La diaspora et l’avenir du Congo-Kinshasa

Quand nous abordons la question de la diaspora congolaise, nous ne devrions pas perdre de vue qu’elle est plurielle. Et dans sa pluralité, elle n’a pas toujours une approche uniforme de son pays d’origine et de son avenir. Cela est à mettre à son actif. Du choc des idées surgit la lumière, dit-on. A condition que le choc des idées évite « le massacre » de ceux qui les portent.
Cette diaspora s’exprime dans les cafés, dans les salons de coiffures, dans les médias dominants et alternatifs. Elle organise des conférences et écrit des livres.
Il y a des moments où, à travers les marches que certains de ses membres organisent, elle arrive à crier haut et fort ce qu’elle veut pour son pays : un Etat de droit démocratique débarrassé de « vieux dinosaures » et de « nouveaux prédateurs ».
Quand elle crie haut et fort, une bonne partie de la diaspora congolaise exprime son souhait de voir le Congo-Kinshasa devenir « un pays normal ». C’est-à-dire un pays promouvant le bien commun où les droits et les libertés fondamentales sont respectés ; un pays où les droits sociaux, économiques, politiques, culturels et environnementaux ne sont pas foulés au pied, où les gouvernants sont en permanence responsables devant les gouvernés (et non pas une seule fois quand ils sollicitent leurs suffrages).
De plus en plus, une bonne partie de cette diaspora devient très sensible à la question du « viol comme arme de guerre », des assassinats et massacres perpétrés à l’Est du pays et de leurs conséquences sur toute l’étendue du territoire nationale. Un compatriote vient d’ailleurs de publier un livre sur cette question. Boniface Musavuli vient de lancer sur le marché du livre « Les génocides des congolais. De Léopold II à Paul Kagame ».
Ce livre est représentatif de toute une opinion congolaise de la diaspora. Analysant l’histoire du Congo-Kinshasa depuis Léopold jusqu’à la dernière guerre raciste et de basse intensité menée contre le pays de Lumumba, plusieurs compatriotes estiment que les crimes commis pour les déposséder de leurs terres et de richesse sont restés impunis. Ils en appellent à la mise sur pied d’un Tribunal Pénal International pour le Congo-Kinshasa et/ou à une justice transitionnelle pouvant contribuer à la renaissance ou à l’invention d’un autre pays au cœur de l’Afrique.
Il y en a qui, tout en portant ce rêve, reconduisent aussi celui de Nkrumah et Lumumba : « L’Afrique doit s’unir ». Pour ces compatriotes, le Congo-Kinshasa doit, avec plusieurs autres pays africains, travailler au panafricanisme des peuples s’il veut sauvegarder son indépendance politique, culturelle et économique. Ce courant est identifiable à travers certaines publications.
Fweley Diangitukwa est l’un de ses représentants. Il vient de publier « L’Afrique doit renaître », un livre appelant à l’avènement des Etats-Unis d’Afrique à travers les mécanismes d’intégration politique, sociale, économique et sécuritaire.
Plusieurs autres compatriotes insistent beaucoup sur la récupération de notre initiative historique mise en mal par l’hégémonie culturelle occidentale au travers des paradigmes négatifs et d’indignités dénommés « traite négrière », « colonisation » et « néocolonisation-mondialisation ». Ces paradigmes avilissants et assujetissants devraient être remplacés dans l’imaginaire collectif par d’autres conçus d’un commun accord (ou réinventés) à partir d’une école refondée et des collectifs citoyens en débat et délibération perpétuels. Dans ce courant, plusieurs mettent une action particulière sur l’organisation de la science et de la connaissance en nos langues vernaculaires. Ils estiment qu’il y a une identité congolaise à affirmer et/ou à réinventer.
Certains autres compatriotes travaillent, depuis plusieurs années à l’organisation de la résistance congolaise contre ce qu’ils estiment être les forces d’occupation, de balkanisation et de mise sous tutelle du Congo-Kinshasa. Ils abattent ce travail sur le court, moyen et long terme. Ils ne courent pas derrière le processus électoral organisé (?) au pays depuis 2005/2006. Ils le qualifient de faux.
A leur avis, il est impossible d’organiser des élections dans un pays sous occupation et mise sous tutelle. Il y a un premier pas à effectuer : débarrasser le pays de l’occupation et après, penser aux élections.
Il n’est pas rare de rencontrer des compatriotes congolais indifférents au devenir de leur pays ; dépités par ce qui s’y passe au point de l’appeler « Eloko wana » (celle chose-là). Ils disent : « Eloko wana toteka yango, tokabola mbongo » (Vendons cette chose-là et partageons-nous les sous que ça va rapporter). Cette humour noire trahit beaucoup plus le défaitisme dans lequel certains compatriotes sont tombés, à force de voir le pays sombrer dans un appauvrissement anthropologique perpétuel, qu’un courant de pensée digne de ce nom.
Au sein de la diaspora congolaise, il y a des compatriotes qui, croyant dans les atouts de la communauté internationale, essaient de nouer des relations pouvant conduire certains pays occidentaux à s’impliquer dans la recherche de solutions à la question de légitimité et/ou du respect des textes fondamentaux auquel le Congo-Kinshasa a souscrit.
Le souhait de combiner la nationalité congolaise et celle des pays d’accueil est partagé par un certain nombre de compatriotes. Un certain nombre lutte pour que le Congo-Kinshasa soit, demain, un Etat fondé sur la démocratie participative.
Cette vision plurielle de l’avenir du Congo-Kinshasa et de ses populations a des points de recoupement à prendre en compte. Le passage d’une approche à une autre est souvent fréquent. Il y a des compatriotes partageant deux ou trois approches à la fois.
L’un ou l’autre problème se pose quand il est question de définir les moyens, les méthodes et les stratégies à suivre pour réaliser les objectifs ultimes que l’on se fixent. Plusieurs misent sur l’éducation, la formation et la militance. D’autres mettent sur pied de petits projets permettant une certaine visibilité. D’autres encore ont de la préférence pour un travail en synergie avec les compatriotes restés au pays.
Il y a un autre problème : celui de l’identification des acteurs pléniers et de leur mode opératoire (nuisible) pour le Congo-Kinshasa. A ce point nommé, certains membres de la diaspora sombre dans « le larbinisme » par peur, par ignorance, par cupidité, par esclavage volontaire ou par opportunisme.
La vidéosphère et les réseaux sociaux ont tendance à enfermer une bonne partie de la diaspora dans l’inculture. Une inculture les coupant des sources de certaines informations, du débat pouvant aider à réduire le danger du décervelage entretenu par les médias dominant et conduisant à fonder argumentativement ce qui est soutenu. La vidéosphère et les réseaux sociaux consommés sans modération ont tendance à éloigner une bonne partie de la diaspora congolaise du livre et d’un certain niveau d’esprit critique. Elle tombe rapidement fanatique des siens reconduisant les théories néolibérales et mondialistes de l’assujetissement du monde, au nom du « pain et des jeux ». Fanatique, elle croit, faible de « la défaite de sa raison », qu’ils seront de bons dirigeants du Congo-Kinshasa de demain.
Mbelu Babanya Kabudi

 

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