Vidéo sur le massacre présumé des populations civiles au Kasaï: interpellée par une internaute, Cécile Kienge réagit via une tribune

cécile kienge

Interpellée sur le massacre présumé des populations civiles par l’armée au Kasaï par une femme via une vidéo, la députée européenne  Cécile Kienge a réagi ce jeudi 23 février en publiant la tribune ci-dessous.

Il faut dire que la vidéo dans laquelle une femme la supplie de faire quelque chose pour sauver les congolais des massacres à répétition, est devenue virale. Elle a été vue et partagée des milliers des fois. L’ex ministre du gouvernement italien ne pouvait donc rester insensible. Sa tribune ci-dessous.

La politique sert à faire mieux vivre, non à faire mourir

J’ai écouté avec attention le message vidéo de ma sœur congolaise, publiée sur Youtube et amplement relayée sur les réseaux sociaux. J’avoue que la douleur qui caractérise cette vidéo en a rajouté à celle que je ressens moi aussi, face à toutes les formes d’exaction qui sévissent en RDC.
L’amertume que les congolais et les congolaises de la Diaspora ressentent n’est sans doute que peu de chose en rapport à la souffrance charnelle que de nombreux citoyens congolais résidant au pays ont subi ces dernières années.

Depuis les meurtres en série de Béni qui durent depuis longtemps, jusqu’aux récentes apparitions des colporteurs de la mort comme l’effroyable Gédéon, l’environnement sécuritaire de la RDC s’est montré en rapide dégradation. Les derniers évènements générés dans les Kasaï, qui ont eu une réplique effrayante à Kinshasa, paraissent dès lors comme la conséquence logique d’un long faisceau d’actes criminels, dont on ne saurait en imaginer la récurrence dans un pays de Droit.

Ma sœur qui m’a si directement interpellée sera certainement honnête d’admettre que j’ai toujours dénoncé, sans aucun détour possible, non pas seulement des violences manifestes, mais aussi et assez souvent, les comportements ambiguës des responsables politiques. Leurs manquements, si ce ne sont leurs agissements, ont souvent servi de prétexte qui ont donné suite à des exactions les plus horribles. Haut et fort, en public ou en privé, au sein des institutions ou dans les arènes politiques externes, j’ai et je continuerai à prôner la philosophie de la non-violence que j’ai héritée de ma culture depuis ma tendre enfance. Doublé à cela, j’ai professé et pratiqué la culture de la véridicité politique ; celle-ci consiste à externaliser mes convictions sans maquillage, m’efforçant à ne jamais proclamer d’abstraites banalités.

Pour ce que nous réussissons à percevoir depuis les institutions européennes où nous travaillons, le Congo vit un moment politique particulièrement attristant. Cette période se distingue par d’étranges sensations d’imbroglio. La succession rapide des faits et des gestes politiques nous laisse assez souvent sur le carreau, en compagnie du peuple congolais. Le désarroi général s’est accentué ultérieurement, suite à la disparition inattendue du leader de l’Opposition, Etienne Tshisekedi, qui représentait un point d’ancrage dans l’instable échiquier politique. Il a cependant inspiré des générations de congolais avec sa première option de la non-violence. J’adhère à cette option ; j’en ai d’ailleurs fait la pierre angulaire de mes actions politiques.

Nous savons tous qu’hier comme aujourd’hui, la responsabilité holistique du pays est entre les mains du Président Joseph Kabila, que vous m’invitez à chasser, ou à défaut, à faire chasser. L’adoption du model totalitaire du gouvernement fait de lui le premier et le dernier responsable du bien et du mal qui courent.
Les fondateurs de la patrie et biens d’autres autorités morales du Congo, y compris le leader récemment disparu, nous ont laissé un enseignement ; celui d’apprendre à assumer notre souveraineté en première personne, contre toute forme de négation de nos droits et de notre dignité. Face à des actions ou à des omissions des autorités en place, qui se montrent incapables de protéger la vie des citoyens, le remède le plus efficace nous a été prescrit en des termes inéquivoques : « le peuple n’a qu’à se prendre en charge !».

C’est une leçon bien plus profonde que nous ne semblons pouvoir la comprendre à fond que grâce à un supplément de méditation. Nous, députés européens, avons signalé depuis longtemps, nous faisant prendre pour des amis des opposants congolais, le fait que l’illégitimité gouvernementale aurait ouvert la porte à plus d’illégitimité, de toutes les formes possibles, et que le peuple congolais aurait ainsi subi un ultérieur tort irréparable. C’était déjà cela, un rôle fort exceptionnel, que la fortune m’a octroyé et que je j’ai joué à fond, de concert avec mes paires parlementaires, sans prétendre aucune récompense si ce n’est l’achèvement du bien-être de tous les congolais.

Il est tout à fait certain que je continuerai, toute proportion gardée, à faire mon travail jusqu’au fond, pour cette finalité transcendantale. Mais, même en décuplant mes engagements, l’on pourrait aisément comprendre qu’ils resteront fort marginaux, s’il venait à leur manquer l’essentiel arrimage au mouvement d’ensemble. C’est dire que Maman Kyenge aurait exaucé les vœux qui lui sont adressés avec véhémence, comme si ce fut un impératif. Or, dans la logique de la prise en charge, il y a une entonnée que nous avons tous récité en cœur. Son caractère collectif (de masse) est fort à propos car il dit bel et bien « debout congolais ».

Cécile Kienge, députée européenne d’origine congolaise

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