F. Tshisekedi persiste et signe : transition sans Joseph Kabila

Felix Tshisekedi, cadre de l’UDPS et membre du Rassemblement lors de travaux du dialogue national inclusif à Kinshasa, le 13/12/2016. Radio Okapi/Ph. John Bompengo

 

Felix Tshisekedi, cadre de l’UDPS et membre du Rassemblement lors de travaux du dialogue national inclusif à Kinshasa, le 13/12/2016. Radio Okapi/Ph. John Bompengo

En séjour aux Etats-Unis d’Amérique, dans le cadre d’un lobbying en
rapport avec la situation politique, sécuritaire, sociale et
économique qui prévaut en RDC, Félix Tshisekedi, président du
Rassemblement, était l’invité de l’Ecole de Hautes Etudes de
l’Université John Hopkins de Washington DC. Il a fait, à l’intention
du corps professoral, de la communauté estudiantine et d’autres
participants, un exposé magistral le lundi 25 septembre 2017.
Après avoir brossé un tableau sombre de l’environnement politique,
sécuritaire, social et économique, il a préconisé comme voie de sortie
de crise une transition sans l’actuel Chef de l’Etat.

Mesdames et Messieurs les Professeurs,
Distingués Membres du Corps Académique,
Distingués Etudiants et Invités,
Mesdames et Messieurs,
C’est pour moi un honneur et un réel plaisir de me retrouver avec vous
ce jour dans ce cadre prestigieux de l’Ecole de Hautes Etudes en
Relations Internationales de l’Université John Hopkins à Washington
DC.
En effet, après avoir parcouru la liste des illustres personnalités
ayant déjà défilé sur cette tribune, notamment des Chefs d’Etat, des
Membres de Gouvernement, des Diplomates ainsi que tous les autres
leaders du monde, y compris notre feu Président Dr. Etienne Tshisekedi
Wa Mulumba d’heureuse mémoire et qui nous a quittés, pendant que la
Nation Congolaise avait encore besoin de lui, je suis honoré de
partager avec vous mon analyse et ma vision sur les enjeux du moment
et la crise politique que traverse mon pays, la République
Démocratique du Congo.
Je voudrais avant toute chose exprimer ma gratitude à toute l’équipe
de l’Ecole des Hautes Etudes en Relations Internationales de
l’Université John Hopkins, plus particulièrement le Professeur Peter
Lewis, Doyen de l’Ecole, le Professeur Paul Lubeck, Directeur du
programme des Etudes Africaines, et Madame Allison Janos,
Coordinatrice Académique du programme d’études Afrique et Moyen-Orient
ainsi que Monsieur Mvemba Dizolele, Chargé d’Enseignement, qui n’ont
ménagé aucun effort pour rendre possible cet évènement. Merci pour
votre disponibilité et pour l’honneur qui m’est réservé ce jour.
En guise d’introduction, il sied de souligner que ma présentation
s’articule autour de 4 points majeurs :
1. Une brève présentation de la République démocratique du Congo en chiffres
2. Un pays à la croisée des chemins
3. L’impasse politique actuelle
4. Notre feuille de route pour la tenue d’élections libres et apaisées

Mesdames et Messieurs,
Distingués Invités,
Ma présence devant ce parterre d’experts et d’étudiants que vous
représentez est également une opportunité pour échanger, écouter vos
réflexions, vos analyses, vos critiques, vos conseils et pourquoi pas
vos recommandations quant aux voies et moyens de sortir de l’impasse
politique actuelle en RDC.
C’est pourquoi je vous rassure également de ma disponibilité à vous
écouter et à répondre aux éventuelles questions qui vous demeureraient
à l’issue de mon intervention.

1. LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO EN CHIFFRES
– Avec une superficie de 2.345.410 km2, la RDC est le pays le plus
vaste de l’Afrique Subsaharienne ; située en Afrique centrale, elle
partage ses frontières avec 9 pays ; elle représente à elle seule
presque la superficie de l’Union Européenne ;
– Elle compte une population d’environ 80 millions d’habitants, dont
près de 46% ont moins de 15 ans; trois pays seulement en Afrique sont
plus peuplés : Le Nigeria, l’Ethiopie et l’Egypte ; avec un taux de
croissance démographique annuelle de 2.8%, la RDC deviendra le 11ème
pays le plus peuplé du monde à l’horizon 2050 ;
– Le pays est reconnu pour l’importance de ses ressources minières,
plus de 1.100 espèces de ressources minérales dont les plus en vue
sont le cuivre, le cobalt avec 47% de réserves mondiales, le zinc,
l’or, le diamant, l’uranium, le pétrole, le coltan (colombo-tantalite)
si demandé par les constructeurs d’appareils électroniques modernes et
dont 70% de réserves mondiales se retrouvent en RDC ;
– La RDC a un potentiel hydroélectrique de 100.000 Mégawatts qui
pourraient alimenter tout le continent Africain ; elle n’exploite à ce
jour que 2.400 Mégawatts de ce potentiel ;
– La forêt tropicale du Bassin du Congo est un réservoir unique de
biodiversité. Elle constitue la deuxième plus vaste réserve de la
forêt tropicale de la planète après l’Amazonie. Elle joue également un
rôle vital dans le contrôle du changement climatique. En République
Démocratique du Congo (RDC), la forêt couvre 60% du territoire et
stocke plus de 8 pour cent du carbone mondial, ce qui en fait le
quatrième plus grand réservoir de carbone forestier du monde ;
– Le pays regorge de 80 millions d’hectares des terres arables dont à
peine 10% sont exploitées à ce jour ; 52% des ressources en eaux
douces de l’Afrique Subsaharienne se retrouvent également en RDC, avec
un climat tropical propice aux activités agricoles et halieutiques
pendant toute l’année.
Devant ce tableau plutôt positif que je viens de peindre, vous serez
surpris d’apprendre que, malgré toutes ces richesses dont le pays est
doté, la population ne tire guère profit de cette manne du fait des
défaillances de gouvernance et d’un système qui inhibe son propre
développement.
C’est ainsi que le Programme des Nations Unies pour le Développement
(PNUD) place la RDC dans la 176eme position sur un total de 188 pays
dans son indice de développement humain, avec un revenu par habitant
parmi les plus faibles du monde – en avant dernière position.
L’Indice de Perception de la Corruption mesuré par Transparency
International place la RDC, avec un indice de 22, à la 39eme position
sur les 46 pays Africains répertoriés, la moyenne de l’Afrique
Subsaharienne étant de 33.
La corruption a atteint des proportions telles que le Trésor Public
enregistre des pertes qui rendent difficiles le devoir du Gouvernement
vis-à-vis des citoyens en matières de santé, d’éducation et de
création d’emplois. C’est un cercle privé d’amis de M. Kabila qui tire
exclusivement profit des ressources du pays et les systèmes de
contrôle mis en place sont rendus inefficaces ou font l’objet
d’intimidations, sans compter les verdicts de justice qui ne
connaissent guère un début d’exécution.
Dans son plus récent Rapport «Doing Business» sur le climat des
Affaires, la Banque Mondiale place la RDC en 186eme position sur 190
pays couverts.
Point n’est besoin de rappeler que dans un système qui se dit
démocratique, les tares de restrictions de liberté, l’absence de
contrôle et de contrepoids effectifs, la corruption, le désordre
entretenu, la terreur, le pillage des ressources ne peuvent
qu’enfreindre la trajectoire du développement du pays.
Apres cette brève présentation de la RDC en chiffres, je voudrais à
présent expliquer pourquoi le pays se trouve à la croisée des chemins.

2. UN PAYS A LA CROISEE DES CHEMINS
Il sied de rappeler que monsieur Joseph Kabila est au pouvoir depuis
Janvier 2001, soit plus de 16 ans, équivalents à quatre mandats de
Président américain. Pourtant, c’est à la suite d’une crise politique
résultant d’un conflit qui avait drainé plusieurs pays de la région
qu’un compromis politique avait été négocié en 2003 pour mettre fin à
la guerre qui a causé plus de 5 millions de morts.
Une Constitution a été alors préparée et soumise au referendum les 18
et 19 Décembre 2005. La population l’a adoptée à plus de 72%. Elle a
été par la suite promulguée par Monsieur Kabila le 18 Février 2006.
Au terme de cette Constitution, le mandat du Président de la
République est de 5 ans et renouvelable une seule fois, comme ici aux
Etats Unis. Cette disposition est par ailleurs verrouillée dans la
Constitution et ne peut faire l’objet d’une révision.
Le pays a par la suite organisé des élections en 2006 et Monsieur
Kabila a ainsi débuté son premier mandat de 5 ans. A l’issue
d’élections organisées au terme de ce mandat et entachées de plusieurs
irrégularités, Monsieur Kabila s’est arrogé un second et dernier
mandat en 2011. Ce mandat a expiré le 19 Décembre 2016.
Défiant le Peuple congolais et la Communauté Internationale, Monsieur
Joseph KABILA a fait usage de plusieurs subterfuges pour que les
élections censées consacrer la fin de ses deux mandats et qui devaient
se tenir en 2016 ne puissent avoir lieu, évoquant tantôt le manque de
ressources pour son organisation – soit plus d’un milliard et demi de
dollars, tantôt le préalable d’un recensement de la population ou
encore comme le 18 Septembre dernier – dans une tribune publiée sur le
journal The Hill à Washington DC – par la plume de son Envoyé Spécial
aux Etats Unis, la recherche de la perfection pour réussir ces
élections cruciales.
Sur terrain, on note que des bonnes volontés – que ce soit au niveau
de la Communauté Internationale que nous remercions ou au niveau
interne, tels que les bons offices offerts par la Conférence
Episcopale Nationale du Congo dont les évêques ont assuré la médiation
de l’Accord dit de la Saint Sylvestre – qui se sont offertes pour une
sortie de crise ont vu leur démarche travestie ou tournée en avantage
politicien nocif.
Tout est cependant mis en oeuvre par Monsieur Joseph Kabila pour
créer et entretenir notamment l’insécurité en vue de justifier le
blocage du processus démocratique.
Il est aujourd’hui regrettable de noter que tout effort qui concourt
à asseoir une démarche constructive pour placer ce pays sur l’orbite
de la paix, de la stabilité et du développement durable au profit de
tous est systématiquement torpillé par Monsieur Joseph Kabila.

3. L’IMPASSE POLITIQUE ACTUELLE
Le 31 décembre 2016, sous la médiation de la Conférence Episcopale
Nationale du Congo (CENCO) de l’Eglise Catholique, un Accord politique
global et inclusif, appelé Accord de la Saint Sylvestre, a été conclu
par la classe politique congolaise afin d’éviter le chaos qui aurait
pu résulter d’une contestation des institutions de la République.
Au terme dudit Accord, un consensus était dégagé entre les parties
prenantes pour une gestion partagée et équilibrée du processus devant
conduire à l’organisation des élections.
A cet effet, un délai supplémentaire de 12 mois était accordé à
Monsieur Kabila dont le deuxième et dernier mandat avait expiré le 19
Décembre 2016.
L’Accord stipule en outre que l’Opposition politique portée par le
Rassemblement des Forces Politiques et Sociales Acquises au changement
désignera le Premier Ministre appelé à diriger le Gouvernement.
Appuyé par la Résolution 2348 du Conseil de Sécurité du 31 Mars de
cette année, cet Accord a rencontré l’assentiment de la population
congolaise et de la Communauté Internationale.
En dépit de différentes résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU
renforçant le processus, malgré l’insistance de la communauté
internationale à obtenir sans délai l’application dudit Accord, Mr
Joseph KABILA, à qui l’on a accordé la chance d’une sortie honorable,
n’a appliqué aucune de ses dispositions ; bien au contraire, il s’est
livré à une application fallacieuse de cet accord.
D’où l’impasse dans laquelle nous nous retrouvons.

Mesdames et Messieurs,
Distingués Invités,
On en arrive ainsi à se poser la question suivante :
QUELLE EST LA FEUILLE DE ROUTE CREDIBLE POUR EVITER A LA RDC DE
SOMBRER DANS LE CHAOS AVEC DES REPERCUSSSIONS AUX CONSEQUENCES
IMPREVISIBLES DANS LA SOUS-REGION ET AU DELA ?
Dans sa politique de la terre brulée, Kabila cherche constamment à
persuader l’opinion publique qu’il est le seul maitre du jeu.
En ma qualité de Président du Rassemblement des forces acquises au
Changement, je peux vous rassurer que Kabila est le problème et non la
solution.

4. NOTRE FEUILLE DE ROUTE POUR UNE SORTIE DE CRISE
Depuis quelques temps, Monsieur Joseph Kabila et ses partisans, y
compris la Commission Electorale Nationale Indépendante, qui a
totalement perdu de son indépendance, distillent divers signaux pour
mettre en doute l’organisation des élections présidentielles, et
législatives à l’échéance convenue du 31 Décembre 2017 et tentent
d’accréditer la thèse d’un report additionnel des échéances
électorales.
Seule l’alternance politique par voie des élections libres,
transparentes et crédibles peut garantir la paix et la stabilité
auxquelles les Congolais aspirent. C’est cet élément de légitimité et
de confiance qui permet de créer un climat propice aux
investissements.
C’est pourquoi j’ai, en compagnie de quelques leaders politiques dont
Monsieur Moise Katumbi et ceux de mouvements citoyens, signé à New
York le 18 septembre dernier, une déclaration politique à l’intention
des représentants des peuples réunis au sein de l’Assemblée générale
de l’ONU, – qui rappelle par ailleurs les points saillants de la
feuille de route du Rassemblement et du Manifeste du Citoyen élaboré
par la Société Civile Congolaise dans les termes suivants :
1. Par sa responsabilité dans le non-respect de la Constitution et sa
mauvaise foi dans la mise en oeuvre de l’Accord du 31 décembre 2016 en
vue de se maintenir coûte que coûte au pouvoir, Mr Joseph Kabila s’est
disqualifié en tant que Président de la République et cesse d’être un
interlocuteur valable et crédible.
2. Pour prévenir le vide juridique et le chaos qui se profilent à
l’horizon devant la perspective de la non-tenue des élections le 31
décembre 2017 au plus tard, nous exigeons une période intérimaire sans
Mr Joseph Kabila, désormais illégal et illégitime. Cette période devra
être conduite par des personnalités éminentes consensuelles chargées
de préparer les élections démocratiques, libres, transparentes et
paisibles qui ne sont pas possibles ni avec Mr Kabila, ni avec la
Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) dans sa
configuration actuelle.
3. Notre peuple reste attaché à sa Constitution et rejetera par tous
les moyens pacifiques tout projet de calendrier électoral qui ne
serait pas conforme à l’Accord du 31 décembre 2016, et tout projet de
référendum constitutionnel tendant à déverrouiller les dispositions
intangibles de la Constitution relatives au nombre et à la durée du
mandat du Président de la République à travers l’inféodation de la
Cour constitutionnelle. Car, le peuple congolais, comme tous les
autres peuples du monde, a un droit inaliénable à la démocratie, au
développement et à la paix. L’article 64 de notre Constitution impose
à tout Congolais le devoir de faire échec à tout individu ou groupe
d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en
violation des dispositions de la Constitution.

4. Tout en les remerciant pour leurs efforts, notamment à travers la
Résolution 2348 du 31 Mars 2017, nous demandons aux membres de la
communauté internationale, spécialement à ceux du Conseil de Sécurité
qui portent la principale responsabilité dans le maintien et la
sauvegarde de la paix et de la sécurité internationales, de s’assumer
pleinement au regard de la détérioration constante de la situation en
République Démocratique du Congo, en vertu des pouvoirs que leur
confère le Chapitre VII de la Charte de l’ONU.

Mesdames et Messieurs les Professeurs,
Distingués Membres du Corps Académique,
Distingués Etudiants et Invités,
Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie de l’attention que vous m’avez accordée. Je me tiens
à votre disposition pour écouter vos avis et répondre aux questions.
Washington DC, le 25 Septembre 2017

FELIX ANTOINE
TSHISEKEDI

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