Le Congo “Rez-de-chaussée“ (RDC) et ses provinces hydrauliques

Halte aux auxiliaires de la colonisation et des massacres des Noirs

Au mois d’août 1482 un groupe des Portugais sous la direction d’un certain Diego Caô arrive à l’embouchure d’un grand fleuve africain, de son vrai nom “MWANZA“, le plus grand qu’ils n’aient jamais vu. Ils rencontrent des peuples qui naviguent sur le fleuve, y font la pêche et d’autres travaux. Ces peuples se reconnaissent habitant un grand territoire qu’ils nomment Kongo. Les Portugais qui sont conduits jusqu’à la Capitale de ce grand Etat ne vont pas le reconnaître en tant que tel. Déjà ils plantent leur “Padraö“, la fameuse borne indiquant que ce pays était le leur, sans leur appartenir du tout. Ils ne s’arrêtent pas là. Ils débaptisent le fleuve et le nomment Kongo/Congo (en portugais), nom du pays qu’ils attribuent au fleuve ignorant ainsi le pays lui-même, c’est-à-dire ceux qui l’habitent. Et la suite nous la connaissons. Les Portugais vont finir par faire imploser et désintégrer complètement le pays. Quelques siècles plus tard, un groupe d’aventuriers européens de toute nationalité, conduits par Henry Morton Stanley, arrive cette fois par la source du fleuve. Là-bas, le fleuve porte le nom de Lualaba. Plusieurs peuples habitent la contrée. Mais exactement comme les Portugais, ces nouveaux arrivants qui vont remonter le fleuve dans le sens Est-Ouest, vont ignorer le nom que les gens du pays donnent au fleuve. Ils vont l’appeler du nom de Congo, nom inconnu aussi bien à l’Ouest qu’à l’Est quant à la dénomination du fleuve (nzadi, ebale, maye).

En réalité pour les Européens d’une façon générale, ce qui leur importait ce n’était nullement les populations, les peuples qu’ils rencontraient, mais le territoire en tant que richesses. Pour eux, les richesses immenses de ces territoires qu’ils découvraient se référaient au fleuve comme voie de sortie. Le nommer, c’était s’en approprier et en priver les peuples qui y habitaient. Et c’est bien ce qui est arrivé. Ici aussi, nous connaissons la suite. Plus tard, ils vont faire de même avec les différents affluents du fleuve. Ils désigneront les différents territoires qui les bordent des noms de ces rivières. Ce qui n’était pas du tout la coutume chez les peuples africains qui y vivaient. Eux se nommaient autrement qu’ils nommaient les fleuves et les rivières qu’ils avaient déjà découverts dès leur installation sur ces territoires longtemps avant cette arrivée problématique des Européens chez eux. Les Européens voulant s’accaparer de ces territoires et réduisant les peuples africains de ces contrées en esclaves, une lutte sans merci va s’engager qui fera des millions de victimes du côté des Africains tombés sous les balles meurtrières des Européens disposant de l’armement lourd dont la spécificité est de tuer des dizaines de personnes à distance. Ce qui était nouveau et déroutant pour nos ancêtres à l’époque. Mais héroïquement, ils se sont opposés de toutes leurs forces aux envahisseurs et ont fini par avoir raison d’eux. “Likambo ya mabele, liseki te“. C’est ainsi que les uns après les autres tous ces territoires ont été libérés et le 30 juin 1960 a sonné le glas de la colonisation européenne de nos territoires.

Pour les peuples Africains qui s’étaient vaillamment battus, la défaite des Européens signifiait le rétablissement de l’ordre ancien, l’ordre ancestral africain, c’est-à-dire le retour des délimitations ancestrales des territoires, autrement dit la fin des territoires fantaisistes (Kasaï, Lomami, Ubangi, Mongala, Kwango, etc.). Les peuples Africains de ces territoires souhaitaient que leurs milieux de vie, les villages, fussent au centre de l’action de nouveaux dirigeants, que ceux-ci eussent puisé dans le terreau ancestral les éléments nécessaires à la construction d’un Etat moderne sur ce territoire libéré. Mais c’était mal connaître ceux qui avaient été à l’école des Européens, les bons élèves des Révérends Pères, les fameux collégiens du “Collège des Commissaires“ de triste mémoire, les traîtres qui ont hypothéqué l’indépendance chèrement acquise. Conduits par leur guide éclairé Mobutu Sese Seko, ils n’avaient qu’un seul but, vivre comme des Blancs : belles voitures, belles maisons, beaucoup d’argent, beaucoup de boys, beaucoup de femmes. Point. Etre des “Mindele-Ndombe“.

C’est ainsi qu’ils ont perpétué et amplifié les territoires fantaisistes. Il y aura ainsi six provinces en 1960 : Léopoldville, Equateur, Province Orientale, Kivu, Katanga et Kasaï.

En 1963 vingt et une : Congo-Central, Cuvette-Centrale, Haut-Congo, Katanga-Oriental, Kibali-Ituri, Kivu-Central, Kwango, Kwilu, Léopoldville, Lomami, Lualaba, Luluabourg, Mai-Ndombe, Maniema, Moyen-Congo, Nord-Katanga, Nord-Kivu, Sankuru, Sud-Kasai, Ubangi, Uele et Unité-Kasaïenne.

En 1966, elles passeront de vingt et une à huit : Bandundu, Congo-Central, Equateur, Orientale, Kasaï-Occidental, Kasaï-Oriental, Kinshasa, Kivu et Katanga.

En 1988, la province du Kivu sera divisée en trois : Nord-Kivu, Sud-Kivu, Maniema, soit 11 provinces.

Et aujourd’hui, on voudrait de nouveau passer de onze à vingt six : Bas-Uele, Équateur, Haut-Lomami, Haut-Katanga, Haut-Uele, Ituri, Kasaï, Kasaï oriental, Kongo central, Kwango, Kwilu, Lomami, Lualaba, Lulua, Mai-Ndombe, Maniema, Mongala, Nord-Kivu, Nord-Ubangi, Sankuru, Sud-Kivu, Sud-Ubangi, Tanganyika, Tshopo, Tshuapa et Kinshasa.

En réalité, cette énième répartition territoriale n’est pas nouvelle. Elle est une reprise d’une plus ancienne, celle de 1914. A l’époque, le vaste territoire que le roi des Belges avait confisqué à leurs peuples respectifs constituait une seule province annexée au Royaume de Belgique et comptait 22 districts. Au tout début de la colonisation belge, le grand Congo n’avait que 11 districts. La répartition territoriale actuelle n’a donc rien de révolutionnaire au point de se précipiter de faire des installations à la va-vite. Elle est dans la pure logique coloniale, celle qui consiste à ignorer le patrimoine culturel des populations locales et d’agir à leur place, sans leur donner la parole et donc, sans entendre leur avis.

La constitution de 2004, appelée aussi constitution de Liège, n’a donc rien apporté de nouveau quant à la gestion territoriale responsable dans notre pays. Il est à noter que la Belgique, qui s’était taillée une province à 7000 kilomètres de distance et qui lui était 80 fois plus grande compte, elle, dix provinces. A l’échelle de la Belgique, le Congo, notre pays, pourrait en avoir 800.

Plutôt que créer des provinces à taille humaine qui rejoignent les aspirations de la population, les législateurs de 2004 ont suivi le modèle colonial qui est un modèle hydraulique et ont créé des provinces hydrauliques. C’est l’eau qui est supposée faire l’identité, et non les cultures des peuples. Or tout le monde sait que l’eau n’a pas d’identité. Qu’elle soit au Congo, au Canada, en Chine ou en Russie, elle est toujours de l’eau, pas plus. L’eau n’a ni famille, ni culture, ni pays, ni ami, ni connaissance. L’eau, la rivière, le fleuve, l’océan, ne connaît personne. Elle passe imperturbablement son chemin quelque soit l’état de la personne ou des personnes qui s’y approchent. Elle ignore même les enfants qui s’aventurent à ses côtés. Pour le cas de notre pays, ni le Kasaï, ni le Kwango, ni le Kwilu, ni le Lac Mayi-Ndombe, ni la Lukemi, ni le Sankuru, ni le Lwalaba, ni la Lomami, ni le Lac Tanganyika, ni la Tshopo, ni La Mongala, ni l’Ubangui, etc., aucune de ces rivières ou lacs ne connaît le moindre peuple qui campe sur ses rivages. Notre grand fleuve, pour parler de lui, a accueilli dans la plus grande indifférence tous les peuples qui l’ont emprunté, même les Européens comme les Portugais ou les Belges ont été gentiment reçus. Il ne leur a posé aucune résistance. La résistance farouche est venue des peuples qui habitaient les alentours du fleuve et qui l’avaient déjà nommé.

On se demande, par exemple, concernant les rivières Kasaï, Kwilu et Kwango, pourquoi les attribuer à quelques groupes et pas à d’autres. Le Kasaï prend sa source en Angola, traverse un immense territoire long de plusieurs centaines de kilomètres jusqu’à son embouchure à Kwamouth. Pourquoi l’assigner seulement à ceux qui habiteraient sa partie sud ? Pourquoi ceux de Kwamouth, de Mushie, Dima-Lumbu, Mabenga, etc. ne seraient-ils pas aussi Kasaïens ? Le Kwilu, elle, prend sa source un peu plus loin que Kahemba et continue son périple jusqu’à Bandundu-Ville où il se jette dans le Kwango. Or la partie-sud du Kwilu appartiendrait à la province du Kwango et le reste à la province du Kwango. Pourquoi les peuples qui vivent aux abords du Kwilu au Sud ne seraient pas Kwilois comme les autres ? Il en est de même du Kwango qui prend sa source en Angola et qui se jette dans le Kasaï à Bandundu-Ville. Pourquoi ceux qui vivent aux abords de sa partie nord ne seraient-ils pas Kwangolais comme les autres ? On peut dire la même chose de bien d’autres rivières que l’on a attribuées à tel ou tel groupe, et même à ceux qui n’ont rien à voir au détriment de ceux qui pourraient s’en réclamer. On voit donc le ridicule de cette répartition territoriale coloniale hydraulique.

Le fait de donner à nos différents territoires des noms des fleuves, des rivières, des lacs, des vents ou des directions géographiques, n’assure en rien leur indépendance. Car ces territoires que l’on veut nommer ainsi ont leurs noms, noms qui leur viennent des peuples qui les habitent, noms souvent séculaires, portant toute une histoire. Il suffit simplement de reprendre ces noms, nous aurons alors rejoint les aspirations de nos populations au lieu de continuer à perpétuer la colonisation qui nous étrangle et nous tue. Halte donc aux auxiliaires de la colonisation. Il faut écouter l’aspiration de notre peuple, sa demande, son attente. Elle est simple. Il demande simplement que l’on arrête avec la colonisation, que l’on revalorise le village africain et que l’on en fasse la première cellule de développement dans notre pays ; qu’on arrête avec cette dictature coloniale, le mépris des peuples noirs, qui consiste à imposer aux autochtones des décisions qui sont en contradiction avec leurs aspirations profondes. Alors tout le reste se mettra en place tout seul. On n’aura plus besoin des provinces hydrauliques artificielles, sources des conflits et des disputes à cause du fait que cette répartition ignore les aspirations profondes des peuples. Les conflits qu’on appelle ethniques ou tribaux viennent de là, viennent des frustrations longtemps encaissées. A la place, on aura des vraies entités humaines, viables, dynamiques et solides. Car le plus important ce ne sont pas les infrastructures, mais les hommes. Ce sont eux qui construisent les infrastructures qu’ils veulent et non le contraire. Cette vision d’une territoriale ancrée dans notre histoire va arrêter l’exode rural qui tue littéralement notre pays et qui livre notre population aux appétits des multinationales productrices des aliments chimiques et qui n’ont aucune pitié de nous.

Notre peuple veut un tout autre pays, son pays, et non plus cette prison, ce Congo Rez-de-Chaussée (RDC), dans lequel il crève plus qu’il ne vit. Ledit gouvernement par défi, qui n’a gagné aucune élection depuis 1960, année de gloire des combattants du MNC du grand Timonier Patrice Lumumba, et qui s’est accaparé du pouvoir par les armes à feu comme les colonisateurs européens, n’est pas aimé par notre peuple, n’a aucune légitimité et n’a donc pas qualité à organiser notre pays. Car, il est incompétent à tous les niveaux et ne fait que le démontrer de jour en jour, son incapacité notoire. Il n’est expert qu’en tueries des Congolais. Ce que le peuple lui demande, c’est qu’il cesse de massacrer comme il l’a fait dernièrement à Kinshasa, le 19, 20 et 21 janvier, lors des trois glorieuses. Le peuple lui demande de se préparer à s’en aller, à le laisser tranquille. Le peuple lui donne la chance de la réconciliation s’il s’engage à libérer tous les prisonniers politiques et d’opinion, à rouvrir tous les médias arbitrairement fermés, à ouvrir l’espace public au débat politique responsable et à organiser dans le respect des délais constitutionnels des élections crédibles et apaisées pour une passation sereine du pouvoir.

Le peuple dit à tous les hommes et femmes du pouvoir par défi qu’il y a une vie après la présidence, une vie après les mandats parlementaires, une vie après les cabinets ministériels. Qu’ils se préparent tous à s’en aller en toute tranquillité, on ne leur tiendra pas rigueur. Mais, de grâce, qu’ils s’en aillent!

Bruxelles, ce 17 juillet 2015

PINI-PINI NSASAY KENTEY

 

 

 

 

1 Comments

  1. Très pertinent cet article. Félicitation à son auteur Mr PINI-PINI NSASAY KENTEY. Ce découpage territorial na jamais été la volonté du peuple car celui-ci tient mordicus à son unité et non à la division qui est la source des conflits ethniques.Merci

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