RDC : Electeurs inscrits: la valse des chiffres

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RDC : Electeurs inscrits: la valse des chiffres

Par Marie-France Cros

Contrairement à ses promesses du début du mois dernier, le président de la Ceni (Commission électorale nationale indépendante), Corneille Nangaa, n’a pas annoncé de calendrier électoral pour la fin août. Pire: son annonce de cette semaine, selon laquelle la Ceni aurait enregistré 40,6 millions d’électeurs, soit « près de 98% » du corps électoral, suscite des remous. Selon Corneille Nangaa, il ne reste plus à procéder à l’enregistrement des électeurs qu’au Kasaï, où il débutera le « 4 septembre », après avoir été retardé par les violences qui y règnent depuis un an.

Explosion des électeurs au Sankuru

L’opposant Martin Fayulu s’est étonné que le Sankuru – province d’origine du porte-parole du gouvernement, Lambert Mende – ait vu le nombre de ses électeurs passer de 453 000 en 2006 (élections organisées sous la supervision de la communauté internationale) à 626 000 en 2011 (élections marquées par des fraudes massives et qui avaient été jugées non crédibles par les observateurs internationaux) pour atteindre, cette fois… 1 700 000 électeurs. Soit une augmentation de « 280% » souligne M. Fayulu et – en sachant qu’environ 44% de la population se fait enregistrer au Congo – une population totale du Sankuru qui se chiffrerait à environ 4 millions d’habitants, ce qui est « tout simplement impossible ».

Lambert Mende a justifié cette explosion du nombre d’électeurs au Sankuru en affirmant qu’en 2011 « il y avait eu des incidents qui ont fait qu’on avait bloqué l’enrôlement pendant, je crois, trois semaines. Et on n’a pas prolongé, ce qui fait que pratiquement la moitié des électeurs n’avait pas été enrôlés ».  Ce qui n’explique pas l’explosion des électeurs par rapport à 2006. Cette année-là, la population totale du Sankuru – région enclavée du centre du pays – atteignait 1,07 million de personnes.

En 2011, quand les élections avaient été marquées par des taux de participatation, au Katanga – alors favorable au président sortant Joseph Kabila – dépassant les … 100%, on avait noté dans ces circonscriptions enthousiastes « une augmentation du nombre d’inscrits allant de 38 à 52%, alors que l’augmentation moyenne du corps électoral était de 26% », note, pour La Libre Afrique, un spécialiste des élections congolaises.

L’Equateur plus peuplé que Kinshasa?

Dans les quatre provinces qui constituaient l’Equateur avant le démembrement de 2015, quelque 5 millions d’électeurs ont été enregistrés en 2017 – contre 4,5 millions seulement à Kinshasa, notoirement anti-Kabila. En 2006, le ministère congolais de l’Intérieur annonçait pour la ville de Kinshasa 8,5 millions d’habitants, contre 7 millions pour la grande province de l’Equateur. On sait que le nombre de Kinois s’est encore accru depuis lors, en raison de l’exode rural lié à la violence et au manque d’hôpitaux et d’écoles en province. En 2015, l’Institut national de la Statistique estimait que la capitale comptait quelque 3 millions d’habitants de plus que le grand Equateur.

Des démographes, interrogés par La Libre Afrique, rappellent que, sur base des chiffres de 2005-06, la population de 18 ans et plus en RDC devrait être de quelque 38 millions de personnes. Et, en supposant que, depuis lors, les Congolais aient connu une forte hausse de leur espérance de vie (58,5 ans pour les hommes et 61 ans pour les femmes) – ce qui est faux – ce chiffre atteindrait 40,2 millions d’électeurs.

En 2005-06, il y avait 25 millions d’électeurs congolais et en 2011 – quand les élections avaient connu de très nombreux « doublons » (personnes enregistrées deux fois, par erreur ou en vue de tricheries) – de 32 millions. Notre spécialiste des élections congolaises rappelle, pour La Libre Afrique, qu’ « une augmentation des chiffres justifie certains achats. Et que cet argent n’est pas perdu pour tout le monde ».

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