Congo-Kinshasa et régression anthropologique. Questionner la part magique de l’Afrique

Plusieurs d’entre nous ont fini par comprendre ce qui se passe dans notre pays. Ce faisant, ils sont devenus tellement exigeants qu’ils refusent d’accepter que se débarrasser des paradigmes de néantisation et d’indignité ne se fait pas au même rythme chez tout le monde. Rompre avec la traite négrière, la colonisation et la néocolonisation prend du temps. Cela d’autant plus que l’autre, celui qui en tire profit, depuis plus de cinq siècles ne croise pas les bras.  »Comprendre ne signifie pas justifier ». Cinq siècles de régression anthropologique ne se réparent pas en un clin d’oeil. Qui dit régression anthropologique dit corruption culturelle, spirituelle, morale, éthique, sociale, politique, etc. Mon approche de la corruption n’est pas liée simplement au fait d’échanger sa dignité contre l’or et l’argent. Non. Mais aussi et surtout au dépérissement de ce qu’on a comme réserve de valeurs culturelles, spirituelles, morales, éthiques, sociales et politiques. Ce dépérissement est le fruit de l’annihilation et/ou de la réduction à leur plus simple expression des institutions de socialisation, d’ individuation et d’intégration. Des familles sans droits sociaux, économiques, culturels, politiques et spirituels garantis ont eu beaucoup de mal à lutter contre cette corruption. L’école, l’université, l’église, l’armée, etc. peinent à s’africaniser et à se congoliser. Cinq siècles de  »viol de l’imaginaire » ne se réparent pas en un clin d’oeil.  »Comprendre ne signifie pas justifier ».

Cheick Anta Diop sait, lui, que  »le mal que l’occupant nous a fait est trop profond » (https://www.youtube.com/watch?v=r4fZMOCzZuw). Il aurait été souhaitable que les esprits africains et congolais ayant rompu les chaînes de l’aliénation culturelle s’exercent à plus de patience à l’endroit de leurs congénères manifestant un grand retard de ce point de vue.

Ce mal n’appartient pas à un passé révolu. L’acquisition rapide des costumes et des cravates, des immeubles et des appartements dans les quartiers chics, l’achat rapide des voitures de luxe et l’ouverture des comptes bancaires contribuent, encore aujourd’hui, ici et maintenant, à la régression anthropologique.

Il me semble que les esprits les plus éveillés sur ce mal devraient être un peu plus des pédagogues. Surtout en cette période où la révolution numérique facilite paradoxalement l’apprentissage de l’ignorance. S’ils sont des pédagogues, ils pourraient éviter  »des pièges décivilisateurs ».

Il est quand même curieux que certains de ces  »esprits éveillés et critiques de l’occupant » soient disposés à l’imiter en recourant à sa  »part barbare » au nom de  »la révolution ».

Il me semble que mêmes certains esprits prétendument éveillés devraient s’interroger sur  »la part du mal de l’occupant » qu’ils portent en eux. Cette  »part du mal » aveuglante !

Dénouer  »les pièges décivilisateurs » de l’occupant demandera que la part humanisante de l’Afrique d’hier (et d’aujourd’hui) soit questionnée. Qu’est-ce qui a fait que les filles et les fils de cette Afrique esclavagisée, méprisée, traînée dans la boue, néocolonisée, ultralibéralisée, etc. soient capables, encore aujourd’hui, d’accueil et d’hospitalité ? Quelle est leur magie ? Questionner  »la part magique » de l’Afrique-mère peut contribuer à la renaissance du monde. L’Afrique (et son cœur) a la vocation de materner le monde, de la re-civiliser, avec  » ses mains nues ». Chimère ! Oui. Mais elle est là, après plus de cinq siècles de guerres mensongères pour  »la civilisation », pour  »la démocratie et les droits de l’homme », pour  »l’amélioration du climat des affaires » ; et demain,  »pour donner du travail à ses jeunes enfants ». Dans tout ça, elle sait que ses filles et fils éveillés ont un avantage sur  »l’occupant ». Ils savent qu’il ment, comme dirait Aimé Césaire. Comment capitaliser  »ce savoir » en évitant de faire  »le jeu barbare de l’occupant » sans être  »naïf » ?

Une réflexion menée posément devrait remplacer les noms d’oiseaux au cœur des débats menés par ses filles et fils. Regarder  »l’occupant menteur » droit dans les yeux et déconstruire son discours mensonger serait un pas important. Tout comme l’organisation des pratiques d’auto-défense et de légitime défense. Elle nous évitera de lui laisser disposer de nos corps comme s’ils étaient ses biens.

Tout cela étant,  »l’occupant est faible ». Même s’il ne recule jamais ; même s’il sait, aidé par ses médias, faire de ses mensonges des  »vérités meurtrières ».

Babanya Kabudi

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