RDC : « Le scandale Moreno Ocampo nous donne raison », dit Eve Bazaïba

La libre Afrique

RDC : « Le scandale Moreno Ocampo nous donne raison », dit Eve Bazaïba

Par Marie-France Cros

Les révélations d’une enquête de presse internationale, sur base de 40.000 documents parvenus au site d’information français Mediapart, ont montré le premier procureur (2003-2012) de la Cour pénale internationale (CPI), l’Argentin Luis Moreno Ocampo , sous un jour peu favorable. Eve Bazaïba, « numero deux » du MLC de Jean-Pierre Bemba – condamné par la CPI –  a déclaré à La Libre Afrique, que ces révélations « confirment nos allégations selon lesquelles le procureur Moreno Ocampo a été poussé à poursuivre Bemba ».

Les révélations distillées jusqu’ici sur Luis Moreno Ocampo ne concernent pas Jean-Pierre Bemba, condamné le 21 juin 2016 à 18 ans de prison comme responsable des crimes de guerre et contre l’humanité commis par ses troupes en Centrafrique, où elles avaient été envoyées à la demande du président centrafricain de l’époque, Ange Patassé. Mais elles montrent un procureur intéressé par l’argent, d’une éthique douteuse et voyant la CPI comme le bras judiciaire du Conseil de sécurité de l’Onu plutôt que comme la cour de justice indépendante qu’elle est supposée être.

Bemba, seul poursuivi

« Le procureur Moreno Ocampo n’a jamais instruit à charge et à décharge contre Bemba, comme il devait le faire. Il a été sélectif et discriminatoire », argumente Eve Bazaïba, interviewée à Bruxelles par La Libre Afrique. La secrétaire générale du Mouvement de libération du Congo (MLC), qui est avocate de profession, explique: « Il y avait une guerre entre (le  président centrafricain Ange) Patassé et (le chef de son armée, qui voulait le renverser, le général) Bozizé. Bemba est venu en appui du Président mais il a été le seul poursuivi par la CPI. Les deux principaux protagonistes ne l’ont pas été – ils n’ont même pas été appelés comme témoins! – ni les autres alliés de ces messieurs. Seulement Jean-Pierre Bemba ».

Plus récemment, poursuit Eve Bazaïba, « on n’a pas non plus traîné devant la CPI le général Babacar Gueye, dont les casques bleus ont commis des crimes en Centrafrique; il a simplement été limogé. Parmi ces casques bleus, il y avait des Congolais; on n’a pas non plus poursuivi leur commandant en chef, Joseph Kabila, qui n’a pas empêché les crimes qu’ils ont commis ».

Pour elle, c’est clair: Jean-Pierre Bemba a été poursuivi par la CPI afin de l’écarter de la scène politique congolaise, où il faisait de l’ombre à Joseph Kabila.

Bemba a fait appel

Elle rappelle que « le procureur l’a d’abord poursuivi pour sa responsabilité individuelle » dans les exactions commises. « Ce sont les juges qui ont demandé à Moreno Ocampo de requalifier les faits parce qu’il n’y avait aucune preuve que Bemba ait été en Centrafrique durant la période incriminée. Et, jusqu’ici, le procureur n’a jamais prouvé que Bemba avait le contrôle effectif sur ses troupes ». « Il n’a jamais prouvé qu’il savait que ses troupes allaient commettre des exactions; or le jugement dit qu’il savait et n’a rien fait pour l’empêcher ».

« C’est pourquoi nous faisons appel », explique Eve Bazaïba. « Nous ne voulons pas une diminution de peine, nous demandons qu’elle soit effacée, parce qu’il y a eu beaucoup d’irrégularités dans ce procès ».

Irrégularités

Selon elle, un des trois juges de Bemba « n’a jamais étudié le droit; comment peut-il dire le droit? ». Et « aucun des trois juges ne maîtrise la matière militaire; il y aurait dû y avoir un juge expert en matière militaire ». Enfin, accuse-t-elle, « Bemba était sur écoute et les enregistrements étaient dans les mains du procureur Moreno Ocampo. C’est une grave irrégularité: une des parties au procès suit mot à mot la stratégie de l’autre! Qui est responsable de ces écoutes? Les juges? Le procureur? »

La « numero deux » du MLC ajoute que « sur la quarantaine de témoins de l’accusation, une vingtaine ont écrit à la CPI que Moreno Ocampo leur avait demandé de témoigner contre Bemba, en échange d’avantages. Quand Moreno Ocampo a quitté la CPI, il les a renvoyés à (celle qui lui succédait au poste de procureur, son ancienne assistante Fatou) Bensouda. Qui, elle, leur a dit n’avoir jamais entendu parler de ce contrat. Et c’est quand la défense a cherché ces témoins qu’elle a été accusée de subornation de témoins ».

Bref, le procès de Jean-Pierre Bemba n’a pas été équilibré, estime Eve Bazaïba. Pour elle, le scandale Moreno Ocampo « amène de l’eau au moulin de ceux qui disent que la CPI n’est pas une cour pénale internationale, mais une cour politique internationale ».

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