Libre-échangisme, dépolitisation et suicide du Kongo et de l’Afrique

 »Ils nous dominent plus par l’ignorance que par la force ! » (S. BOLIVAR)

Il semble qu’il y a, à  »l’assemblée nationale kongolaise », un débat sur l’ouverture du pays et de l’Afrique au libre-échangisme, – comme si cela n’avait pas encore été fait ! (Pourtant, la guerre raciste de prédation et de basse intensité en cours dans ce pays en est une arme!)

Bien que je ne crois pas en  »cette caisse de résonance » fabriquée par des  »autorités immorales » à l’issue d’un processus affairo-politique vicié et vicieux, j’estime que le débat qui s’y mène aurait son sens s’il commençait par interroger les principes fondateurs du capitalisme (libre-échangiste), son anthropologie et sa philosophie.

En effet, la question n’est pas de créer un simple marché. Elle est celle d’une perpétuelle et permanente conquête de l’Afrique par les mondialistes, de l’extension d’un modèle de politique économique dont la COVID-19 vient de marquer les limites et d’indiquer la nocivité.

Pourquoi ce qui échoue ailleurs doit-il être imposé à l’Afrique par le biais des sous-fifres des  »décideurs » ? Pourquoi ? Il faudrait peut-être se poser la question de savoir si les élites kongolaises pensent encore leur pays et l’Afrique comme du temps de Lumumba et de Nkrumah…

Hormis les attaques individualisées, les textes décriant le culte de la personnalité ou l’avalisant, il me semble que plusieurs compatriotes n’arrivent pas à mener des critiques systémiques et institutionnelles info-formées. La géopolitique, la géostratégie, la géoéconomie, etc. constituent les points trop faibles de nos analyses. L’amnésie poursuit encore et toujours ses ravages dans nos cœurs et nos esprits.

Mener un débat rationnel et raisonnable sur le libre-échangisme, par exemple, commencerait par convoquer les principes édictés par le Consensus de Washington afin de les passer au crible de la critique sociale et solidariste. Le minimum à savoir sur ce Consensus serait la première chose à être mieux partagée par  »les honorables députés ». Savoir, par exemple, qu’en 1989, le vice-président de la Banque mondiale, John Williamson a formalisé ce Consensus et que « ses principes fondateurs visent à obtenir, le plus rapidement possible, la liquidation de toute instance de régulation, étatique ou non, la libéralisation la plus totale des marchés (des biens, des capitaux, des services, etc.) et l’instauration à terme d’une stateless global gouvernance, d’un marché mondial unifié et entièrement auto-régulé », serait un bon point de départ.

L’application des principes de libéralisation, de déréglementation et de privatisation vise le suicide des Etats-nations ou la mise de ce qu’il en reste (ou en restera) au service de la sécurisation des forces dominantes du marché. Il s’agit là de conférer au fait économique sa domination sur le fait politique.

Il s’agit là de la mise en pratique d’une politique économique dépolitisante par la mise en pratique des règles néo ou ultralibérales en neutralisant toute forme de résistance.

Dans ce contexte, « le néolibéralisme est une arme de conquête. Il annonce un fatalisme économique contre lequel toute résistance paraît vaine. Le néolibéralisme est comme le sida : il détruit le système immunitaire de ses victimes. » (Bourdieu cité par J. ZIEGLER, Retourner les fusils. Choisir son camp, Paris, Seuil, 2014, p. 77) Et « le fatalisme des lois économiques masque en réalité une politique, mais tout à fait paradoxale, puisqu’il s’agit de dépolitisation, une politique qui vise à conférer une emprise finale aux forces économiques en les libérant de tout contrôle et de toute contrainte en même temps qu’à obtenir la soumission des gouvernements et des citoyens aux forces économiques et sociales ainsi libérées. » (Ibidem)

Un débat rationnel et raisonnable questionnerait la matrice organisationnelle du système capitaliste libre-échangiste destructeur de la conscience des identités kongolaises et africains par la logique qu’il met en place. Il chercherait à comprendre le sens des mots tels que la concurrence et la compétitivité. (Lire B. MARIS, Antimanuel d’économie. 2. Les cigales, Paris, Breal, 2005)

En fait, « le principe fondateur du système capitaliste est la concurrence impitoyable entre tous les individus et entre tous les peuples. La conscience de l’identité, l’impératif moral mettent en œuvre une stratégie radicalement opposée : celle de la solidarité. La logique du capital est fondée sur l’affrontement, la guerre, l’écrasement ; la logique de la solidarité est fondée sur la complémentarité, la réciprocité des relations entre les hommes. » (J. ZIEGLER, O.C., p. 276)

Se livrant à un débat sensé et info-formé,  »les honorables députés » se rendraient compte qu’en votant  »des lois » autorisant l’ouverture du Kongo-Kinshasa et de l’Afrique au libre-échangisme, ils acceptent la liquidation totale de leur  »Etat-raté-manqué » et sa condamnation à ne pas (re)devenir un véritable Etat-nation souverain. Ils optent pour une guerre raciste de prédation perpétuelle et pour une permanence des conflits dépolitisants entre eux, entre eux et leurs compatriotes, entre leurs compatriotes et les autres compatriotes africains, etc. Bref, le vote de  »ces lois mortifères » signe le suicide du Kongo-Kinshasa et de l’Afrique. Ils vont signer ce suicide en applaudissant à tout rompre ! Au nom de la démocratie et de  »l’union sacrée » pour la mort de la nation ! Bualu bua dikema ! Kokamwa !

Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

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