Pourquoi Fatshi ne comprend-t-il pas  »le pourquoi » ? (suite et fin)

« (…) la bataille fondamentale, la bataille finale, est et sera la bataille contre le mensonge, un mensonge qui, dans ce conflit, s’est institutionnalisé au niveau mondial » J. CARRERO

Les deux premières parties de cet article ont posé des questions et tenté d’esquisser quelques hypothèses pour essayer de comprendre cette phrase de Félix Tshisekedi : « Je ne comprends pas pourquoi des gens meurtris, affamés, frappés par le chômage et tous genres de calamités chantent à notre gloire alors qu’ils devraient nous exiger plus comme c’est le cas en occident .»

La normalisation de l’anormal par des compatriotes ayant été formatés par la dictature mobutienne pendant plus ou moins trois décennies et la poursuite de cette œuvre destructrice par  »Mobutu light », l’assujettissement des kongolais par des  »politiques » et des discours pervertis ont été certaines de ces hypothèses avancées ainsi que la possibilité du déformatage des têtes, des cœurs et des esprits. J’ajoute le fait que cet assujettissement longtemps entretenu peut produire des  »dégénérés », sans repères, sans ancrage solide et acceptant d’être gouvernés par des criminels et des bandits.

Ce phénomène n’est pas que kongolais. Il serait en train de se mondialiser au point de pousser un Français, Eric Montana, à poser cette question, eu égard à ce qui se passe dans son pays : «Et c’est parce que nous sommes devenus un peuple de dégénérés, que nous acceptons d’être gouvernés par des malfaiteurs, des affairistes, des corrompus, des criminels sans même réagir ? Ces malfaiteurs qui conduisent notre peuple vers l’abîme, notre économie vers la faillite, nos commerçants et artisans à la ruine, les familles au désespoir, nos anciens au cimetière (…). »

Donc, la régression et/ou l’appauvrissement anthropologique que Fatshi béton ne comprend pas ou refuse de comprendre au cœur de l’Afrique participerait de la dégénérescence des populations perdant de plus en plus leur qualité de  »peuple » et de  »citoyen » pour être réduites au rang des consommateurs compulsifs sur le marché de biens matériels et de discours dévoyés.

Ne pas comprendre cela, refuser de le comprendre ou manifester la volonté de ne pas le comprendre peut questionner le sens de l’engagement politique de Fatshi béton. Qu’est-il aller faire en politique s’il est incapable de comprendre la régression anthropologique dont souffrent plusieurs de ses compatriotes ? Est-ce possible de prétendre être au service des populations dont on ne comprend pas les questions essentielles face auxquelles elles sont placées depuis plus de soixante ans ?

Il me semble que non.

Il se pourrait aussi que Fatshi béton refuse de comprendre les causes profondes de cette régression anthropologique pour éviter d’avoir des problèmes avec  »les décideurs ». Ou tout simplement pour éviter d’être du côté de ses compatriotes qui voudraient y trouver des réponses en lisant et/ou relisant, consciencieusement, sagement et lucidement l’histoire du pays de ses soixante dernières années.

Pourtant, s’il accepte de le faire, il pourrait s’engager sur la voie du renversement des rapports de force par le nombre. Car c’est de cela qu’il s’agit prioritairement : renverser les rapports de force entre le réseau transnational de prédation (fondé sur le mensonge et le crime) et les masses kongolaises chosifiées, tuées gratuitement comme le dirait mon ami Juan Carrero (Rwanda-RD Congo 1990-2021: L’humanité a beaucoup à perdre dans cette grande tragédie avec des caractéristiques uniques dans l’histoire [Joan Carrero, 04.04.2021] – L’HORA (l-hora.org)

Si les élites occidentales ont pu faire en sorte qu’un holocauste de plus de dix millions de morts, qu’elles-mêmes ont provoqué en Afrique centrale, passe presque inaperçu pendant…
l-hora.org

).

Quelles peuvent être les preuves de ce refus du renversement des rapports de force ?

Il y a, entre autres, le choix de Paul Kagame comme  »partenaire fiable », la non-initiation jusqu’à ce jour de l’audit de l’armée pour en extirper les infiltrés, la longue attente de la mise en place de la justice transitionnelle, l’accès des  »émissaires des décideurs » aux  »forces armées kongolaises », les incursions de l’armée rwandaise sur le sol kongolais, le prochain retour de cette armée sur les terres de Lumumba aux côtés des FARDC, l’acceptation de  »la fausse thèse » de la guerre contre le terrorisme, etc.

Ces preuves et bien d’autres pourraient donner raison à Mufoncol Tshoyoyo lorsqu’il invite à passer de la question de la non-compréhension de Fatshi à celle de la nature du pouvoir-os qu’il sert. Et voici comment il la repense : « La même question se reposerait autrement. Pourquoi vouloir de la compréhension là où normalement la nature du pouvoir-os l’exclut ? Est-ce le fait de vouloir à tout prix croire à un miracle, parce que la masse se montre influençable ou on est bien là en face de quelque faiblesse de nature humaine ? Et pourquoi pas ? »

Partageant cette approche, il me semble qu’il ne servirait pas à grand-chose de chercher à comprendre pourquoi Fatshi béton ne comprend pas. Il serait plus que temps de tenter par d’autres moyens la lutte pour le renversement des rapports de force.

Repenser la lutte idéologique kongolaise est indispensable. La repenser à partir de certaines figures de la pensée politique kongolaise. Lumumba est en une d’indépassable !

S’y atteler en restant attacher aux mouvements et/ou organisations soucieux de travailler ensemble à la consolidation de la cohésion nationale, à l’émergence d’un leadership et d’un projet de société collectifs afin d’engager nos populations chosifiées dans un processus de leur transformation en  »peuple ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire engager la bataille de la souverainete kongolaise sur tous les plans.

En effet,  »le peuple n’est peuple qu’autant qu’il est souverain : il se donne l’être en affirmant sa volonté. Hors quoi, il n’y a que la multitude, et rien n’est moins démocratique qu’une multitude. Le  »gros animal » préfère les démagogues ; c’est pourquoi les citoyens doivent résister au gros animal. Les démocraties n’échappent au populisme que par cet effort en chacun de penser. » Et il ajoute :

 »Il faut donc faire de la politique, et l’on ne peut en faire qu’à plusieurs : s’informer, réfléchir, discuter, s’organiser, agir. » (Extraits d’ A. COMTE-SPONVILLE, L’amour la solitude, Paris, Albin Michel, 2000, p.44-45)

Il y a donc une lutte à mener afin que  »la multitude » de fanatiques, de tambourinaires, de thuriféraires et d’applaudisseurs se (re)convertisse en  »peuple », en une bonne masse critique. C’est elle qui renversera les rapports de force.

Au cœur de cette lutte, il y a des voies à abandonner ou à relativiser. Celles conduisant à focaliser toute l’attention d’un plus grand nombre sur des individus ayant signé des  »pactes » avec  »les décideurs » et partisans du culte de la personnalité. Cela d’autant plus que le nouvel imaginaire politique à créer et/ou à inventer doit pouvoir renoncer au leadership individuel au profit du leadership collectif.

De plus en plus, j’ai la nette impression que quelque chose de bon, de vrai, de bien et de juste est en train de naître dans les cœurs et les esprits de plusieurs filles et fils du pays de Lumumba. Des minorités organisées et éveillées travaillent et font tâche d’huile. Elles n’acceptent plus que les millions des morts kongolais soient considérés comme des simples  »dégâts collatéraux » du génocide rwandais.

Des organisations citoyennes fondées sur (la prise de)  »la conscience » de l’identité collective kongolaise voient le jour et s’associent aux autres. Il y a là quelque chose qui sourd du le silence réfléchi kongolais….A moyen et long terme, les signaux d’un Kongo-Kinshasa différent pourraient être donnés…Il me semble…

Donc, que Fatshi béton comprenne ou pas les causes profondes de la régression et/ou de l’appauvrissement anthropologique dont des millions de ses compatriotes sont victimes, cela ne change rien au travail de la masse critique kongolaise en marche et éprise de la culture du BOMOTO en tant que  »barrière civilisationnelle ».

Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

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