Une transition politique de plus : Kengo, la légalité constitutionnelle

kengoWaDondo
*Pas de prime à une mauvaise foi manifeste

*Toute autre solution serait assimilée à un coup d’Etat constitutionnel

En 2016, la tenue d’élections relève d’un miracle. Le président de la Céni (Commission électorale nationale indépendante), Corneille Nangaa, n‘en fait plus un sujet tabou. Pour Edem Kodjo, facilitateur désigné de l’Union africaine au dialogue congolais, c’est le moment de s’activer pour la convocation de ce forum. Depuis mardi 23 août, le comité préparatoire au dialogue a installé ses pénates à Béatrice Hôtel. Pour l’instant, rien n’est encore résolu Il y a des étincelles en l’air.  Dans ce décor de crise, une transition politique de vient presqu’inéluctable. Puisque de part et d’autre, tous clament le respect de la Constitution, en cas d’une nouvelle transition, Léon Kengo, actuel président du Sénat, est revêtu de la légalité constitutionnelle pour ramener le peuple au troisième cycle électoral de la 3ème République. Le débat est lancé.

Le respect de la Constitution passe par la stricte observance de l’ensemble des dispositions qui la composent. En ce qui concerne la vacance à la tête de l’Etat, en cas d’« empêchement définitif» du chef de l‘Etat – ce qui pourrait probablement être le cas dès le 20 décembre 2016 – l’alinéa 3 de l’article 76 de la Constitution prévoit le mécanisme à actionner.

Au centre de cette disposition se trouve évidemment le présent du sénat, dont l’actuel s’appelle Léon Kengo wa Dondo. Autorité morale de l’Opposition républicaine, Léon Kengo a jeté le pavé dans la mare en rejetant depuis l’Occident la participation de sa plate-forme au comité préparatoire du dialogue convoqué mardi dernier par le facilitateur Edem Kodjo. Il a pris tout le monde de court.

En effet, personne ne s’attendait à ce que le président du Sénat prenne une telle tangente. Il a créé la surprise en désavouant la démarche de Kodjo. Selon lui, la convocation du comité préparatoire dénature le dialogue en lui enlevant son inclusivité. L’attitude de Léon Kengo se rapproche légèrement de la position maintes fois défendue par le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement.

Même si l’Opposition républicaine ne se réclame pas encore ou ne se reconnaît pas dans le Rassemblement que pilote Etienne Tshisekedi, la volte-face de Kengo est un coup dur pour les pro-dialogues. Dans différents cercles, on s’efforce d’en décrypter le sens. Mais, depuis toujours, Kengo a su surprendre. Out-sider, il est parvenu en 2006 à se hisser à la tête du Sénat. Après les concertations nationales de 2013, il a récidivé en plaçant, au nom de la cohésion nationale, ses pions au sein du gouvernement Matata 2. C’est dire que le président du Sénat sait doser ses gestes et planifier ses décisions politiques.

Dans l’éventualité d’une nouvelle transition – ce qui devient fort probable – Léon Kengo aura un rôle éminent à jouer. Son sort ne dépend pas forcément de lui. C’est la Constitution du 18 février 2006 qui en règle le mécanisme au travers des dispositions de l’article 76 de la Constitution.

Dans l’esprit de la Constitution, en cas de vacance à la présidence, dont la déclaration relève de la Cour constitutionnelle, c’est au président du Sénat de conduire la transition, avec pour grande priorité « l’élection du nouveau président de la République dans les conditions et les délais prévus par la Constitution ».

En retardant délibérément la tenue d’élections en 2016 dans les délais prévus dans la loi fondamentale, la Majorité présidentielle a, sans le savoir, planté le décor d’une transition dont le contrôle va lui échapper. Est pris qui croyait prendre. C’est le moins que l’on puisse dire.

Le dialogue étant une perte inutile de temps, l’organisation de la présidentielle, dans moins de quatre mois, étant techniquement quasi- impossible, la solution constitutionnelle passe donc par Kengo, actuel président du Sénat. Le contraire rentrerait en contradiction avec la Constitution. Kengo, président de la transition, cela n’énerve aucunement la Constitution.

La Majorité, qui jure par l’application jusqu’au bout de la Constitution, ne devait pas redouter pareil scénario. L’Opposition ne devait pas non plus s’en offusquer ; elle qui a toujours juré de se battre pour le respect de la Constitution. Or, le sort de la transition, à la lumière de l’article 76 de la Constitution, fait du président du Sénat l’acteur principal. C’est dire qu’aucune transition constitutionnellement correcte et légale ne peut se décider sans Kengo wa Dondo. Tout autre schéma serait une violation de la Constitution sur laquelle tous, Majorité-Opposition-Société civile, légitiment leur combat.

LE NOEUD GORDIEN

Veut-on réellement d’un apaisement pendant la période de fortes turbulences qui s’annonce ? C’est seulement au cas où le respect de la Constitution- résultat d’un compromis historique à Sun City, devrait être l’unique référence et la seule ligne rouge que nul ne peut se permettre de franchir.

Dans la situation actuelle de la République démocratique du Congo, le président Joseph Kabila est en position délicate vis-à-vis de la Constitution dans la mesure où la Céni s’est régulièrement plainte de ne recevoir du gouvernement qu’à dose homéopathique des financements pour l’organisation des élections. Il sera opposé, à l’heure du décompte cette charge au chef de l’Etat en sa qualité de garant constitutionnel du bon fonctionnement des institutions de la République. Et son aveu subtil consistant à suggérer que les élections coûtent plus cher que le développement trahit la profondeur de sa pensée.

La position actuelle du président Kabila s’apparente à celle d’un homme qui voudrait sauver sa peau en menaçant, essence et allumette en main, d’incendier la chaumière. Dans le cas d’espèce, c’est le fait de vouloir à tout prix pour- suivre la conduite des affaires de l’Etat alors que l’on s’approche de plus en plus du terminus fixé par la Constitution. Cet argument qui devra être développé lors du dialogue mettra en mal le chef de l’Etat. Il est fort probable qu’il lui soit appliqué la disposition d’un empêchement constitutionnel parce qu’il n’offre aucune garantie de respecter la loi fondamentale quant à l’obligation lui faite de quitter le pouvoir après deux mandats.

Cette éventualité ouvrirait la voie à la seule transition prévue par la Constitution de la RDC, celle qui vise l’organisation de la présidentielle par un président intérimaire – de droit le président du Sénat. Ce qui replace Léon Kengo au-devant de la scène politique. Si tous devaient se plier à la Constitution, la crédibilité de la transition dépendra aussi du rôle que jouera Léon Kengo. Or, contrairement à tous les acteurs – hormis le président Kabila qui part avec le handicap de l’article 220 de la Constitution – Kengo a une belle carte à jouer. Sans doute, il la jouera à fond.

L’Opposition, qui milite pour le respect strict de la Constitution depuis des mois, va-t-elle se dédire en adoptant ou en soutenant de schémas qui sortent de la ligne tracée par la Constitution ? En légaliste, l’Opposition va sans doute soutenir ce que stipule l’article 76 de la Constitution. Procéder autrement revient à consacrer un coup d’Etat contre la même Constitution que tout le monde continue à défendre.

Pendant ce laps de temps qui nous sépare de la date du 20 décembre 2016, date de la fin constitutionnelle du mandat du président Kabila, la tenue d’élections relève désormais du domaine de l’utopie. L’avenir politique se réglera par une nouvelle transition.

Le réalisme politique voudrait que la loi s’applique dans toute sa rigueur et dans toutes ses dispositions. Il faut s’en servir pour sortir du tunnel. Toute autre solution ne ferait qu’envenimer la situation, enfonçant davantage le pays dans une crise politique généralisée.

Edem Kodjo, conscient de cette situation, tente de précipiter la tenue du dialogue pour éviter le spectre du 19 décembre 2016. Mais, le dialogue tel que conçu par le Togolais n’est pas à même de résoudre le problème. En excluant délibérément du débat la frange la plus importante de l’opposition, Kodjo a presque dévalué son dialogue. C’est désormais une coquille vide ; une belle réplique des concertations nationales de 2013.

Edem Kodjo est un danger pour la paix en RDC puisqu’il complique l’équation dialogue en jouant visiblement le rôle d’accompagnateur de la Majorité au pouvoir dans sa marche vers la violation de la Constitution. Les imperfections du facilitateur se comptent en nombre. Il venait encore d’en administrer la preuve, en cautionnant les libérations fantaisistes des prisonniers politiques et d’opinion, tout comme en faisant fi, et avec arrogance et défis, que le soutien des ambassadeurs étrangers lui était suffisant pour poursuivre sa mission.

La communauté internationale, qui a consenti d’énormes sacrifices, serait-elle prête à casser l’édifice en sautant dans le vide avec Edem Kodjo? Son parachute saura-t-il le tenir en temps de fortes turbulences comme c’est le cas actuellement ? C’est une question de choix. Et le bon s’impose pour éviter une implosion qui serait fatale pour l’ensemble de la région des Grands Lacs.

REVOICI LA 3ème VOIE

Dans le décor de crise qui se met en place, la carte Kengo est celle de la légalité constitutionnelle. C’est autant un test pour la Majorité que l’Opposition. Or, au terme de cette Constitution, aucun schéma de transition ne peut être envisagé sans Kengo.

En RDC, l’histoire a tendance à se répéter. Dans les années 1990, à l’époque d’enlisement des résolutions de la Conférence. nationale souveraine, c’est Kengo qui est venu débloquer la machine. En 2016, au moment où le dialogue s’essouffle, c’est encore lui qui pourrait être la clé de l’énigme. Il part avec un grand avantage à la lumière de l’article 76 de la Constitution. Bref, revoici la 3ème voie.

Le POTENTIEL

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