Paul Mwilambwe est enfin libre. Un procès Chebeya inachevé

« Et vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres ».

Jean 8, 32

Hier, mercredi 11 mai 2022, un verdict a été rendu à l’issue du procès au sujet du double assassinat du défenseur des droits de l’homme kongolais, Floribert Chebeya et son chauffeur, Fidèle Bazana. L’un des policiers auditionné dans ce procès, Paul Mwalambwe a été acquitté.

Pour rappel, Paul Mwilambwe, après avoir donné plusieurs interviewes à partir de ses différents pays d’exil, avait finalement décidé de retourner au pays pour dire sa part de vérité aux instances judiciaires. Son acquittement peut être un signe que  »la vérité l’en rendu libre ». A son avis,  »l’Etat de droit » est une réalité au coeur de l’Afrique.

En effet, Paul Mwilambwe est ce policier qui a témoigné que l’ordre de tuer les deux compatriotes précités fut donné par  »Joseph Kabila » et exécuté par John Numbi.

Pour lui, comme pour l’Avocat des parties civiles,  »Joseph Kabila » est le commanditaire et John Numbi le planificateur de ce double assassinat.

Telle est l’une des vérités que ce procès a mise sur la place publique.

Si Paul Mwilambwe en est satisfait, il n’en va pas de même pour les parties civiles et les membres de l’ONG  »La voix des sans voix ». Cela pour plusieurs raisons dont celles liées au fait que le commanditaire et le planificateur de ce double assassinat apparaissent comme étant des  »citoyens » échappant au principe d’égalité devant la justice. La modicité des sommes prévues pour réparer le préjudice est un autre motif d’insatisfaction.

Est-il donc possible de parler d’un  »Etat de droit » dans un pays où les citoyens ne sont pas égaux devant la loi ? A mon avis, non.

C’est vrai que l’Avocat des parties civiles promet qu’il pourrait y avoir un autre procès autour du commanditaire et du planificateur. Mais si ce dernier a fui le pays, le premier est couvert par une loi scélérate. Donc, ce procès risque de ne pas avoir lieu.

Néanmoins, il faut avouer que les bribes de vérité révélées par ce procès trahissent les fondements meurtriers d’un sous-système mortifère installé au Kongo-Kinshasa depuis la guerre raciste de prédation et de basse intensité menée contre ce pays par des sous-fifres ougandais, rwandais, burundais, kongolais, etc., interposés.

Ce sous-système est une émanation du système néolibéral soumettant les intérêts publics aux intérêts privés et banalisant la vie. Ou plutôt recourant à une approche sacrificielle de la vie et des vies humaines au profit du marché et du dieu argent.

Dans les deux, les vies humaines ne comptent pas. Les défenseurs des droits humains sont instrumentalisés et leurs assassinats sont utilisés comme moyens de mener des pressions à l’endroit des pays dont les marchés des énergies et des matières premières stratégiques sont enviés. Cette instrumentalisation est une perversion entretenue par oligarques néolibéraux considérant la défense des droits humains tout comme la démocratie comme étant des idées illusoires.

Telle est une autre vérité sous-jacente à ce procès inachevé. Elle peine à être partagée par l’immense majorité des filles et des fils de notre peuple attiré(e)s par les compagnes faussées au sujet de la défense des droits humains et orchestrées par des organismes soutenus financièrement par les lobbyistes au service des intérêts privés. Ces filles et fils de notre peuple peinent à comprendre que dans le contexte néolibéral et/ou ultralibéral, les droits de l’homme et la démocratie dans des concepts corrompus. Donc, déboulonner le système qu’ils servent est une urgence.

Il y a, dans leur chef de ces compatriotes, à quelques exceptions près, une déstructuration culturelle produite par l’hégémonie (capitaliste ensauvagée) dominante.

De ce point de vue, il y a un travail de déformatage/reformatage des coeurs et des esprits à mener à temps et à contretemps au coeur de l’Afrique. Questionner les mots et les concepts à partir des faits qu’ils produisent dans le monde réel est une tâche importante, un ouvrage à remettre toujours sur le métier.

Cette déstructuration culturelle a produit des zombies sans conscience historique et sans mémoire vivante au Kongo-Kinshasa. Pour cause. Un verdict tombe après un long procès sur l’assassinat de deux compatriotes. On en parle comme si c’était un fait divers. Ailleurs, au Burkina Faso,par exemple, l’assassinat du journaliste Norbert Zongo avait été comme un életrochoc et une première grande fissure du régime Compaoré. Au Kongo-Kinshasa, l’affaire Chebeya est un peu déjà oubliée. Elle n’ a pas du tout mobilisée les masses. Et le commanditaire de cet assassinat est applaudi dans les rues de Kinshasa. Des compatriotes en appellent même à son retour en  »politique ». Amnésie, stupidité, bêtise et larbinisme quand vous nous tenez…

En fait, au Kongo-Kinshasa, passer de faits traumatisants, tragiques et dramatiques à autre chose semble se faire avec une rapidité incroyable. C’est comme s’il y avait un désir inavoué d’en finir rapidement avec l’histoire afin de s’enfermer dans le présentisme. Un exemple. Le pays est en guerre perpétuelle de basse intensité depuis les années 1990 et nous avons quand même des compatriotes qui vous disent : « Comme le chef de l’Etat n’a pas déclaré la guerre contre un pays tiers, nous sommes en paix. » Comme si les chefs d’Etat de l’Irak, de la Syrie, de l’Afghanistan, de la Libye, avaient, en leur temps, annoncé leur entrée en guerre…Nani aloka biso ?

Ailleurs, dans des pays souverains et responsables, l’histoire est régulièrement évoquée. La connaître et l’étudier permet d’orienter le présent et de se projeter dans un à-venir possible.

Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

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