Plusieurs arrestations lors de la journée « ville morte » en RDC

Lemonde.fr

Par Habibou Bangré

Kinshasa tournait au ralenti mardi 16 février.

Circulation fluide, boutiques fermées, commerçants désœuvrés, écoles désertées. Kinshasa tournait au ralenti mardi 16 février. « Comment on peut envoyer un enfant de 3 ou 4 ans à l’école dans une journée pareille ? », s’interroge Innocent, un chauffeur de taxi qui a interdit à ses enfants de se rendre dans leur établissement, et qui circule en ville avec la crainte que l’on caillasse sa voiture pour n’avoir pas suivi la consigne « ville morte ».

L’appel à la grève générale a été lancé à l’échelle nationale par des opposants et des organisations de la société civile qui accusent Joseph Kabila de vouloir s’accrocher au pouvoir, alors que la Constitution l’empêche debriguer un troisième quinquennat lors de la présidentielle prévue en novembre. La coalition n’a pas annoncé de marche, mais beaucoup redoutaient des manifestations spontanées risquant de dégénérer.

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Pour décourager la grève, le vice-premier ministre et ministre de l’emploi et du travail, Willy Makiashi, a rappelé lundi que le 16 février n’était pas férié. Surtout, il a averti que des « mesures exceptionnelles » seraient prises pour un « contrôle physique (…) au sein de toutes les administrations », afin de « constater tout retard ou absence », et que les réfractaires risquaient « des sanctions exemplaires ».

« Si on ne travaille pas, comment on va manger ? »

Mardi, des policiers étaient postés dans des quartiers sensibles, tandis que d’autres circulaient en Jeep dans la ville vide. Dans l’un des bus de la compagnie publique Transco, rares sont les passagers à commenterl’opération. « On a peur du fouet », lâche une femme pour expliquer pourquoi elle tait le fond de sa pensée.

Après les premières heures de la journée, une timide activité a repris dans certains quartiers. « Je suis contre la “ville morte”! C’est le jeu des politiciens ! Si on ne travaille pas, comment on va manger ? Nous, on vit au quotidien ! », peste Romain, étudiant. Ailleurs, Cédric, taxi moto, se plaint du manque de clients. « Je me débrouille pour chercher 2 000 francs [congolais, soit 1,92 euro] pour vivre aujourd’hui, et je rentre ! »

Alors que des patrons ont dispensé leurs employés de travailler, d’autres ont tardé à donner des consignes pour prendre sans doute le pouls de la situation. « Les gens ne sont pas venus par psychose. Quand l’opposition lance des appels, il y a des craintes », confie l’employé d’une boutique devant son échoppe close. En janvier 2015, des manifestations contre le régime à Kinshasa avaient fait une quarantaine de morts.

Face aux commerçants, les policiers ont manié la carotte et le bâton. « Si on essaie de vous tracasser, voilà notre numéro, appelez-nous ! Mais si vous n’ouvrez pas, on va vous envoyer une convocation ! », ont-ils lancé dans une rue du Commerce quasi déserte. Dubitatif sur la méthode, Francis, qui a assisté à la scène, souligne que les grévistes n’ont pas appelé à « détruire les choses des gens » ou à « piller ».

Arrestations

La journée a toutefois été émaillée par plusieurs incidents. Le signal de Radio France internationale, la plus écoutée du pays, a été coupée parce qu’elle aurait « mis de l’huile sur le feu » avant cette journée à haut risque, selon Lambert Mende, porte-parole du gouvernement congolais. La diffusion est revenue en fin d’après-midi. Par ailleurs, le mouvement de jeunes Lutte pour le changement (Lucha), dans le collimateur de Kinshasa, a annoncé que trois de ses membres avaient été arrêtés à Kinshasa et six autres à Goma (est) à l’aube.

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Onze personnes ont été interpellées, selon José Maria Aranaz, chef du Bureau conjoint des Nations unies pour les droits de l’homme (BCNUDH). « Il ne faut pas franchir la ligne, mince, entre assurer le maintien de l’ordre et faire de l’intimidation et du harcèlement », a prévenu ce dernier. Amnesty International a pour sa part demandé la libération « immédiate et sans conditions » des jeunes, soulignant qu’« il n’est pas un crime de contesterles retards dans la préparation des élections ».

Interrogé, Lambert Mende a affirmé que ni le ministère de l’intérieur ni le parquet n’avaient signalé des arrestations. Il n’a pas évoqué une possible détention à l’Agence nationale de renseignements (ANR), régulièrement épinglée par le BCNUDH et les associations pour des arrestations et des étentions arbitraires. En août, elle avait retenu prisonnier plusieurs jours Bienvenu Matumo, l’un des jeunes qui, selon Lucha, sont actuellement aux arrêts.

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