« Dialogue » ou « Tripartite » en DR Congo : les dits et non-dits d’un discours politique

lephare

thierry-nlanduQue cache tout ce tralala auquel nous avons droit ces derniers temps ? Pourquoi cette agitation autour d’un dialogue qui devrait s’inscrire dans le cours normal du fonctionnement d’un état qui se veut démocratique ? De deux choses, l’une : où tout ce discours et toutes ces banderoles invitant au dialogue cachent un gros mensonge et ne sont qu’une mascarade à inscrire dans la série des stratagèmes qui n’ont pour seul objectif le glissement et le non respect des délais constitutionnel, ou encore  que personne n’a envie de participer à un dialogue au contour nébuleux que cachent mal tous les discours mielleux de ces derniers jours. Pour ces derniers acteurs, il serait question d’accompagner ceux du pouvoir dans un suicide collectif annoncé et qui permettrait d’accéder au pouvoir sans devoir négocier avec des dirigeants plus que jamais vomis par un peuple meurtri et qui en a marre.Qui sont ces politiques  « pro-dialogue », « contre-dialogue », et « pro-tripartite », tous,  producteurs de discours qui mettent l’avenir de toute notre nation en danger? Que veulent-ils en réalité ? Pourquoi se comportent-ils de cette manière ? Quelles sont leurs réelles motivations ? Pourquoi refusent-ils de lire les signes du temps ? A ce jour, tout paraît confus et bien malin tout celui qui tenterait de donner du sens à tous ces discours et comportements.

  1. Qui sont les acteurs sur scène ?

Aujourd’hui, comme hier à la fin du règne de Mobutu, la scène politique congolaise offre une pièce de théâtre aux acteurs divers et aux talents mitigés :

  • Des politiques de la majorité « pro-dialogue »
  • Des politiques de l’opposition extra- parlementaire « pro-dialogue »
  • Des politiques de la dynamique de l’opposition institutionnelle « contre-dialogue » ; mais « pro-tripartite »
  • Des politiques du G7 « contre–dialogue » et sans doute « pro-tripartite »
  • Une expertise de la société civile mangée à toutes les sauces
  • Des confessions religieuses en compétition pour le contrôle de la CENI et des financements pour le juteux programme d’éducation électorale
  • Une certaine communauté internationale toujours et plus que jamais soucieuse de maintenir un système néolibéral assassin en RDC et sous ses propres terres
  • Un peuple qui en a marre de vivre dans la misère sur une terre riche
  1. Sur quoi semblent-ils tous d’accord ?

Lorsqu’on observe tous ces acteurs  sur scène, on a comme l’impression qu’ils sont en total désaccord tant leurs discours s’accompagnent d’un gestuel troublant. Et pourtant, lorsqu’on analyse leurs propos, on se rend compte que :

  • Tous acceptent que la crise actuelle est grave; nous avons des problèmes
  • Tous sont d’accord sur certains problèmes
  • Tous sont d’accord sur la préservation des fortunes amassées par les uns et les autres
  • Tous reconnaissent la nécessité de s’asseoir autour d’une table: « il nous faut négocier »!
  • Tous sont d’accord de se mettre d’accord sur la dénomination de cette rencontre : « dialogue » ou « tripartite » ?
  • Tous acceptent de se mettre d’accord sur le nombre de participants et leur qualité.
  • Tous comprennent la nécessité de se mettre d’accord sur l’agenda, le contenu des négociations.

Pour conclure, tous mais alors, tous, veulent éviter le chaos, l’exil et l’OBEMA de triste mémoire qu’ils perçoivent à l’horizon.

  1. Sur quoi sont-ils en total désaccord?

Si toutes les parties en présence pouvaient placarder des affiches à travers le pays, notre pays aurait une toiture de banderoles et d’affiches « pro et contre dialogue » pour bien illustrer le désaccord qui fait l’éloge actuel du « monologue » en lieu et place d’un « dialogue ». En effet, les acteurs politiques congolais jouent chacun en ce qui le concerne sa partition discordante sur :

  • La forme de la rencontre: « dialogue » vs « tripartite » ; « table ronde » ou « table rectangulaire »
  • Sur l’agenda

* Processus électoral : harmonisation calendrier

* Légitimité de l’actuel pouvoir et des institutions

* Respect du délai constitutionnel

* Restructuration de la CENI

  • Sur les quotas des participants, enjeu des futurs votes tronqués
  • Sur le site de la rencontre: Muanda, à l’abri de toute pression populaire ou Kinshasa, dans la tourmente des citadins plus que jamais décidés à mettre fin à ce cinéma?

A ce jour, le combat semble se cristalliser autour de gouvernants qui s’acharnent à se vendre comme des « pro-dialogue » auprès d’une population qu’elle a décrétée incrédule et aveugle. Les gouvernants ne réalisent pas que toutes ces affiches grandeur nature, banderoles à chaque coin de rue et autres spots à la radio et à la télévision n’arrivent pas à convaincre un peuple qui, aujourd’hui connaît les nombreuses ficelles de la manipulation utilisées pour l’endormir et le rouler dans la farine. C’est pourquoi, le peuple s’efforce à comprendre les discours, faits et gestes des uns et des autres au-delà de l’arsenal de propagande « pro dialogue » inutilement coûteux en cette période où l’on prétend ne pas avoir d’argent pour organiser les élections.

  1. En réalité, que disent les uns et les autres?

Cette partie de notre analyse tente de comprendre le pourquoi d’une « tripartite » ou d’un « dialogue ». Quelle est la logique des uns et des autres dans leurs choix pour une « tripartite » en lieu et place d’un « dialogue » ou encore d’un « dialogue » en lieu et place d’une « tripartite »?.

* Pourquoi une « tripartite » et non un « dialogue »: point de vue de la « Dynamique de l’opposition »

Les acteurs politiques « pro-tripartite » sont tous issus des institutions politiques actuelles. Ils sont dans ce qu’on appelle « opposition institutionnelle ». On les retrouve au Sénat, à l’Assemblée Nationale, à la    CENI. Les derniers à rejoindre ce camp sont les politiciens du G7, anciens membres de la majorité présidentielle et qui ont décidé de quitter le bateau pour des raisons que nous essaierons d’expliquer dans les lignes qui suivent.

La logique des « pro-tripartite » est simple :

  • Nous sommes en démocratie
  • Le pays a des institutions démocratiques
  • C’est dans le cadre des institutions que ce genre de problèmes rencontrés se règle.
  • Si les présents animateurs sont incompétents et incapables de régler les problèmes actuels: qu’ils démissionnent!
  • Conclusion: pas besoin d’un cadre informel pour régler ces problèmes
  • La CENI est un cadre institutionnel qui doit régler les questions électorales
  • En définitive, le « dialogue » est un parmi les multiples stratagèmes du régime pour conserver le pouvoir

* Pourquoi des négociations: point de vue du « G7 »

  • Non au Dialogue
  • Oui aux négociations : en accord avec la dynamique de l’opposition à ce sujet
  • Respect délai constitutionnel: non au glissement
  • Garantir la pérennité des institutions actuelles : point de discorde avec la dynamique de l’opposition
  • Continuer l’œuvre de progrès entamé : rester fidèle au système capitaliste néolibéral, parrain de l’actuel processus de désaveu
  • Positionner un nouveau dauphin du régime au profil du genre maffieux et tordu qui pourra offrir du pain et des jeux à ce peuple pendant que nous continuerons à nous faire déposséder de nos terres
  • Sécuriser l’après Kabila en évitant un chaos à la Mobutu en vue de protéger les biens et autres richesses acquis, ensemble avec ceux de la majorité présidentielle, tout au long de cette démocratie de façade

* Pourquoi un « dialogue » et non « une tripartite »: point de vue UDPS et alliés

Dans leur démarche, l’UDPS et alliés restent fidèles à leur logique. Ils ne reconnaissent pas la légitimité des institutions actuelles et, par conséquent, leur capacité à résoudre les problèmes actuels.

De ces prémisses découle une logique toute aussi simple que celle des « pro-tripartite » :

  • Oui pour des négociations
  • Le cadre institutionnel actuel étant illégitime, il faut un nouveau cadre de négociations
  • Le cadre des prochaines négociations est le « dialogue »
  • Le « dialogue » est un cadre légitimé par la communauté internationale : Accord cadre d’ « Addis Abeba » et les Nations Unies
  • Oui au dialogue par peur d’être, à nouveau, accusés par la communauté internationale comme obstacle à toutes négociations et partant à la paix
  • Seul ce nouveau cadre peut résoudre les problèmes actuels
  • Nécessité d’une transition avec de nouveaux animateurs
  • Nécessité d’un nouveau cadre politique sans remettre en cause la constitution
  • Nécessité de revisiter la CENI pour qu’elle soit réellement indépendante
  • Dialogue et transition dans le respect des délais constitutionnels

* Pourquoi un « dialogue » et non une « tripartite »: point de vue de la  majorité présidentielle?

L’option de la majorité présidentielle pour le « dialogue » comme cadre de concertation, surprend pour plusieurs raisons. En effet :

  • Comment comprendre que cette majorité qui dirige les institutions qu’elle ne cesse de présenter comme modèles puisse, tout d’un coup, cracher sur celles-ci ?
  • La décision d’accepter de négocier en dehors du cadre des institutions démocratiques ne serait-elle pas, en définitive, une reconnaissance tardive de l’illégitimité des institutions que cette même majorité a animées pendant 12 ans ?
  • N’est-ce pas aussi l’annonce programmée d’un régime qui progressivement n’a plus confiance en ces partenaires traditionnels et se met en quête de nouveaux partenaires sur qui reposer la survie du régime ?
  • Après le PALU, l’UDPS se serait-elle pas la nouvelle proie indiquée dans ce jeu de « qui perd-gagne » dont le but est la conservation du pouvoir ?

Fort de ce qui précède et d’autres considérations que les uns et les autres découvriront d’ici fin décembre 2016,  pour la majorité présidentielle :

  • Le dialogue est la seule voie de sortie de la présente crise
  • Le dialogue est un Jeu de cache-cache où ruse et langage double se marient
  • Le dialogue est un nouveau stratagème dont les acteurs de la majorité veulent rester les seuls maîtres pour ne pas se faire déplumer
  • Le dialogue est une occasion rêvée de négocier des élections au-delà des délais constitutionnels, à coup d’argent, de compromissions et de promesses de partage de pouvoir
  • Le dialogue est le cadre indiqué pour se faire des concessions mutuelles anticonstitutionnelles afin de prolonger le mandat présidentiel
  • Le dialogue offre l’opportunité de cracher sur les institutions et animateurs actuels pour rebondir au pouvoir avec l’UDPS dont on connaît la fragilité si pas la naïveté lors des grandes négociations?
  • Le dialogue est l’occasion de négocier l’après pouvoir grâce à des immunités parlementaires auxquelles s’ajouteraient des immunités de l’ordre du pénal
  • L’enjeu du dialogue est, sans doute aussi, d’éviter une fin tragique comme les Mobutistes. Les terres d’exil n’offrent plus les mêmes assurances qu’hier et il faut sauvegarder les richesses amassées durant ces années de gestion calamiteuse des biens de tous.

* Pourquoi un « dialogue » ou des « négociations »: point de vue de la Société Civile?

La position de la société civile vacille entre les « pro-tripartite » et les « pro-dialogue ». Dans leur diversité et sempiternels tiraillements, les acteurs de la société civile semblent tous d’accord pour des négociations peu importe la dénomination que les politiques donneront à ces assises. Pour les acteurs de la société civile et de certaines confessions religieuses, les négociations à venir sont un must. Les motivations des uns et des autres oscillent entre les intérêts égoïstes et le souci d’un lendemain meilleur pour le peuple souffrant du Congo. En effet, la société civile congolaise veut participer aux prochaines négociations parce qu’elles sont :

  • La voie de sortie pour une transition pacifique de la gouvernance
  • L’occasion de dire un ferme « non » au glissement et d’exiger le respect de la constitution
  • Le moment de booster l’organisation des prochaines élections et de se partager le juteux budget des programmes d’éducation civique et électorale
  • Une opportunité de se positionner pour le partage du pouvoir à l’issue de ces négociations
  • Une aubaine pour occuper des positions au sein de la CENI réformée.
  • Une chance pour recréer l’unicité d’action de la société civile d’antan
  • Un événement majeur qui aura comme point de départ l’imminente marche du 16 février 2016, avec à sa tête les évêques de la CENCO, signataires de l’appel et tous les autres princes des différentes confessions religieuses qui luttent pour créer le royaume de Dieu en terre congolaise et pour que sa volonté soit faite..
  1. Que cachent tous ces discours?

Tous ces discours cachent maladroitement :

  • L’absence manifeste d’une volonté politique
  • Le jeu de cache -cache qui vise à garder le pouvoir
  • La ruse qui vise à conquérir le pouvoir
  • L’obstination de maintenir un système odieux d’exploitation en créant l’illusion d’un changement en changeant les animateurs
  • L’intention, chaque jour davantage voilée, de flouer un peuple que l’on pense avoir crétinisé au point de l’avoir transformé en va-nu-pieds
  • Le désarroi d’une démocratie de façade qui a nourri notre peuple de cauchemars en lieu et place de rêves constructeurs.

C’est un secret de polichinelle. Le pays traverse une crise semblable à celle que nous avons connue en fin de règne de Mobutu à la seule différence, pour les amoureux de métaphores trompeuses, qu’hier on était en pleine dictature et qu’aujourd’hui, nous sommes dans une « démocratie », de façade.  A l’approche fatidique du délai butoir du 26 novembre 2015, nous sommes tous d’accord qu’il faut se mettre autour d’une table, sur une table ou en-dessous d’une table pour se regarder en face et se parler en toute franchise. Qu’importe, il faut que l’on s’accorde sur le respect de la constitution, sur la tenue à bonne date des élections, sur les questions sécuritaires, bref sur l’avenir de cette nation.

Tous ces discours cachent nos peurs individuelles et collectives :

  • Peur de l’après pouvoir pour un régime : que vais-je devenir, moi et ma famille ? Quid pour tous ceux qui m’ont accompagné et qui risquent de me lâcher s’ils n’ont pas les mêmes garanties de survie que moi ?
  • Peur de perdre le pouvoir et les avoirs accumulés dans l’illégalité et au détriment d’un peuple régulièrement exploité : que deviendront toutes ces fortunes dans des banques des îles du pacifique, du Népal ou « d’entre ciel et terre » lorsqu’on aura quitté le pouvoir? Le syndrome des avoirs de Tshombe, Mobutu, Hailé Sélassié, Bokassa, etc., refait surface pour une nouvelle génération de Congolais au pouvoir qui n’a pas appris du passé des précédents dirigeants congolais et africains
  • Peur que les immunités parlementaires ne suffisent pas lorsque les familles des nombreuses victimes d’hier se lanceront dans des poursuites judiciaires pour que justice soit faite. Floribert Chebeya reviendra devant les cours et tribunaux avec son volumineux dossier recouvert de la capote de sa condamnation ; Bazana son beau-frère, criera si fort que les profondeurs qui le cachent le vomiront ; Franck Ngykie et son épouse, des morts jumeaux réclameront un procès jumelé ; Bapua Muamba, Serge Maheshe, Didace Namujimbo et d’autres ressusciteront, plume à la main, pour relater, eux-mêmes, avec leurs propres mots et images, le récit de la mort d’un chevalier de la plume ; les Princes de l’Eglise catholique Muziriwa et Kataliko quitteront le Ciel pour descendre sur la terre Congo et témoigner de la force du don de sa vie pour les autres lorsque cet acte s’accomplit selon la volonté du Père et non la nôtre ; la Cour d’ordre militaire sera secouée par la présence devant les juges des Buuza Mabe, Mamadou Ndala, Bahuma et autres, tous de vaillants officiers supérieurs de nos Forces armées portant fièrement l’uniforme militaire maculée du sang versé par les balles de la trahison des frères d’arme ; Boteti et d’autres acteurs politiques disparus dans des conditions non encore élucidées n’hésiteront pas à répondre au mandat d’arrêt du PGR afin de mieux comprendre ce qui a amené leurs assassins a écourter leur vie sur terre ; Les nombreuses victimes de « l’opération « Likofi » étaleront cette jeunesse, leur jeunesse,  arrachée à la vie à la fleur de leur vie ; les mères, pères et enfants, martyrs du 16 février 1992, comme les mères folles d’Argentine, chanteront le « keebo de la réparation » autour du Palais de Justice pour forcer leur entrée dans l’antre de la justice congolaise ; De nos fosses communes jailliront des bras, des pieds, des mains, des jambes, des têtes, des cheveux qui offriront un balai au rythme de « Victoire ! Tu règneras. Oh Croix ! Tu nous sauveras » !
  • Peur du chaos et de l’exil sur ces terres globales où les auteurs de violences physiques et économiques sont désormais, comme dans les films Western américains, des « personnes wanted », poursuivis comme les anciens Nazis, pour le grand bonheur de l’humain en RD Congo.

Tous ces discours cachent le combat pour la conquête du pouvoir :

  • Comme du temps de Mobutu, le motto reste : « Ôte-toi de là pour que je m’y mette »
  • Il nous faut changer de chauffeur et personne ne dit rien en ce qui concerne le vieux véhicule, le système capitaliste néolibéral que les nouveaux dirigeants recevront gracieusement en héritage
  • L’affrontement entre ceux d’entre nous qui veulent aller au pouvoir pour assurer le statuquo du système et ceux qui entendent donner les signaux d’un changement de gouvernance
  • A la fois, un divorce et un mariage opportuniste dans la médiation internationale qui, pour les uns et les autres reste celle qui redistribue l’accès au pouvoir, aux avoirs et au valoir.
  • La tradition de mauvais négociateur de l’UDPS minée par une lutte de succession qui, cette fois risquera de conduire ce parti et son leader charismatique dans la tombe.

Tous ces discours cachent le combat pour se maintenir au pouvoir :

  • Comme les trois mousquetaires : « Tous pour un ; un pour tous » ; « ensemble nous avons pris le pouvoir-ensemble nous mourrons ! »
  • Les stratagèmes développés pour mener ce combat à bon port sont multiples et sentent malheureusement l’odeur du déjà vu pour les peuples du monde qui se sont libérés d’un pareil joug: la révision avortée de la constitution, l’échec douloureux de la tentative meurtrière de révision de la loi électorale, l’astuce inopérante de l’introduction du recensement comme préalable à l’organisation des futures élections, le projet machiavélique du glissement , l’élaboration chaotique d’un calendrier électoral global, la démission tardive du Président de la CENI, la désarticulation politico administrative de la CENI, les débats brouillons qui n’en finissent pas autour du « dialogue », l’intérêt opportuniste pour le vote des nouveaux majeurs et des Congolais et Congolaises de la Diaspora, l’achat précipité de véhicules antiémeutes en prévision de la répression d’un peuple qui, demain, dans la rue, réclamera pacifiquement le respect de la constitution, l’installation de radars dans les grandes villes, semble-t-il, pour sécuriser les citadins oubliant les autres Congolais de nos campagnes, etc.
  • Dans ce combat où les politiques sont des partenaires pas très fidèles, les durs du pouvoir font progressivement « retour » à la philosophie de l’AFDL : « par les armes nous avons pris ce pouvoir ; par les armes nous le conserverons »
  • Dans ce combat, l’armée et les démocraties de façade sœurs d’Afrique Centrale restent les seuls partenaires de confiance pour ceux du pouvoir. La mutuelle des Présidents fin mandat sommés de respecter leurs constitutions est très active avec pour animateurs : Dos Santos d’Angola, Denis Sassou Ngueso du Congo-Brazzaville, Museveni de l’Ouganda, Kagame du Rwanda, Nkurunziza du Burundi.
  1. La donne d’une certaine communauté internationale

La communauté internationale en RDC souffle le chaud et le froid. Elle est ballotée entre le danger que représente pour ses intérêts, l’acharnement d’un chef d’état qu’ils ont amené au pouvoir à coup d’élections dites démocratiques, transparentes mais à chaque cycle, non conforme à la vérité des urnes. Cette communauté internationale a froid au dos à l’idée de la tournure que ce refus de quitter pacifiquement le pouvoir pourrait prendre dans un pays aussi grand que la RDC. Elle ne procède plus avec beaucoup de diplomatie. Le ton monte : « il faut respecter la constitution ; il faut organiser les prochaines élections dans les délais constitutionnels ; il faut enrôler les nouveaux-majeurs ; nous avons l’argent pour l’organisation des élections législatives et présidentielle, etc. ». Visiblement, cette communauté internationale ne veut plus d’une situation de révolte intérieure dont elle ne contrôlerait pas les conséquences. Aujourd’hui, plus qu’hier, elle a peur des improvisations et surtout d’un leadership qui émergerait d’une révolution populaire aux contours imprévisibles. Aussi, il faut pousser les Congolais à des négociations pour leur bonheur et la paix dans la région ; mais surtout pour aider à :

  • Maintenir le capitalisme néolibéral en RDC et avoir une mainmise sur la gestion de ce pays plein de ressources pour les économies d’Outre Mer
  • Changer les « chauffeurs » et garder le « vieux véhicule ». Il faut conduire les Congolais à des élections sous contrôle qui permettront de trouver ce politique Congolais qui, comme hier offrira à ce peuple du pain et des jeux pendant que les richesses continueront à être pillées.
  • Négocier une fin de régime et une transition pacifique afin de protéger les intérêts et quelques rares investissements engagés et des nombreux contrats léonins couverts par des lois taillées à la mesure de ces investisseurs de l’ère coloniale, protégés par des institutions internationales affairistes comme la Banque Mondiale, le FMI et tant d’autres
  • Garder l’image d’une certaine communauté internationale au secours des peuples meurtris
  • Gérer le refus de changement des animateurs d’une démocratie de façade qu’on a hier créés et qui, aujourd’hui, représentent un danger
  • Continuer à se donner l’image d’une certaine communauté internationale promotrice d’une démocratie « d’institutions fortes » et non « d’hommes forts »
  1. La donne du peuple congolais

Le peuple congolais reste la donne imprévisible de ce puzzle. La seule chose que l’on sait à son sujet est sa volonté de faire respecter la constitution, de changer les animateurs actuels de nos institutions, de bouger d’une démocratie de façade vers une démocratie qui repose sur la justice et non l’impunité, sur la justice et non la corruption, sur le développement d’une économie qui place l’homme et la femme de ce pays au cœur de ses préoccupations en lieu et place d’une économie non durable nourries aux métaphores « émergence », « croissance à deux chiffres », «  croissance durable », « révolution de la modernité » et autres « bâtiments intelligents ». Les constances en ce qui concerne notre peuple sont des interrogations récurrentes du genre :

  • Phénomène Burkina en gestation ou marche du 16 février?
  • Qui préparent ces évènements et qui seront les prochaines victimes d’une machine judiciaire dont les animateurs comprendront bientôt qu’ils n’ont comme meilleur allié qu’un peuple en quête de justice et d’Etat de droit ?
  • Quand est-ce que ces évènements auront-ils lieu?
  • D’où partiront ces événements : des lieux investis par les caméras ou de nos campagnes et des périphéries privées de caméras?
  • Avec quel alibi : un match de football mal arbitré, des étudiants qui refusent de payer le minerval, des fonctionnaires qui refusent toute pension prématurée au profit de recrutements mono-ethniques, des militaires qui refusent toute permutation pour sécuriser leurs communautés, un « chailleur » qui s’immole las des tracasseries policières de fin d’année, etc.?
  • Avec quels acteurs? Des évêques de chaque diocèse au devant de la marche du 16 février prochain pour, comme Moise, faire sortir le peuple de Dieu d’Egypte et le conduire en terre promise ?
  • Avec quelle ampleur : le vent RDC embrasera-t-il toute l’Afrique centrale comme le « Printemps arabe »?
  • Comment gérer la phobie grandissante contre notre jeunesse désormais à l’écoute des autres jeunes d’Afrique en quête d’une Afrique animée par des valeurs et des institutions démocratiques ?

Pour clore : quid à l’horizon!

  • Des débats qui n’en finissent pas: stratagème du oui …. mais!
  • Des négociations où l’on tentera désespérément de flouer le peuple
  • Un refus de négocier accompagné de l’attente de la furie du peuple et de la répression de celle-ci

Demain, trois schémas  s’offrent à nous :

* La répression et le chaos

La répression et le chaos sont plus que perceptibles dans les faits, gestes et discours de nos dirigeants:

  • Les jours qui suivent mettront notre peuple en face d’une armée plus répressive que jamais
  • Les intimidations, arrestations, enlèvements et autres assassinats, embrasement de la violence à l’Est et dans la région seront légion
  • CPI: l’épée de Damoclès sera suspendue sur la tête des donneurs et d’exécuteurs d’ordres

* Préparation à la résistance pacifique du peuple

  • Les partis politiques acquis au changement
  • Les confessions religieuses avec leurs hiérarchies aux côtés du peuple
  • Les organisations de la société civile
  • Les jeunes
  • Le peuple dans toutes ses composantes

* Demain, des hommes et des femmes nouveaux pour une gouvernance nouvelle et la paix en RDC et la région

  • Pour cela, il nous faudra négocier en toute responsabilité et faire la volonté de notre peuple qui ne veut qu’une seule chose: des élections dans le respect des délais constitutionnels pour assurer une transition pacifique de la gouvernance. Seul le peuple congolais sera aux avant-postes de ce combat pour sa réelle libération. Il pourra, désormais, compter sur la solidarité d’une autre communauté internationale plus humaine qui, chaque jour, découvre que cette terre n’est pas qu’un ensemble de ressources à exploiter ni à épuiser.

Thierry Nlandu Mayamba, Professeur Ordinaire/Faculté des Lettres – Université

de Kinshasa, Consultant en développement organisationnel

Leave a comment

Your email address will not be published.


*