Quand les enjeux congolais sont ailleurs

Il est quand même curieux que les coalitions et rassemblents congolais ayant vu le jour ces derniers temps ne puissent pas donner l’impression de recentrer le débat sur ces enjeux essentiels : la prédation, le pillage des terres, des mers et des forêts, l’enrichissement sans cause, l’accaparement patrimonialiste des biens communs, etc. Ils ne sembent pas avoir compris que  »le génocide congolais » n’est pas un acte patriotique. Ce sont des sacrifices orchestrés par  »les chasseurs des matières premières ». Ils sont là avec leurs clients pour le coltan, le diamant, l’or et le cobalt. C’est une vérité aussi vielle que le temps ; “On croit mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels. »
Nous venons d’apprendre que  »le Rassemblement né à Genval » récuse M. Edem Kodjo comme facilitateur du dialogue congolais organisé dans le respect de la résolution 2277 du Conseil de Sécurité. Au micro de Fabien Kusuanika, M. Tshisekedi Tshilombo essaie d’avancer des raisons ayant conduit à cette récusation1. Elle est faite quelques jours après le passage de M. Jacob Zuma à Paris le 11 juillet 2016. Dans un échange avec le Président Français, François Hollande autour de  »Joseph Kabila », Jocob Zuma a dit :  « Laissez-nous gérer cette affaire entre Africains. »2
Pourquoi solliciter cette permission ? Peut-être parce que cette  »affaire » depuis ses débuts a été gérée entre Africains et Occidentaux. Pour rappel, c’est en Afrique du Sud qu’il a été imposé à Thabo Mbeki d’imposer  »Joseph Kabila » aux Congolais(es). Pendant longtemps, cette  »affaire » a été gérée par l’Occident par des proxys interposés. Il n’est pas très sûr que cette demande de Jacob Zuma soit exaucée ; cela d’autant plus que cette  »affaire » ne concerne pas Hollande seul. Pour cause. Le jeudi, 05 mai 2016, un groupe dénommé « The International Contact Group on the DR Congo » et composé des  USA, de l’ UK (la Grande Bretagne), de la Belgique, de l’Allemagne, de la France,de l’ EU (L’Union Européenne),de la Suède), de l’Afrique du Sud), des  Pays-Bas et des lesNations Unies)   a organisé une rencontre à Stockholm. Les Congolais(es) n’y étaient représentés ni par  »l’opposition politique », ni par  »la majorité présidentielle ».
Que Jacob Zuma dont le neveu fait des affaires au Congo-Kinshasa retourne voir Hollande plus ou moins deux mois après la rencontre de Stockholm, cela ne pourrait étonner que ceux qui n’en étaient pas au courant. Pour dire les choses autrement,  »l’affaire du Congo-Kinshasa », avec ou sans Joseph Kabila, depuis 1885, se règle toujours en dehors du pays de Lumumba et sans que les patriotes et les résistants congolais y soient associés.
A Stochholm comme à Berlin, ce n’est pas de la démocratisation du Congo-Kinshasa, ni du respect des droits de l’homme que  »les maîtres du monde » parlent. Non. Ces questions ne sont pas au cœur du jeu et des enjeux congolais. Ils ne parlent pas non plus de la Constitution et du fin des mandats. Non. Les plus naïfs d’entre nous n’ont jamais compris que les dinausores et les vampires ayant jeté leur dévolu sur  »Joseph Kabila »,  »un soldat du Tutsi Power », tenaient à ouvrir le Congo-Kinshasa à l’hégémonie néolibérale en se servant de leurs proxys comme néocolonisateurs. Ceux-ci ont pour tâches, entre autres, d’imposer l’oppression dégradante, l’abrutissement des masses et l’avilissement des élites. L’oppression dégradantes des masses les transformes en une bande de ramasseurs des miettes tombant des tables des  »nouveaux prédateurs ». Leur abrutissement les réduit aux rangs des indigents chassés des centres-villes et/ou enterrés dans les fosses communes. A Kigali comme à Kinshasa, être appauvri et traîné en ville, c’est un crime pouvant coûter la peine de prison3.
Ces masses dégradées et abruties à souhait sont livrées à la mort à petit feu.
Les nègres de service opérant sous nos tropiques font d’une pierre plusieurs coup. Ils savent que les guerres de prédation menées contre les pays de l’Afrique des Grands Lacs les ont aidés à constituer un petit réseau d’élites niveau local, national, africain et transnational. Ce 1% d’Africains se livrent à la prédation tout en étant au service des multinationales. Il devient immensément riche au cœur d’une Afrique centrale et autrale sérieusement appauvrie. Il s’entraide pour occuper les postes pouvant lui permettre de torpiller tout processus de justice distributive en entretenant une gestion patrimonialiste de la chose commune. Branchés sur les circuits mondialistes aliénants que sont la Banque mondiale et le FMI, il participe au “chaos constructeur » du “nouveau désordre mondial ». Les armées des truants et des mercenaires entretenues par ce 1% lui permet d’être à l’abri des révoltes des masses paumées.
Pour distraire l’opinion publique, ce 1% l’entraine dans des processus politiques rejetant le débat sur son enrichissement sans cause, sur son implication dans la prédation et le pillage des terres congolaises, sur son accaparement patrimonialiste des biens publics, etc. Souvent, les Africains ouvrant des débats sur ces questions de notoriété publique sont jetés en prison sous des motifs farfelus. Ces ex-seigneurs de guerre, ces anciens pauvres devenus de  »nouveaux riches » lancent, de temps en temps, de petits projets de barrages hydroélecctirques, d’asphaltage de quelques tronçons de route, de prise en charge de quelques malades pour cacher leur propension à piétiner les droits sociaux, politiques, économiques et culturels dans les Etats manqués qu’ils instrumentalisent.
Ce faisant, ils arrivent à mobiliser les masses clochardisées afin qu’elles chantent leurs louanges en disant : “Wumela » ou  »soki oboyi raïs, sala mokila nayo moko ».
Ces masses clochardisées semblent avoir perdu, à quelques axceptions près, le sens de l’histoire. Elles ont du mal à procéder à un certain droit d’inventaire (historique) et à exiger des comptes à ceux et celles qui ont d’une bonne partie de l’Afrique centrale et australe une prison à ciel ouvert et/ou un mouroir.
Il est quand même curieux que les coalitions et rassemblements congolais ayant vu le jour ces derniers temps ne puissent pas donner l’impression de recentrer le débat sur ces enjeux essentiels : la prédation, le pillage des terres, des mers et des forêts, l’enrichissement sans cause, l’accaparement patrimonialiste des biens communs, etc. Ils ne semblent pas avoir compris que  »le génocide congolais » n’est pas un acte patriotique. Ce sont des sacrifices orchestrés par  »les chasseurs des matières premières ». Ils sont là avec leurs clients pour le coltan, le diamant, l’or et le cobalt.
C’est une vérité aussi vieille que le temps ; “On croit mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels, disait A. France.4” Et ils sont absents des lieux où les débats5 liés aux questions sur les guerres des matières premières bénéficiant aux industriels se mènent. Eux se chamaillent autour de la démocratie et des droits de l’homme considérés par  »les petites mains » des industriels comme étant des idées illusoires. Ne serait-ce pas là l’une des raisons pour lesquelles ces coalitions et rassemblements congolais sont fragiles et peu résistants à l’épreuve du temps ? Ils sont fondés sur un minime intérêt accordé à l’histoire et négligent les enjeux économiques au profit de la redistribution des postes politiques téléguidés par les hégémonistes néolibéraux et leurs proxys néocoloniaux.
Revenons un peu à Jocob Zuma et à l’Afrique du Sud. Pour mater les Lumumbistes (qualifiés de rebelles) de Stanleyville, Mobutu, soutenu par la CIA (1961-1965) a eu recours aux mercenaires Sud-Africains. Voici ce que disait l’un de leur chef, Mike Hoare, de retour en Afrique du Sud en 1965 :”Tuer des communistes, c’est comme tuer de la vermine. Tuer des nationalistes africains, c’est comme tuer des animaux. Je n’aime ni les uns ni les autres. Mes hommes et moi-même avons tué entre 5000 et 10.000 rebelles congolais pendant 20 mois que j’ai passé au Congo. » (J. CHOME,L’ascension de Mobutu. Du sergent Joseph Désiré au général Sese Seko, Bruxelles, Complexe, 1974, p.74) Que ce pays ait abrité des pourparlers sur le Congo-Kinshasa sans qu’ils aboutissent à le sortir du bourbier, cela pose problème. Thabo Mbeki a imposé  »Joseph Kabila » aux Congolais(es) à Sun City. Jocob Zuma mène son lobbying et son neveu investit  »économiquement » au Congo-Kinshasa. Quel rôle ce pays a-t-il joué et voudrait-il continuer à jouer au Congo-Kinshasa ? A qui profite ce rôle ? S’il a été imposé à Thabo Mbeki d’imposer  »Joseph Kabila », il ne serait pas exclu qu’il soit imposé à Jacob Zuma de mener son lobbying aux dépens des Congolais(es) et au profit des héritiers de Cécil Rhodes ; cet amoureux du Grand Rift ayant prôné la conquête de l’Afrique du Caire jusqu’au Cap. Ces héritiers étaient à Stocholm le 05 mai 2016. Ils travaillent sur les archives.
Les Congolais(es) devraient ouvrir l’oeil et le bon. Les signaux d’alarmes lancés par  »la communauté occidentale » au sujet d’un éventuel embrasement du Congo-Kinshasa devraient être pris au sérieux. Pourquoi ?  »les petites mains » des industriels ont la spécialités de livrer à la confrontation ceux qu’elles considèrent officieusement comme étant leurs vassaux et officiellement comme étant leurs partenaires. Elles veulent être  »au pouvoir » sans paraître au grand jour. Elles ont besoin des  »gouverneurs » à même de se neutraliser après avoir sacrifié sur l’autel des industriels leurs populations clochardisées. Elles ont accès  »au pouvoir » par  »le choas constructeur ».
Actuellement, ils disent cela à haute voix. elles ne s’en cachent pas. Et voici ce que dit l’une d’elle, George Friedman, l’un des plus grands géopoliticiens US de notre époque : “Les Etats-Unis ne peuvent pas occuper toute l’Eurasie.Envoyer des troupes au sol c’est se confronter davantage au problème démographique. On peut vaincre une armée, pas occuper l’Irak. C’est délirant de croire que 130.000 hommes vont occuper un pays de 25 millions d’habitants. Donc, nous ne pouvons pas occuper tous ces pays. Mais ce que nous pouvons faire, c’est maintenir des camps rivaux afin qu’ils se battent entre eux en leur procurant aide politique, économique, militaires, des conseillers… L’Angleterre n’a pas occuper l’Inde. Elle a manipulé plusieurs Etats de l’Inde et les a montés les uns contre les autres, puis a fourni les officiers pour constituer l’armée indienne. »
Enlever l’Eurasie et mettre l’Afrique des Grands Lacs aide à comprendre le mode opératoire des parrains et de l’opposition et de la majorité présidentielle au Congo-Kinshasa.
Ce mode opératoire n’a pas beaucoup changé. Vers les années 1961, Brzezinski le conseillait déjà à Jimmy Carter pour  »une bonne gestion de sa politique extérieure ».
Les politiciens congolais vont-ils entendre la voix de la raison et éviter de tomber dans ce piège de ceux qui dirigent le Congo-Kinshasa par des proxys interposés ? Le proche avenir nous le dira.
A notre avis,  »comprendre c’est déjà agir ».
Mbelu Babanya Kabudi
1http://www.voiceofcongo.net/dialogue-tshisekedi-et-le-rassemblement-rejettent-e-kodjo-definitivement-video
2http://www.jeuneafrique.com/mag/342199/politique/afrique-sud-zuma-choisit-kabila-linstant/
3http://www.bbc.com/afrique/region-36861411?ocid=socialflow_facebook
4http://www.michelcollon.info/14-18-on-croit-mourir-pour-la/

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