The Guardian interpelle l’Inspection Générale des Finances (IGF) kongolaise

« Une idée devient une force matérielle lorsqu’elle s’empare des masses. » K. Marx

La bonne information et son traitement lucide sont des armes efficaces pouvant contribuer à annihiler, tant soit peu, les conséquences nocives une guerre de basse intensité se servant de la propagande manipulatrice des masses pour les dominer, les asservir, les assujettir et les abrutir. La bonne information, le sens du discernement dans son traitement et le recoupement des sources peuvent participer de l’éveil des consciences frappées par l’apathie et soumises aux  »kulunas en cravate ».

Au mois de décembre 2020, dans un article intitulé  »Les élites « intellectuelles » kongolaises participent de la guerre de prédation contre leur propre pays », je notais ceci :

« L’  »Etat-raté » kongolais, depuis plus de deux décennies, n’a pas répondu et ne répond pas toujours aux besoins essentiels des populations. Ses institutions  »manquées » ont été dépouillées de leurs moyens d’actions. Le témoignage le plus récent en date est celui du professeur Boniface Kabisa, spécialiste en criminologie et en criminalistique. Il l’a donné sur la radio okapi le 09 décembre 2020. « Selon lui, un cabinet spécialisé dans la mafia mine les institutions du pays. Il organise la corruption à grande échelle depuis plus de 18 ans. Il dispose de ses avocats, de ses juges, bref, de tout.  Kabisa corrige les propos de son ancien chef, le professeur Luzolo Bambi d’après qui le pays perdait chaque année 15 milliards de dollars, plus que le budget national. Faux, rétorque Boniface Kabisa. L’ancien conseiller spécial s’était plutôt trompé. Pour le Criminologue, c’est 27 milliards de dollars qui échappent jusqu’à ce jour au Trésor public. »(Corruption en Rdc: 27 milliards $ détournés depuis plus de 18 ans par un cabinet qui mine les institutions du pays, selon le professeur Boniface Kabisa | Radio Okapi )

Donc, pour rendre les institutions du pays inefficaces et vides de contenu, la guerre de prédation et de basse intensité menée contre le Kongo-Kinshasa a conduit à la mise sur pied d’une mafia dans ce pays. Il serait tentant de soutenir que ce pays est devenu  »un énorme paradis fiscal » pour le plus grand profit des forces dominantes du Capital. »

Hier, le 21 juillet 2021, un article de  »The Guardian » intitulé  »The UK has been linked to Congo’s ‘conflict minerals’ – where are the criminal charges?  » est venu corroboré mon hypothèse en écrivant ceci : « Tshisekedi a créé un organisme anti-corruption, IGF. Pourtant refuse d’enquêter sur le butin de Kabila, étranglant la démocratie et les investissements dans le pays. La RDC a perdu environ 300 milliards de dollars à cause de la corruption sous le règne de Kabila ; de quoi sortir plus de 50 millions de Congolais de la pauvreté. S’il ne fait pas face à des accusations criminelles au pays et que ses amis et entités corrompus ne peuvent pas faire face à la justice à l’étranger, comment cela se termine-t-il? » Une très bonne question !

Certains compatriotes lisant cet extrait de l’article ont corrigé l’erreur historique qu’il contient. L’IGF n’a pas été créée par Tshisekedi mais par Mobutu. Elle est devenue un peu plus opérationnelle sous Tshisekedi.

Cette correction n’enlève rien à la pertinence de l’interpellation de Vava Tampa, auteur de l’article. Cela d’autant plus que cette corruption sous le règne d’Alias  »Joseph Kabila » a fait l’objet d’un procès en Suisse depuis le mois de mars 2021.  « Selon la Cour pénale fédérale suisse la semaine dernière, la corruption qui détruit la République démocratique du Congo – où des conflits dévastateurs sur les minéraux utilisés dans nos appareils électroniques ont tué plus de six millions de personnes – est inextricablement liée au Royaume-Uni, à Gibraltar et à la Suisse, écrit Vava Tampa » Il ajoute ceci : « Ce fut un moment important pour dénoncer la corruption qui a alimenté non seulement la pauvreté, la famine et le chômage en RDC, mais aussi l’impunité et la violence nécessaires pour la maintenir. Pourtant, à moins qu’il n’y ait une reddition de comptes, cela ne changera pas. Selon la décision,entre 2006 et 2011, au plus fort du règne de l’ex-président Joseph Kabila, des individus et des entités au Royaume-Uni, à Gibraltar et en Suisse ont versé près de 380 millions de dollars (280 millions de livres sterling) de pots-de-vin en espèces aux autorités de la RDC par l’intermédiaire d’un éventail de sociétés écrans et de filiales – et, dans ce cas, le Serious Fraud Office du Royaume-Uni a déclaré au tribunal suisse qu’il avait les preuves pour le soutenir. »

Il continue : « En retour, Kabila a offert certains des joyaux et minéraux stratégiques de la RDC, y compris le cobalt, un composant essentiel des batteries lithium-ion utilisées pour alimenter les véhicules électriques. Le pays abrite environ 60% des réserves mondiales connues de cobalt, ce qui rend certains des amis corrompus de Kabila au Royaume-Uni, à Gibraltar et en Suisse presque indispensables dans la chaîne d’approvisionnement mondiale des voitures électriques, tandis que les Congolais meurent quotidiennement de la violence nécessaire pour soutenir leurs accords corrompus. »

Donc, pendant plus ou moins deux décennies, la violence du régime de la kabilie a servi de couverture à toutes ces opérations de corruption et de vente aux enchères des matières premières stratégiques du pays.

L’avantage de cet article est qu’il restitue le lien transnational entre le Kongo-Kinshasa, le Royaume-Uni, le Gibraltar et la Suisse. Au cœur de ce réseau, il y a, d’une part les corrompus ; et d’autre part les corrupteurs. Souvent, dans un certain élan d’autoflagellation, le fonctionnement de ce réseau, son lien transnational est sacrifié sur l’autel de la criminalisation de tous les Kongolais sans aucun discernement. Ici, avec un peu de lucidité, il y a lieu de comprendre certains objectifs de la guerre de prédation et de basse intensité menée contre le pays de Lumumba : l’infiltrer, favoriser l’accès des infiltrés aux fonctions régaliennes afin qu’ils livrent  »certains joyaux et minéraux stratégiques » à leurs  »clients » et  »parrains » avec la complicité de certains Kongolais orchestrant la mafia à l’intérieur du pays.

Cet article présente un autre avantage. Il remet en question la décision rendue en Suisse dans la mesure où les criminels impliqués dans la violence liée à cette prédation ne sont pas désignées. « Maintenant que la décision est rendue, écrit Vata Tampa, où sont les accusations criminelles? Ce n’est pas la première fois que le pillage de cette ancienne colonie belge est exposé ou lié au meurtre de Congolais. En 2003, un rapport novateur de l’ONU a nommé environ 125 personnes et entités, dont au moins 16 du Royaume-Uni, directement ou indirectement impliquées dans les minéraux de conflit. »

Cet article dit la nécessité qu’il y a à organiser une Justice Juste au Kongo-Kinshasa. Elle pourrait être l’un des points de départ pour la réelle reconstruction du pays. Mais peut-il y avoir une Justice Juste dans un  »protectorat », dans  »une néocolonie » ?

Si le pays de Lumumba ne redevient pas souverain sur tous les plans, il pourrait être difficile que ses bourreaux rendent des comptes. Cela d’autant plus que l’une des plaques tournantes citées dans cette affaire a corrompu plusieurs Kongolais afin qu’ils produisent des lois pouvant le protéger après ses forfaits accumulés pendant plus ou moins deux décennies. L’IGF pourrait-il demander que ces lois soient revisitées et  »ses immunités levées » pour qu’il réponde de ses crimes présumés ? Wait and see !

La petite critique que j’émets après la lecture de cet article est une remise en question de la foi de son auteur en Joe Biden. Pour lui, il y a de l’espoir dans la mesure où  »la première action du président américain Joe Biden contre la corruption à l’échelle mondiale a été sur la RDC. Deux mois après son entrée en fonction, Joe Biden a réimposé unilatéralement des sanctions contre Dan Gertler, un allié de Kabila, « pour lutter contre la corruption et promouvoir la stabilité en RDC ». »

A mon avis, cette action participe du  »’piège américain », du  »soft power » anglo-américain.

Néanmoins, cet article, comme bien d’autres déjà publiés par  »The Guadian » sur le Kongo-Kinshasa et les Grands Lacs Africains, peuvent constituer, pour les minorités kongolaises éveillées et organisées des  »fissures » dans les murs du réseau transnational de prédation menant la guerre raciste de basse intensité contre le pays de Lumumba. Avec Jean Ziegler, je reste convaincu que  »les murs les plus puissants tombent par leurs fissures ». Et que si elles sont partagées avec les masses populaires, toutes les idées contenues dans ces articles peuvent devenir une force matérielle la mettant debout pour destituer les pilleurs de la République, se constituer en un grand mouvement populaire riche des interconnexions des collectifs citoyens et capable, demain d’instituer une Assemblée Constituante pour écrire sa propre Constitution.

Babanya Somba Manya

Génération Lumumba 1961

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