Expropriation foncière à Mbobero (Sud-Kivu) en RDC : La loi du plus fort devient la norme suprême

Par Jean Rwakabuba

Bukavu (Sud-Kivu) R.D. Congo, le 1er mars 2018

 

Le drame que vit depuis quelques années la population de Mbobero, au Sud-Kivu, en République Démocratique du Congo, a connu une nouvelle étape. La vieille sagesse qui, sous d’autres cieux, veut que le Prince ne dégaine son épée que pour la protection de son peuple et jamais contre celui-ci se vérifie à l’envers en République Démocratique du Congo. Ici, le Prince ne sort son épée de son fourreau que pour l’orienter contre son propre peuple. Les événements qui se sont passés du 09 au 10 février 2018 dans village de Mbobero dans le groupement de Kagabi, Territoire de Kabare, dans la Province du Sud-Kivu en sont la preuve irréfutable.

En effet, après une première tentative de démolition des maisons des paisibles citoyens par le Gouverneur Marcellin Cishambo en 2016 pour des raisons demeurées floues, tentative au cours de laquelle un hôpital avait été détruit chassant le médecin avec son malade dont il venait d’ouvrir le ventre et ne l’avait pas encore fermé, la deuxième tentative savamment montée vient d’aboutir : plus de deux cent vingt-sept familles sans abri. Ce projet macabre a eu lieu au mois de février dernier sous la supervision du Ministre National des affaires foncières, de Me Nkulu, Avocat du Président de la République, du Mwami de Kabare et du commandement provincial de la police et de l’armée. En ces dates précitées, le petit village de Mbobero s’est vu investi par une armée et une police si lourdement armées qu’on aurait pensé à une guerre contre un ennemi très puissant. Mais l’ennemi n’était en fait que les villageois sans armes à la main mais qui  réclament que leurs droits ancestraux sur les lopins de terre où les leurs ont vécu et sont enterrés soient respectés et reconnus par tous.

Le commandement de l’opération aurait dit que le citoyen Joseph Kabila venait récupérer son bien illégalement occupé par ses concitoyens et qu’il se serait acquis depuis moins d’une année. Ces pauvres citoyens vivent sur cette terre depuis des décennies et y tirent leur subsistance grâce à l’agriculture rudimentaire. L’on a vu le matin du 10 février des enfants éplorés, avec bagages sur la tête, des femmes avec bébés au dos fuyant dans tout le sens que l’on aurait cru se retrouver en Syrie sous les bombes de la coalition, des pères de famille fortement dépassés et au regard pantois, à la limite de la folie car ils venaient de perdre le bien qui fait de l’homme africain un humain aux milieux d’autres : leurs habitations érigées au cours de longues années, au prix de leur sueur, sur un lopin de terre acquis en bonne et due forme conformément au règlement de la République pour certains et au droit coutumier pour d’autres, venaient de leur être arrachées par celui-là même qui a le devoir régalien de les protéger. Des engins de l’Offices des routes, qui ne savent plus accomplir leur mission de combler les trous sur les routes, ont été mobilisés, ce jour-là, pour réaliser cette sale besogne, à savoir la destruction méchantes et illégales des habitations de plus de deux cent ménages, jetant ainsi hommes, femmes et enfants sur la rue.

Cette concession arrachée par défiance au peuple et ces maisons démolies sans un jugement juridique légal constituent une grave violation des droits de l’homme. Mais ironie du sort ! Aucun organisme de défense des droits de l’homme tant national qu’international n’a osé condamner un tel agissement qui va au-delà du rationnel. Même la branche dite droit de l’homme n’a rien dit, pourtant suffisamment informée sur l’affaire, si bien qu’on aurait dit que toutes les forces du mal se soient liguées contre ces pauvres villageois. L’on se demande : comment un président de la République, en fonction, peut-il choisir de jeter ses administrés sur la rue au nom d’un intérêt privé ? Que lui manque-t-il dans ce pays pour arracher à son peuple le peu dont il vit et dans des conditions inhumaines ? Et il faut ajouter que sur cette concession se trouve érigée la plus vieille école primaire de ce village et qui a déjà plus de trente ans d’âge. A côté de celle-ci, grâce au financement d’une fondation suisse, les pères barnabites venaient de construire un grand collège Technique, le seul de cette dimension et de cette ambition dans cette province du Sud-Kivu. Ces deux édifices sont les seuls qui restent encore debout et, malgré leur caractère social, sont sous menace de démolition. Si l’intérêt privé l’emporte sur l’intérêt général, l’on peut se demander : pour qui travaillent les autorités politiques actuelles en RDC ?

Ne sommes-nous pas en face d’un coup de force contre la démocratie dont on ne cesse de dire qu’elle est en marche en RDC ? En effet, l’idéal de la démocratie est de réaliser le bien commun. Dans un état démocratique, le bien du peuple prend le dessus sur le bien privé du prince, le bien d’un grand groupe est au-dessus du bien du petit groupe. La destruction méchante des maisons et la confiscation des biens du petit peuple en faveur du président Kabila est à comprendre comme une haute trahison des idéaux d’un Etat de droit.

Devant la gravité de ces faits, les villageois de Mbobero continuent à réclamer justice. Que les pouvoirs publics censés sécuriser et défendre le faible contre le fort et qui se sont rendus coupables de crimes humanitaires par des voies de fait, de procédures extrajudiciaires et de l’utilisation d’une force militaire qui a traumatisé des milliers d’enfants et de femmes, soient déférés devant les juridictions compétentes aussi bien nationales qu’internationales et qu’ils soient jugés conformément à la règle de droit. Y aura-t-il une voix sincère qui acceptera de s’engager pour faire entendre le cri de ces infortunés au niveau des instances juridiques nationales et internationales ? wait and see. Jean Rwakabuba

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