L’UE TRANCHE : « LE SEUL MOYEN D’ASSURER LA STABILITÉ EN RDC, C’EST D’ASSURER UNE TRANSITION DÉMOCRATIQUE »

 Écrit par LP

De Bruxelles à Washington, la situation incertaine de la République démocratique du Congo est suivie de très près. Mardi dernier, le congrès américain a été à l’écoute de Tom Perriello, envoyé spécial des Etats-Unis dans la région des Grands Lacs, avant de se prononcer sur d’éventuelles sanctions à l’encontre de principaux ténors du pouvoir. Hier jeudi, c’était le tour de l’Union européenne (UE) de se pencher sur le cas de la RDC.

Autant à Bruxelles qu’à Washington, on est d’avis que l’accord politique du 18 octobre 2016 n’a pas résolu le problème. Les Etats-Unis et l’UE partagent pleinement ce point de vue.

Par conséquent, Bruxelles estime que cet accord ne peut pas servir de cadre de référence pour une sortie de crise en RDC. « Le seul moyen, se dit-on à Bruxelles, d’assurer la stabilité en RDC c’est d’assurer, pour la première fois dans son histoire, une transition démocratique ». C’est la position clairement affichée, hier jeudi à Bruxelles, par la vice-présidente de la Commission européenne et Haute représentante de l’UE, Federica Mogherini.

Selon la diplomate européenne, « une confirmation sans ambiguïté venant du Président Kabila – qu’il respectera la limite des mandats et que la Constitution actuelle restera en vigueur pendant la période transitoire et sans amendement – contribuera beaucoup à apaiser la situation ». Et de poursuivre en ces termes : « Déroger aux délais constitutionnels – même si techniquement désormais inévitable – n’est envisageable que sur base d’un accord véritablement inclusif, qui puisse assurer une période de transition pacifique et aussi courte que possible ». « C’est pourquoi l’Union européenne, précise-t-elle, a soutenu un cadre de dialogue, facilité par l’Union Africaine ». « L’accord politique qui en est sorti le 18 octobre risque cependant de ne pas satisfaire ces attentes », note le chef de la diplomatie de l’UE.

L’accord politique sorti du dialogue en sens unique de la cité de l’Union africaine ayant montré ses limites, l’UE place tout son espoir sur la médiation que mène actuellement la Cenco (Conférence épiscopale nationale du Congo). « Nous continuerons à soutenir pleinement les efforts par la Conférence des évêques du Congo, pour rendre l’accord politique plus robuste et plus inclusif », confirme Federica Mogherini.

Le risque de violence à l’échéance du 19 décembre étant « important, surtout après la répression sanglante du 19 et 20 septembre, qui a laissé dans les rues de Kinshasa plus de 50 morts », L’UE appelle « à la fois le gouvernement et l’opposition à coopérer constructivement » pour sortir le plus rapidement possible de l’impasse.

Ci-dessous, la déclaration faite, hier jeudi, à Bruxelles, par Federica Mogherini, vice-présidente de la Commission et chef de la  diplomatie européenne.

Déclaration de la Vice-présidente de la Commission et haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, Federica Mogherini sur la situation en RDC

M. Le Président,

Le Parlement européen s’est penché deux fois déjà en 2016 sur la situation critique en République démocratique du Congo, avec les résolutions de mars et de juillet. Le Conseil pour sa part a déjà adopté, en cette même année, deux conclusions. La RDC sera encore à l’agenda du Conseil des « affaires étrangères » du 12 décembre.

Il s’agit d’un pays énorme, aux défis gigantesques. Au même temps, son potentiel est immense – pour les ressources naturelles, bien sûr, mais encore plus pour le potentiel humain, la créativité culturelle.

L’Union européenne a manifesté depuis de nombreuses années sa solidarité avec les populations de l’Est du pays. Nous engageons notre aide humanitaire pour le million et demi de personnes déplacées, pour les réfugiés, les femmes victimes de violence sexuelle utilisée comme arme de guerre. Cela se produit par le biais de plus de vingt partenaires humanitaires, qui ont investi presque €40 millions en 2016.

Nous œuvrons aussi pour trouver des solutions aux causes profondes des conflits, non seulement à travers la future réglementation européenne sur les minerais liés aux conflits, mais aussi par l’appui au processus de Kimberley pour la transparence dans l’exploitation des diamants, et par l’appui à l’Initiative de la conférence régionale des pays des Grands lacs contre l’exploitation illégale des ressources naturelles.

L’Union européenne est aussi engagée dans la lutte contre l’impunité dans l’Est du Congo. Nous soutenons le travail de la MONUSCO, et du Haut-commissaire des Nations-unies aux droits de l’homme. Je tiens aussi à rappeler l’importance pour la gouvernance du pays de nos missions PSDC, désormais parachevées dans les domaines de la police et de l’armée: EuPol et EuSec.

J’ai voulu souligner cet engagement en RDC, même si la situation politique nous a amené à revoir les priorités de notre partenariat. Aujourd’hui le seul moyen d’assurer la stabilité en RDC c’est d’assurer, pour la première fois dans son histoire, une transition démocratique.

Une confirmation sans ambiguïté venant du Président Kabila – qu’il respectera la limite des mandats et que la Constitution actuelle restera en vigueur pendant la période transitoire et sans amendement – contribuera beaucoup à apaiser la situation.

Déroger aux délais constitutionnels – même si techniquement désormais inévitable – n’est envisageable que sur base d’un accord véritablement inclusif, qui puisse assurer une période de transition pacifique et aussi courte que possible. C’est pourquoi l’Union européenne a soutenu un cadre de dialogue, facilité par l’Union Africaine.

L’accord politique qui en est sorti le 18 octobre risque cependant de ne pas satisfaire ces attentes. Le risque de violence à l’échéance du 19 décembre est important, surtout après la répression sanglante du 19 et 20 septembre, qui a laissé dans les rues de Kinshasa plus de 50 morts. Un rapport du bureau des Nations unies pour les droits de l’homme signale clairement les responsabilités de l’appareil  sécuritaire de l’état.

Nous avions demandé avec d’autres partenaires internationaux une enquête indépendante sur ces évènements. Depuis les conclusions du Conseil du 23 mai et du 17 octobre – d’ailleurs en ligne avec la résolution du Parlement du 10 mars –, l’Union européenne a rappelé la responsabilité individuelle des responsables des institutions chargées de la justice et de la sécurité à agir dans le strict respect de l’Etat de droit et des droits de l’Homme.

Malheureusement la répression d’opposants et de membres de la société civile, incluant des  arrestations largement injustifiées, la fermeture ou le brouillage des émissions radios, y compris de RFI, ont continués dans les dernières semaines.

Dans les jours qui suivent le Conseil annoncera sa décision sur les premières mesures restrictives.

Mais notre action n’en restera pas là.

* D’abord, nous continuerons à soutenir pleinement les efforts par la Conférence des évêques du Congo, pour rendre l’accord politique plus robuste et plus inclusif. Nous appelons à la fois le gouvernement et l’opposition à coopérer constructivement dans ce sens.

* Ensuite, l’Union européenne lance un appel clair au nouveau gouvernement à respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales, et à assurer une sécurité sans répression.

* L’Union européenne s’engage également, avec ses partenaires, à œuvrer pour que le cycle électoral, et en particulier la Commission électorale, soit renforcé. Une Commission électorale qui ne jouit ni de la confiance des acteurs congolais, ni de celle de ses partenaires, ne pourra pas remplir son rôle. Uniquement dans un pareil contexte et sur base d’un accord réellement inclusif, l’UE pourra considérer un soutien financier aux élections.

* L’Union européenne va poursuivre une concertation étroite avec la région, l’Union Africaine et les voisins de la RDC. Je me suis entretenue avec plusieurs de ses représentants récemment. Je sais qu’ils partagent la même inquiétude et le même objectif de voir une transition démocratique et pacifique.

•       Enfin, le rôle du Conseil de sécurité de l’ONU et de la MONUSCO restera crucial. Nous encourageons le gouvernement à s’engager davantage dans une effective collaboration sur le terrain entre Forces armées de la RDC et MONUSCO.

         La République démocratique du Congo a sans doute un lien particulier avec l’Europe: c’est notre historie, c’est notre intérêt pour la stabilité de tout la région des Grands Lacs, ce sont les relations quotidiens entre nos peuples.

         Ce pays a connu une violence inouïe, qui ne peut pas être oubliée. Les enjeux sont trop élevés. Seule l’ouverture au dialogue et au compromis peut empêcher de nouvelles violences.

         Les gens de la RDC aspirent tout simplement à une opportunité pour s’impliquer dans le futur de leur pays. Seule une véritable démocratie peut répondre à cette demande.

         Et le futur de la République démocratique du Congo est le futur de toute la région, et d’un continent entier.

Bruxelles, Parlement européen, 1er décembre 2016

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