RDC : quand Kinshasa paie une entreprise israélienne pour se faire représenter à Washington

Selon plusieurs documents mis en ligne par le ministère américain de la Justice et que Jeune Afrique a pu consulter, Kinshasa se serait offert les services d’une société basée en Israël pour représenter la RDC à Washington de décembre 2016 à décembre 2017. Le tout pour 5,5 millions de dollars. Ces documents soulèvent aussi plusieurs questions.

1. Pourquoi Mer Security and Communication Systems ?

Selon les sept documents officiels rendus publics par le ministère américain de la Justice le 28 avril, la société à laquelle a fait appel le gouvernement congolais pour le « représenter à Washington » serait basée à Holon (Tel-Aviv, Israël). Il s’agit de Mer Security and Communication Systems, et son contrat avec Kinshasa court du 8 décembre 2016 au 31 décembre 2017.
Montant de ses honoraires : 5 575 000 dollars, soit près de 5,1 millions d’euros, pour 12 mois de lobbying donc, comme le renseigne l’annexe de la déclaration d’enregistrement du contrat auprès du ministère américain de la Justice présentée ci-dessous (voir page 3, point n°7).
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Pourquoi Kinshasa a-t-il choisi ce groupe israélien dont le lobbying ne semble pas être l’activité principale ? Sur son site internet, Mer Security and Communication Systems se définit en effet comme « un intégrateur de systèmes de premier plan fournissant des projets clés en main de sécurité et de communication ». Le dealimpliquerait-il aussi ces domaines ?
Contactée par Jeune Afrique, une source diplomatique congolaise aux États-Unis laisse en tout cas entendre que la nationalité de Mer Security and Communication Systems ne serait pas étrangère au choix porté par le gouvernement congolais sur le groupe, compte tenu des rapports traditionnellement cordiaux entretenus par Washington et Tel-Aviv. « Mais la question est : à quoi sert l’ambassade de la RDC aux États-Unis ? » lâche notre source, blasée, au bout du fil.

2. Quand l’accord a-t-il été conclu et pourquoi ?

À Kinshasa, le sujet paraît tabou. Trop peu d’officiels osent le commenter. Impossible de joindre Léonard She Okitundu, le chef de la diplomatie congolaise, actuellement en séjour de travail dans la région des Grands Lacs.
En conséquence, la date exacte du deal conclu entre le gouvernement congolais et Mer Security and Communication Systems demeure un mystère. « Le contrat remonterait au lendemain de l’élection de Donald Trump », croit savoir un membre du corps diplomatique congolais qui a requis l’anonymat. « Il s’agissait pour le président Joseph Kabila d’anticiper les actions, pour que la nouvelle administration américaine ne poursuive pas la politique des sanctions contre son entourage », poursuit-il.
Selon les termes de l’accord conclu, Mer Security and Communication Systems s’engage notamment à « conseiller le gouvernement congolais sur les enjeux de la politique américaine en matière de sécurité africaine ». Pour y parvenir, le groupe embauche des sous-traitants et des consultants, à l’instar d’Adnan Jalil, impliqué dans la campagne électorale de Donald Trump. Coût de ses services : 225 000 dollars.
Sur des questions stratégiques bilatérales, Mer Security and Communication Systems va aussi « conseiller l’envoyé spécial de la RDC aux États-Unis ». Poste qui serait déjà occupé par Raymond Tshibanda, ancien ministre congolais des Affaires étrangères, selon le document. C’est d’ailleurs Mer Security and Communication Systems qui s’occupera de l’organisation du voyage de ce dernier en juin prochain à Washington, peut-on encore lire.

3. Depuis quand Raymond Tshibanda est-il « envoyé spécial aux États-Unis » ?

« Ce type de nomination est rarement publié », avance un cadre de la Majorité présidentielle (MP). Cela ne dissipe cependant pas le mystère qui plane autour de ce poste nouvellement créé.
D’autant que Raymond Tshibanda qui engage le gouvernement congolais dans cet accord, en sa qualité d’ « envoyé spécial aux États-Unis », était encore, le 8 décembre, ministre des Affaires étrangères lorsque ledit contrat a commencé à prendre effet. A-t-il cumulé les deux fonctions à l’époque ? Toutes nos tentatives pour joindre l’intéressé ont échoué.
« Le chef de l’État peut confier à l’un de ses collaborateurs une mission spécifique dans un contexte donné », estime pour sa part Séraphin Ngwej, ambassadeur itinérant du président Kabila, balayant d’un revers de main les autres questions sans réponses. Elles feraient partie, selon lui, d’une « machine de campagne d’intoxication » contre le régime de Kinshasa.
Vraiment ? Toujours est-il que selon les documents du ministère américain de la Justice, ces quatre derniers mois, le gouvernement congolais a déjà déboursé 4,5 millions de dollars au profit de Mer Security and Communication Systems.
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