Messieurs les politiciens congolais, revoyez votre usage des mots

Messieurs, leurs honorables et leurs excellences, vous organisez une marche en suivant la logique de  »votre constitution ». Quand je vous entends expliquer votre procédure, elle est nickel. Et vous êtes frappés au cour de cette marche comme des moins que rien par une milice déguisée en soldats et en policiers. Et vous continuez à parler des forces de l’ordre et des agents de sécurité. Non, messieurs ! Vous avez tout faux. Vous induisez les populations qui vous suivent en erreur. Voyez la différence entre les forces de l’ordre et de sécurité du Zimbabwe de  »l’ex-dictateur Mugabe ». Ils organisent  »un coup d’Etat de palais » dans le respect de leurs populations. Pas une seule maltraitance ! Pas une balle tirée en l’air et retombant sur un citoyen. Elles ont réussi une alliance civico-militaire avec leur peuple. Elles sont filles et fils du même peuple. Que  »le dictateur » décrié par plusieurs compatriotes congolais ait réussi cet exploit, je me pose la question de savoir si nous questionnons les mots et les expressions que nous utilisons et l’hégémonie culturelle qui les produit.

Messieurs, leurs honorables et leurs excellences, vous savez que plusieurs miliciens qui vous maltraitent, qui tuent, violent, volent et esclavagisent nos populations sont issus des brassages et des mixages, de piteuse mémoire. Ils participent de la grande mission de  »la kabilie » : détruire l’identité congolaise et mettre fin à l’existence du Congo-Kinshasa. Les nommer  »forces de l’ordre et de sécurité » pourrait conduire à qualifier la lutte que vous mener sur  »le petit terrain du Congo » de foutage de désordre et d’insécurité. Cela dans la mesure où  »la kabilie » ne s’inscrit pas dans une quelconque logique juridique et humaniste. Vous luttez mains nues, c’est vrai. Mais faites un usage des mots et des expressions qui ne puisse pas se retourner contre vous.

Voici ce que Frantz Fanon écrivait sur le monde coloniale avant notre indépendance :

 »Le monde coloniale est un monde coupé en deux. La ligne de partage, la frontière en est indiquée par les casernes et les postes de la police. Aux colonies, l’interlocuteur valable et institutionnel du colonisé, le porte-parole du colon et du régime d’oppression est le gendarme et le soldat (…). Dans les régions coloniales (…), le gendarme et le soldat, par leur présence immédiate, leurs interventions directes et fréquentes, maintiennent le contact avec le colonisé et lui conseillent, à coups de crosse ou de napalm, de ne pas bouger. On le voit, l’intermédiaire du pouvoir utilise un langage de pure violence. L’intermédiaire n’allège pas l’oppression, ne voile pas la domination. Il les expose, les manifeste avec la bonne conscience des forces de l’ordre. L’intermédiaire porte la violence dans les maisons et dans les cerveaux du colonisé. » (F. FANON, Les damnés de la terre)

Si vous voulez continuer à nommer  »cet intermédiaire violent » forces de l’ordre ou de sécurité, veuillez ajouter tout de suite après  »de la néocolonie congolaise ».

Il n’est pas commis à l’ordre et à la sécurité du pays. Il est votre interlocuteur et votre conseiller dans un contexte de néocolonisation du pays. Ne détruisez pas d’une main, ce que vous voulez construire de l’autre. Trouver lui une dénomination qui aide les masses populaires congolaises à épouser, nombreuses, la lutte dans laquelle vous êtes impliquée.

Messieurs, leurs honorables et leurs excellences, l’usage des mots et des expressions n’est pas toujours innocent.

Mon livre, Ingeta. Dictionnaire pour un insurrection des consciences, essaie ce travail de déconstruction langagière.

Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

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