RDC : Ramazani et Mokonda inquiets de « la banalisation de la fonction parlementaire avec la nouvelle session extraordinaire du Sénat »

Écrit par Jay F. Kumwaf

Les sénateurs Raymond Ramazani Baya et Florentin Mokonda Bonza sont convaincus que la tenue, mardi 11 août 2015 à Kinshasa, d’une seconde session extraordinaire de la Chambre haute du parlement constitue « un fâcheux précédent à inscrire dans les annales parlementaires » de la République démocratique du Congo (RDC).
« Convoquer une nouvelle session extraordinaire constitue donc une entrave grave du Règlement intérieur. Cette convocation non seulement viole la loi, énerve la pratique parlementaire mais surtout ouvre la voie à la banalisation parlementaire suite à son usage immodéré de session extraordinaire », s’inquiètent-ils dans une correspondance adressée au Bureau du Sénat pour justifier leur absence à la séance plénière de mardi.
Les ténors influents de groupes politiques de l’Opposition au Sénat passent au crible « la répartition des sièges par circonscription électorale établie par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) qui est soumise comme annexe à la présente loi, à l’Assemblée nationale et au Sénat pour adoption ».
L’annexe aux élections municipales et locales « ne devrait pas faire l’objet d’une promulgation mais simplement d’une publication au Journal officiel », précisent les signataires de la lettre dont la copie a été reçue le même jour à Lepotentielonline.com.
Les présidents des deux groupes parlementaires des Chrétiens démocrates et alliés (CAD) et du Mouvement de Libération du Congo (MLC) et Alliés sont d’avis que « le pouvoir du Parlement ne consistait tout simplement qu’à contrôler et avaliser un document technique ».
Ils y évoquent l’audit externe du fichier électoral initié par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) qui a révélé de nombreuses et graves anomalies.
« Aujourd’hui, il y a un consensus national sur l’impératif d’enrôler les nouveaux majeurs », notent-ils, critiquant l’adoption précipitée des annexes, susceptibles de s’attirer le désaveu de la communauté internationale.
Ils plaident pour le respect absolu du système constitutionnel et politique congolais soucieux de doter la RD Congo des institutions harmonieuses, « afin d’éviter toute dérive dictatoriale ».
« La séparation des pouvoirs et le bicaméralisme parlementaire sont des options fondamentales du système constitutionnel et politique congolais soucieux de doter la Nation des institutions harmonieuses, afin d’éviter toute dérive dictatoriale », rappellent Mokonda Bonza et Ramazani Baya.
Les sénateurs de l’Opposition accusent, en des termes clairs, la Majorité au pouvoir d’ « avoir abusé de sa position dominante pour saborder la démocratie, sans décence républicaine et sans considération de l’éthique parlementaire » dans le pays.
« Les sénateurs n’ont aucune responsabilité en matière de +glissement+ d’autant plus que leur mandat est lié à l’organisation des élections provinciales et non à celle des élections municipales et locales », soulignent ces deux ténors influents de l’Opposition.
A leur avis, « il est déplorable que la position ou le vote d’une Chambre fasse l’objet d’un dénigrement, d’insinuations malveillantes et mensongères, de montages grossiers voire injurieux par des personnalités politiques censées représenter les institutions de la République ».
« C’est l’actuelle Chambre basse qui a suspendu le cycle électoral et postposé les élections provinciales devant conduire au renouvellement de la Chambre haute. C’est encore elle qui intervient exclusivement dans le processus de désignation des animateurs de la Ceni. C’est toujours auprès des honorables députés que cette institution indépendante, chargée d’assurer la régularité des processus électoraux, présente et fait avaliser ses feuilles de route, rapports, calendriers», explicitent-ils.
« Nous, Sénateurs membres des Groupes politiques – MLC/alliés et CDA -, tout en prenant acte du vote intervenu ce jour à la plénière du Sénat, estimons en toute modestie que la tenue de cette nouvelle session extraordinaire constituera désormais un fâcheux précédent à inscrire dans les annales parlementaires de la République démocratique du Congo », concluent Ramazani Baya et Mokonda Bonza.
La loi sur la répartition des sièges votée par 77 sénateurs
Les sénateurs ont voté mardi, à l’unanimité par appel nominal, le projet de loi portant répartition des sièges par circonscription électorale pour les élections municipales et locales, au cours d’une séance plénière de moins de 40 minutes, présidée par le speaker de la Chambre haute, Kengo wa Dondo.
« 77 sénateurs présents dans l’hémicycle ont approuvé par vote ce projet de loi alors qu’aucun n’a voté contre et aucun ne s’est abstenu. En conséquence, le Sénat vote le projet de loi sur la répartition des sièges. Par ce vote, nous venons d’épuiser l’ordre du jour de la session extraordinaire convoquée du 11 août au 09 septembre 2015», a annoncé le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo.
Le vote de ce projet de loi est intervenu en l’absence des sénateurs de l’opposition, qui ont pris la ferme décision de boycotter la séance plénière, convoquée par le président de la Chambre haute.
La lettre-rappel de Joseph Kabila
Le président du Sénat a, par ailleurs, cité les arguments pertinents avancés par le chef de l’Etat « pour le respect du calendrier électoral » dans une lettre de demande de convocation de la session extraordinaire de juillet 2015, adressée aux bureaux de l’Assemblée nationale et de la Chambre haute.
« Aux deux Chambres parlementaires revient l’adoption des Lois essentielles sans lesquelles le processus électoral connaitrait une impasse certaine. C’est le cas aujourd’hui de la Loi portant répartition des sièges par circonscription électorale pour les élections municipales et locales….

dont la non adoption dans les meilleurs délais pourrait avoir une conséquence préjudiciable sur le respect du calendrier électoral et l’enracinement de la décentralisation », a fait remarquer le président Joseph Kabila dans sa correspondance.
Kengo réfute les allégations de « vote retardé » de la loi
« Non, nous n’avons pas retardé ( le vote). Le jour du premier vote, tout le monde n’était pas dans la salle. Aujourd’hui, nous avons convié tout le monde. Tout le monde est là, voyez. A l’unanimité, 77 votants », a confié à la presse le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo à l’issue de la séance plénière.
Les sénateurs ont tenu ainsi à reformaliser la séance subséquente du 31 juillet 2015, qui a abouti au « rejet » de ce projet de loi, faute d’un quorum requis.
« Ce projet de loi n’a pas été rejeté par le Sénat. Il a été voté par le plus grand nombre des sénateurs présents le jour du vote », a rappelé Kengo wa Dondo dans son allocution d’ouverture de la nouvelle session extraordinaire, prononcée devant les sénateurs.
Il a expliqué que « le vote intervenu le 31 juillet dernier n’était pas suffisant pour permettre à la loi de franchir les portes du Sénat ».
« Ce vote insuffisant ne pouvant aucunement être interprété comme un vote négatif-bien au contraire comme un soutien politique- ce projet de loi ne peut rester sans conséquence », a précisé le président du Sénat.
Kengo wa Dondo a présenté l’opportunité de la nouvelle session extraordinaire comme « un cadre juridique offert à la majorité politique, qui se trouve derrière cette loi, afin qu’elle puisse s’exprimer sans ambigüité et sans remettre en cause la validité du vote du 31 juillet ».
« En même temps, la minorité réticente trouvera son compte à travers les améliorations que la Ceni a acceptées d’apporter à l’annexe accompagnant ce projet de loi », a noté le président du Sénat.
Le bureau du Sénat a déjà transmis « toutes ces préoccupations légitimes » des sénateurs au gouvernement et à la CENI, « qui y apporteront des corrections nécessaires ».
Ces préoccupations concernent notamment la non prise en compte des nouveaux majeurs dans le calcul du nombre d’électeurs, l’irrelevance de la théorie des «arriérés électoraux » autour des élections municipales, urbaines et locales jamais organisées et la problématique de la création des nouvelles villes et communes par décrets du Premier ministre.
De l’avis des experts avisés, « il sera plus facile à la RDC de reporter l’élection présidentielle fixée au 27 novembre 2016, sous un prétexte quelconque pour opérer le glissement du calendrier électoral envisagé par certains acteurs politiques ».
Ils rappellent que le calendrier électoral global a été publié le 12 février 2015 par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni).

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