Kamwina Nsapu : un véritable chef coutumier et un mobilisateur des masses populaires assassiné

Quand le gouverneur du Kasai Central lit le communiqué sur la mort du Chef coutumier Kamwina Nsapu, il n’explicite pas les raisons pour lesquelles il est tombée sous les balles de la police politique du  »conglomérat d’aventuriers » ayant pris le Congo-Kinshasa en otage depuis la guerre de l’AFDL. C’est en écoutant une vidéo sur l’échange de ce véritable chef coutumier avec son peuple et un élément audio (que Congoone) va rendre disponible que nous avons saisi le sens de la lutte de ce digne fils du Kasaï Occidental. Il est mort pour une cause noble. Ses erreurs ne l’occultent pas.
Pendant que nos compatriotes sont assassinés à Beni, nous risquons de passer sous silence ce qui s’est passé au Kasaï Occidental. Un jeune chef coutumier a été assassiné le 12 août 2016. (https://www.youtube.com/watch?v=3hf4HkMNytI&feature=share). Dans l’annonce de cet assassinat, le gouverneur du  »Kasaï Central » parle de l’entêtement inutile du chef Kamwina Nsapu.
Son communiqué de plus ou moins deux minutes n’explicite pas ce qu’il entend par  »entêtement inutile ». Pourtant, dans une vidéo d’une cinquantaine de minutes, ce jeune chef explicite sa pensée. Il dit ce qui l’a conduit à constituer  »un groupe de résistants ». Il souhaitait que  »matuku a miadi, tunyinganyinga, miadi ne diela dia meji bisangane kujika ». Il souhaitait que l’oppression, la répression, la trahison interne et le manque de justice distributive prennent fin (https://www.youtube.com/watch?v=vCp4Gg_63zY&feature=youtu.be). Le manque de respect à l’endroit des hommes et femmes de son peuple ainsi que la confiscation des richesses kasaïennes et congolaises par une minorité de 1% de compatriotes (dont certains chefs coutumiers) et d’étrangers ont été les objectifs de sa lutte. Tout en déplorant les pertes en vie humaine, l’écoute de cette vidéo et d’un autre élément sonore prouvent à suffisance que la capacité de mobilisation de Kamwina Nsapu a fait peur aux vassaux du  »conglomérat d’aventuriers » ayant pris le Congo-Kinshasa en otage à partir de Kinshasa. Quelles sont les questions qu’il soulève ? Il y a la vassalisation des chefs des terres coutumières par ce même  »conglomérat ». Il y a aussi les difficultés liées à l’accès au minimum vital : le sel (luepu), la lumière (kapia), l’eau (mayi), le manger (bia kudia). Et tout l’argent que produit le pays va au Rwanda, en Ouganda, en Tanzanie et au Burundi pendant que les filles et les fils du pays manque le minimum requis.
Kamwina Nsapu remarque que depuis que le Congo-Kinshasa existe, les militaires, les policiers, les députés, les sénateurs et les autres politiciens n’ont pas pu répondre à ces questions basiques. D’où l’idée qu’il a eue de créer un  »Mouvement politico-coutumier » à partir de la base pour  »effacer tout le mal » de ses terres (http://www.radiookapi.net/2016/08/13/actualite/securite/kasai-central-le-chef-kamwina-nsapu-est-mort-dans-les-combats-contre). Bien qu’étant très en colère contre ses ennemis, il invite les membres de ce mouvement à la réconciliation, à la justice et à la restitution des biens d’autrui.
L’Etat failli étant incapable de sécuriser les populations dans cette partie du Congo-Kinshasa, Kamwina Nsapu voulu aider ces dernières à se prendre en charge. Pour preuve, lui-même a échappé à un assassinat orchestré par  »le pouvoir central ». Cinq militaires (dont deux Rwandais) envoyés à ses trousses l’ont raté. Ils ont profané ses attributs de pouvoir coutumier, cherché à violer sa femme et voler le peu d’argent qu’il avait en réserve.
 »Le pouvoir central » a voulu se débarrasser d’un Kamwina Nsapu fier de son pouvoir coutumier et refusant l’argent de corruption pour éviter de trahir son peuple afin d’en créer un de fantoche.
Au lieu de toucher à cet argent, il a choisi, contre vents et marées d’être au service de ses frères et sœurs et de protéger la terre de ses ancêtres. Kamwina Nsapu a voulu que son peuple mange la liberté et ait la diarrhée de la liberté.
Il est difficile de comprendre ce qu’il y a eu le 12 (ou le 13) août 2016 à Tshimbulu et à Kananga sans penser à ce qui se passe à Beni. L’organisation des populations congolaises à partir de la base par les pouvoirs coutumiers forts fait peur aux occupants et aux vassaux  »des pouvoirs modernes » dont les cœurs et les esprits sont mangés par les intérêts égoïstes au point de travailler à la vente des terres rurales et aux ressources minières du pays.
Ces mouvements politico-coutumiers de la base ont l’avantage de nommer les ennemis et les autres adversaires des populations congolaises, d’indiquer, en langues vernaculaires, les enjeux face auxquels le Congo-Kinshasa est placé, de chercher à unifier les masses populaires en marge de l’esprit partisan des partis politiques dénués de toute idéologie. Ils mobilisent les masses paysannes en les gardant attachées à leurs terres. Ils constituent un front contre le dépaysement, le déracinement, la désacculturation et la mondialisation marchande. Ils font peur. Ils risquent d’emboîter les pas de Mao mobilisant sa paysannerie pour la révolution chinoise.
Ces mouvements et leurs initiateurs ne meurent jamais. Kamwina Nsapu n’est pas mort. Il vit et vivra à jamais. Il se pourrait qu’il ait commis des erreurs d’appréciation dans la constitution de son mouvement. Agir, c’est aussi cela. C’est aussi être disposé à commettre des erreurs.
Kamwina Nsapu a cru que pour l’amour de sa terre et de son peuple, il était prêt à mourir. Il a servi une cause en refusant de se soumettre aux vassaux du Rwanda et de l’Ouganda, à l’Etat manqué dressé contre son peuple. Il rentre, malgré ses erreurs, dans le panthéon des Grands Chefs coutumiers du Kasaï Occidental. Comme Kalamba Mukenge, il a renoncé à l’argent corrupteur pour l’amour de son peuple. Kamwina Nsapu wakapidia mfranga, wakasungila bantu.
En 2006, une ONG néerlandaise nous avertissait que l’Etat manqué congolais infiltré était dressé contre le peuple du Congo. Les preuves s’accumulent. Les populations et leurs véritables élites organiques et structurantes sont trucidées au quotidien.
Mbelu Babanya Kabudi

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