Réunion de l’Ile de Gorée : des questions troublantes

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Opposition-a-Gorée-3L’opinion congolaise n’est toujours pas éclairée sur ce qui s’est réellement passé à la mi-décembre 2015 à l’Ile de Gorée, au Sénégal, où des opposants et des activistes de la Société civile de la République Démocratique du Congo étaient invités à un forum sur « Les élections et les processus démocratiques en Afrique Sub-Saharienne : défis et enjeux ». Alors que les participants continuent de soutenir avoir partagé les expériences électorales avec leurs frères et sœurs d’autres Etats d’Afrique, sous le parrainage de fondations « Konrad Adenauer Stifung » et « Fur die Fresisheit », le pouvoir en place à Kinshasa voit les choses autrement. Pour les autorités congolaises, les « invités » congolais, sous prétexte d’échanger autour des processus démocratiques, ont en réalité suivi des modules de formation relatifs à la planification des mouvements subversifs et insurrectionnels, dans le but inavoué de déstabiliser, dans le courant de l’année 2016, les institutions de la République.

A ce sujet, les dernières révélations de la presse locale font état de la présence à l’Ile de Gorée de Mbusa Nyamwisi, ancien chef du mouvement rebelle RCD/K/ML ( Rassemblement Congolais pour la Démocratie/ Kisangani/ Mouvement de Libération) et du pasteur Paul Mukungubila, commanditaire des attaques armées ayant secoué les villes de Kinshasa, de Lubumbashi et de Kindu le 30 décembre 2013, présentés comme des « experts » chargés de la formation des participants congolais aux activités subversives et insurrectionnelles. Il est vrai que l’un et l’autre ne sont pas en odeur de sainteté avec les autorités de Kinshasa. Quant à leur expertise dans les domaines de la subversion et de l’insurrection armée, on peut la mettre en doute en ce qui concerne certains participants qui traînent un passé de « rebelle ».

Kiakwama en formation ?

Le patriarche Gilbert Kiakwama avait-il besoin d’une formation spécifique en matière de subversion ? Si tel est le cas, devait-il la recevoir des activistes de Filimbi et Lucha, parmi lesquels se recrutent son propre fils et celui d’un ancien mobutiste comme lui, nous avons cité Anzuluni Bembe ? On rappelle que dans les années’90, Antipas Mbusa n’était qu’un porteur de mallette de son feu frère aîné, Enock Nyamwisi Muvingi. Qu’est-ce que ce vieil opposant peut-il apprendre, aujourd’hui, de celui qui n’était qu’un garçon de course du début à la fin de la Conférence Nationale Souveraine ?

Quiconque connaît son passé politique, d’abord sous le régime de Mobutu dont il fut plusieurs fois ministre, sous le label de ceux qu’on appelait les « Kengo Boy’s », ensuite comme une des têtes pensantes de l’Union Sacrée de l’Opposition, entre 1990 et 1992, après la fin du monopartisme (24 avril 1990), ne peut que s’étonner de pareil besoin d’écolage.

C’est difficile de croire que ce vieux routier de la politique congolaise, qui était parmi les concepteurs et planificateurs de plusieurs actions et manifestations anti- Mobutu à l’époque de l’USOR et Alliés – villes mortes, marches de protestation, sit in, jets de tracts – puisse souffrir d’un tel déficit de formation idéologique qu’il soit obligé d’aller se « ressourcer » à Dakar, 25 ans après avoir contribué à fragiliser le régime du Président-Fondateur du MPR.

Ce qui aurait paru moins choquant dans l’opinion, c’est par exemple l’étiquetage du « vieux Kiakwama comme « enseignant » des méthodes et pratiques subversives, encore que là aussi, l’accusation serait fort discutable car ce libre penseur a l’habitude de dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, notamment à partir de la tribune de l’Assemblée Nationale. Bref, si ce patriarche veut comploter contre les « Kabilistes », un déplacement si loin de Kinshasa serait inopportun.

Kamitatu et Makila… anciens du maquis de Gemena

Olivier Kamitatu et José Makila avaient passé cinq ans dans le maquis de Gemena (1998 – 2003), en tant que cadres du Mouvement de Libération du Congo, à l’époque de leur rébellion contre le pouvoir de Kinshasa. Qu’est-ce que Mbusa ou Mukungubila pouvait-il leur apprendre : le maniement des armes ?…Les plans d’attaque des villes et provinces de la République ? …Le recrutement des combattants ?

Nul n’ignore que dans la constellation des rébellions armées opposées au régime de Kinshasa entre 1998 et 2003, l’armée du MLC venait en seconde position, en termes de puissance de feu, après celle du RCD/Goma. Au Dialogue Intercongolais, le MLC était fiché comme « Composante » et le RCD-K-ML comme « Entité », c’est-à-dire un mouvement rebelle de seconde zone, au même titre que les Mai-Mai et le RCD/N de Roger Lumbala.

En tenant compte des rapports de force du passé, Mbusa et Mukungubila ne peuvent donner des leçons d’insurrection armée à Olivier Kamitatu et José Makila. C’est le contraire qui serait plutôt conforme à la réalité.

  1. Badibanga, Bazaiba et F. Tshisekedi formés à l’école de l’UDPS

Samy Badibanga, président du Groupe parlementaire UDPS et Alliés à l’Assemblée Nationale, Eve Bazaiba, Secrétaire générale du Mouvement de Libération du Congo et F.Tshisekedi, Secrétaire national de l’UDPS chargé des Relations Extérieures, appartiennent à la plus vieille école de formation politique et idéologique du pays. Ils ont eu à expérimenter, à l’UDPS, sous le régime de Mobutu comme sous ceux de Laurent-Désiré Kabila et de Joseph Kabila, les théories et pratiques de la contestation des pouvoirs en place.

Dans l’hypothèse où il y avait nécessité d’une remise à niveau, ils auraient dû s’adresser à leur maître, Etienne Tshisekedi, encore vivant à Bruxelles, et non se tourner vers les activistes de Filimbi, Lucha, Balai Citoyen ou Yen a marre, dont la lutte pour la démocratie remonte à moins d’une décennie.

S’agissant des cas de Mbusa et Mukungubila, il serait surprenant que Samy Badibanga, Eve Bazaiba et Félix Tshisekedi, formés à l’école de la lutte politique non violente et de la conquête démocratique du pouvoir, crachent subitement sur le credo de leur mentor pour embrasser des seigneurs de guerre.

Kamerhe, Fayulu, Diongo et les autres…

Lorsque l’on pense aux différentes initiatives déjà lancées par Vital Kamerhe, Martin Fayulu, Franck Diongo et d’autres acteurs politiques et de la Société Civile pour contrer pacifiquement les velléités de tripatouillage de la loi électorale et de la Constitution – notamment des pétitions sur les places publiques de Kinshasa et des provinces, des meetings, des séminaires, des conférences de presse, des motions, des marches pacifiques, des campagnes de sensibilisation, des plates-formes anti-pouvoir – l’on peut s’interroger sur les éléments nouveaux de lutte contre le pouvoir en place qu’allaient leur apporter Mbusa, Mukungubila, Filimbi, Lucha, Balai Citoyen et Y en a marre. Le Sénégal aurait-il mis au point des méthodes et techniques particulières de déstabilisation des institutions à travers l’Afrique ?

En s’entendant dire qu’il y a eu une « messe noire » contre la RDC en décembre 2015 à l’Ile de Gorée, de nombreux compatriotes soucieux de vivre en paix et de connaître des élections véritablement libres, démocratiques, transparentes et apaisées dans les mois à venir, voudraient être correctement renseignés sur les véritables dessous des cartes de cette réunion. Malheureusement, à ce stade, c’est toujours le grand flou au sujet du présumé complot planifié contre le grand Congo et son peuple.

Kimp

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