RDC : des enjeux électoraux connus d’avance

Officiellement, plusieurs compatriotes Congolais affirment que les consultations et le dialogue  sont nécessaires pour des élections apaisées et respectueuses  de la Constitution.  Aucune remise en question du processus historique, politico-économique et social auquel a abouti la guerre de l’AFDL ne semble plus permise. Ces compatriotes ont endossé ‘’la fausse histoire ‘’ de la chasse de Mobutu par Laurent-Désiré Kabila. Ceux d’entre eux qui ont suivi le petit documentaire intitulé ‘’Le conflit au Congo. La vérité dévoilée’’ l’ont rapidement oublié. Cet autre documentaire, ‘’Rwanda’s untold story’’,  n’a pas su bousculer leurs convictions. Faisant la politique de l’autruche, ils passent à côté de certains enjeux capitaux de la politique menée au Congo-Kinshasa. Nous en étudions trois. Ils nous semblent cruciaux.
 
Les consultations menées par Joseph  Kabila remettent sur le devant de la scène  politique congolaise l’illégitimité et l’illégalité des élections organisées en 2006 et en 2011 ainsi  le faux processus politique dans lequel elles s’inscrivent depuis la guerre de l’AFDL Ces consultations révèlent, pour ceux qui les suivent attentivement, certaines questions auxquelles  les prochaines élections  ‘’arrangées’’  par ‘’la kabilie’’ devraient répondre.
Nous en énumérons quelques-unes. Les Congolais(es) fanatiques des ‘’élections-pièges-à-cons’’ devraient, consciemment ou inconsciemment, en mettant leur bulletin dans l’urne, répondre à cette question : « Comment sauver ‘’le soldat Kabila’’ en l’aidant à ne pas répondre devant les cours et tribunaux du mercenariat  qu’il a exercé au Congo-Kinshasa au profit de ses parrains anglo-saxons et de leurs proxys rwando-ougandais depuis la guerre de l’AFDL en passant par les assassinats et massacres des Congolais(es) auxquels il a participé, de près ou de loin, en usurpant la charge du chef de l’Etat ? » Cette question peut être posée autrement : « Comment garantir l’impunité aux commanditaires de la guerre de basse intensité au Congo-Kinshasa, à leurs proxys et à leurs mercenaires tout en feignant d’insérer ce pays dans un processus électoral normal, l’amnésie aidant ? »
  Plusieurs complices de ‘’la kabilie’’ et du système qu’elle a servi ont déjà trouvé une solution : faire du ‘’soldat Kabila’’ un Sénateur à vie et maintenir le système ultralibéral qu’il a servi en place au Congo-Kinshasa.  Les  consultations auxquelles Joseph Kabila  se livre depuis le début du mois de juin 2015  semblent prouver qu’il ne serait pas tout à fait d’accord avec cette proposition. S’il l’accepte, les élections seront arrangées de façon à lui offrir ce poste ou à lui trouver ‘’un dauphin selon son cœur’’.
Cette offre  atteste que les efforts déployés pour falsifier l’histoire du Congo-Kinshasa se poursuivent. Les Congolais(es), membres de ‘’la kabilie’’, les conjuguent sans relâche. Ils tiennent à payer ‘’un mercenaire du FPR’’ pour les services qu’il leur a rendu aux oligarques d’argent du système ultralibéral en en faisant un Sénateur à vie ou en lui trouvant une issue satisfaisante.
En plus de cette question, il y a une autre : la perpétuation du mondialisme en Afrique. La guerre de basse intensité menée contre le Congo-Kinshasa, en plus de son caractère racial, visait l’insertion de ce pays dans le système ultralibéral prônant le fondamentalisme du marché. Celui-ci tient à détricoter  ‘’les protonations’’ issues de la Conférence de Berlin  pour transformé toute l’Afrique en un marché autorégulé, sans plus. Ce faisant, il réaliserait le rêve des ancêtres des commanditaires de la guerre mené contre le Congo-Kinshasa. L’un d’eux, Cecil Rhodes, rêvait d’un marché dominé par les anglo-saxons et allant du Cap au Caire.  La dernière signature tripartite officialisant la naissance du marché ‘’libre-échangiste’’ pour 26 pays africains[1]  nous paraît être un signe  de mauvaise augure.   ‘’Les élections arrangées’’ pourraient conduire aux postes de responsabilité au Congo-Kinshasa  ‘’les esclaves volontaires’’ du marché autorégulé. Certains parmi eux se sont déjà signalés en faisant le tour des ambassades occidentales et en allant passer ‘’les tests d’aptitudes  libres-échangistes’’ au pays de l’Oncle Sam.
Une troisième question est liée à cette deuxième. Il s’agit du prix des matières premières à l’exportation et des  profits qu’en tire le pays. Raf Custers[2] rappelle que le Code minier actuel est inspiré par la Banque mondial et  les autorités congolaises voudraient le changer  afin que l’industrie extractive profite davantage au pays. Les oligarques miniers  ne semblent pas être prêts à s’engager sur cette voie. Il ne serait pas exclus qu’ils puissent lorgner du côté des politicards pour chercher à faire le lobbying  de ceux qui pourraient favoriser la fuite des capitaux comme. ‘’La kabilie’’ a servi cette cause  depuis 2002 sous l’instigation des ‘’tueurs à gage’ économiques’’ que sont la Banque mondiale et le FMI.
Ces trois questions constituent, à notre avis, des enjeux sérieux pour les prochaines élections au Congo-Kinshasa.  Y répondre est une question d’intelligence et d’entretien de mémoire historique vivante.  Y répondre intelligemment peut contribuer à une réécriture responsable de l’histoire de ‘’la seconde indépendance’’ congolaise.  Faire le jeu de ‘’la kabilie’’ et des oligarques miniers ‘’devenus très agressifs’’  pourrait retarder cette ‘’indépendance économique’’  et renvoyer la reconquête de la souveraineté congolaise aux calendes grecques. Les deux dernières questions  indiquent que les électeurs, au Congo-Kinshasa, ne sont pas uniquement les populations congolaises. Il y a une deuxième catégorie d’électeurs à prendre en compte : les oligarques miniers et leurs lobbies.  Le triomphe de la cupidité et du fondamentalisme du marché dans les cœurs  et les esprits de la majorité de Congolais(es) pourrait favoriser leur victoire à l’issue des prochaines élections.
A notre humble avis, si les prochaines élections gardent leur caractère débile  de ‘’pièges-à-cons’’ arrangés, elles pourront soulever les foules et passer à côté de l’essentiel. Elles plongeront le Congo-Kinshasa dans une crise anthropologique très profonde.
Si les trois  enjeux susmentionnés sont sérieusement débattus avec les masses populaires ; si ces dernières, devenues critiques, acceptent de se battre aux côtés de leurs élites organiques et structurantes pour ‘’la seconde indépendance’’ congolaise, elles ne pourront pas se satisfaire d’aller aux urnes. Elles seront prêtes à s’engager dans  une lutte de reconquête de souveraineté congolaise sur le moyen et le long terme.
 
Mbelu Babanya Kabudi

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