Le Dialogue national toujours en sursis : S. Djinnit devant 4 obstacles : Kabila, UDPS, Dynamique et G7

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djinnit.saidjpgDes millions de Congolaises et Congolais ont poussé un léger ouf de soulagement en apprenant que le Secrétaire général des Nations Unies, Ban ki-Moon, venait de désigner son Envoyé Spécial dans les Grands Lacs, Saïd Djinnit, en qualité de médiateur dans le Dialogue national encore en projet et que l’intéressé séjourne à Kinshasa, depuis le mercredi 02 décembre 2015. Car, cette désignation est intervenue au moment où sa tenue paraissait sérieusement compromise, suite au tollé de protestations soulevées par le message du Chef de l’Etat à la Nation, samedi 28 novembre 2015, au sein des états-majors de plusieurs forces politiques et sociales.

On rappelle que les points qui fâchaient le plus les « pro » comme les « anti » Dialogue concernaient son initiative de convoquer ce forum en lieu et place du « Facilitateur » à mandater par le Secrétaire général de l’Onu, sa décision de nommer un Comité provisoire, sa proposition de réfléchir sur un mode de scrutin moins coûteux pour le trésor public congolais, sa promesse de prendre des mesures de grâce individuelles en faveur des prisonniers politiques, son annonce faisant obligation au Bureau du Dialogue de lui présenter les Résolutions et Recommandations pour « dispatching » vers des institutions de la République concerné, etc.

En indiquant d’emblée que Saïd Djinnit devait prendre langue avec toutes les « parties prenantes », notamment le Chef de l’Etat, le gouvernement, le Parlement, les partis politiques de la majorité comme de l’Opposition ainsi que les organisations de la société civile, afin de définir tous les « contours » du Dialogue, le Secrétaire général de l’Onu a manifestement joué la carte de l’apaisement à l’intention de tout le monde. Toutefois, quatre « obstacles » se dressent sur la voie de la pré-médiation qu’est appelé à déblayer son Envoyé spécial : Joseph Kabila, l’UDPS, la Dynamique de l’Opposition et le G7.

Kabila contre toute ingérence étrangère

Ce qui tient le plus à cœur le Chef de l’Etat, Joseph Kabila, c’est la non-ingérence de la communauté internationale dans les affaires internes de la République Démocratique du Congo. Il l’a encore réaffirmé dans son message du 28 novembre à la Nation, même si, deux semaines plus tôt, il avait chargé son ministre des Affaires Etrangères, Raymond Tshibanda, de la mission de remettre au Secrétaire général de l’ONU une lettre, dans laquelle il demandait à celui-ci de choisir un médiateur pour le Dialogue national dans un panel de quatre personnalités ( le Secrétaire général honoraire de l’ONU Kofi Annan, le président angolais Eduardo Dos Santos, le président de l’Assemblée nationale du Sénégal Moustapha Niasse et son Envoyé spécial dans les Grands Lacs Saïd Djinnit).

Dans l’esprit du président Kabila, l’appel à une médiation internationale s’inscrit dans l’optique de l’accompagnement des participants au Dialogue national à trouver un consensus autour du calendrier électoral, du fichier électoral, de l’enrôlement de nouveaux majeurs, du financement du processus électoral, de la sécurisation des élections. Il n’entend pas voir l’expertise étrangère prendre les Congolais en otage et leur imposer des solutions « prêtes à porter ».

Saïd Djinnit va-t-il accepter de jouer un rôle passif ou, mieux, le Chef de l’Etat va-t-il se faire violence pour le laisser remplir pleinement sa mission de « Facilitateur » dans la définition des « contours » du Dialogue, à savoir Comité préparatoire, ordre du jour, quota de représentation des forces politiques et sociales, durée… ? Rien n’est moins sûr. La grande difficulté pour l’Envoyé Spécial de Ban ki-Moon va être de jouer l’équilibrisme avec le président Kabila, dans les modalités de convocation du Dialogue, afin de ne pas donner l’impression de lui avoir retiré l’initiative. Au moindre couac, l’impasse est vite arrivée.

UDPS : médiation internationale d’abord… sa « feuille de route » ensuite

En principe, la revendication de l’UDPS relative à la médiation internationale pour le Dialogue national est satisfaite avec la désignation de Saïd Djinnit. Dans l’entendement de ce parti et de son leader, le «Facilitateur» devrait jouir de « pleins pouvoirs », c’est-à-dire prendre l’acte de convocation en lieu et place du président Kabila, mettre en place un Comité préparatoire, fixer le lieu de la tenue et la durée du forum, définir clairement l’ordre du jour après harmonisation des propositions des matières devant émaner de la Majorité présidentielle, de l’Opposition et de la Société civile, proclamer la souveraineté du Dialogue sur tout et tous, consacrer le caractère obligatoire et exécutoire des Résolutions et Recommandations, etc.

S’agissant précisément de l’ordre du jour, l’UDPS aimerait avoir, en priorité, des réponses claires et précises sur le contenu de sa « feuille de route » du 15 février 2015, qu’il avait fait parvenir aussi bien au Secrétaire de l’Onu qu’au président Kabila, notamment en ce qui concerne le contentieux électoral de 2011, l’audit du fichier électoral, le calendrier électoral (respect des délais constitutionnels pour l’organisation des élections présidentielle et législatives nationales), l’enrôlement de nouveaux majeurs, la recomposition de la CENI, le financement des élections, la libération des prisonniers politiques et d’opinions, la réouverture des médias privés fermés, etc. Ce parti n’entend participer au Dialogue que s’il lui est garanti la totale indépendance du « Facilitateur » vis-à-vis du Chef de l’Etat, Joseph Kabila, qu’il considère comme « partie » au problème.

Dynamique et G7 : droit aux élections

La Dynamique de l’Opposition (UNC, MLC, Ecide, Envol, MPCR, Fonus…) et le G7 ( MSR, ARC, Unafec, Unadef, PDC, MSDD, ACO) perçoivent le Dialogue national comme une distraction planifiée par la Majorité présidentielle pour légaliser le « glissement » à travers le tripatouillage de la Constitution en vue de permettre à Joseph Kabila de rester au pouvoir au-delà du 20 décembre 2016, date constitutionnelle de la passation des pouvoirs avec son successeur à désigner par les urnes et, plus tard, de briguer un troisième mandat. Ils soupçonnent ce dernier ainsi que tous les acteurs politiques et sociaux acquis à la thèse de la participation à ce forum de viser le partage des « postes » au sein d’un gouvernement de transition, les entreprises publiques, la territoriale, la diplomatie, etc.

Dans l’esprit de la Dynamique et du G7, l’unique « dialogue » qui vaille devrait s’articuler exclusivement autour des questions électorales et n’avoir pour « parties prenantes » que la Majorité présidentielle, l’Opposition et la CENI. Son objectif devrait viser l’élaboration d’un calendrier électoral consensuel, l’exigence de la mise à la disposition de la CENI des fonds destinés à la tenue des élections constitutionnellement verrouillées (présidentielle et législatives nationales) en 2016, quitte à renvoyer à plus tard les scrutins non contraignants.

Quel discours Saïd Djinnit va-t-il leur tenir pour les ramener dans la voie du Dialogue ? Est-il en mesure de leur garantir le non « glissement » et le respect strict des dispositions constitutionnelles réglementant le processus électoral ? C’est la grande question.

Pour nombre d’observateurs, le Dialogue national voulu « inclusif » ne pourrait l’être réellement que si l’Envoyé Spécial de l’ONU dans les Grands Lacs réussit à amener, autour de la table des négociations, toutes les sensibilités de l’Opposition et les «poids lourds» de la Société Civile, à commencer par l’Eglise Catholique. En attendant, le spectre des « Concertations nationales » hante de nombreux esprits.

                                    Kimp

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