgames et la stratégie d’intoxication et de privilégier le débat comme un lieu d’apprentissage mutuel et de consolidation des acquis historiques (à partager). A mon avis, les plus éveillés d’entre nous devraient porter les autres avec à la fois beaucoup de bienveillance, de générosité et d’indulgence.

Cela étant, l’exercice pédagogique de Muhindo Nzangi nous apprend aussi qu’un leadership collectif plus outillé sur les tactiques, les stratégies et les objectifs de la guerre de prédation et de basse intensité contre le Congo-Kinshasa lui aurait permis de mieux avancer.

Hélas ! Les forces mortifères tapies dans les coulisses et leurs  »nègres de service » ne sont pas encore vaincus. Renverser ces rapports de force exige un travail pédagogique patient et une synergie permanente entre les dignes filles et fils du pays. A l’intérieur tout comme à l’extérieur du pays.
Unis et partageant un minimum de culture commune (fondée sur les valeurs de la liberté, de la justice, de la sécurité, de la vérité, du patriotisme, de la paix, de la fraternité, etc., nous sommes forts !

Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

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