Le rapport Mapping, un prétexte, dix ans après ?

Allons vers les questions rassembleuses sans trop tenir compte des individus qui les portent. Je peux en énumérer deux : une justice (internationale) pour le Congo-Kinshasa et la récupération des œuvres artistiques pour lesquelles se bat Mwazulu Diyabanza. Il n’y a pas de paix sans justice. Il n’y a pas de dignité sans paix, sans justice, sans sécurité.

Revenir au rapport Mapping est important pour cela. C’est une façon pour nous, en tant que peuple, de dire qu’il n’y a pas de paix sans justice et sans sécurité. C’est aussi une façon de dire qu’il n’y a pas d’avenir, d’ à-venir sans un certain entretien de la mémoire de nos luttes, de nos résistances et de nos défaites. Le rapport Mapping présente l’avantage de dire  »internationalement » ce qui s’est passé chez à partir de 1993. Il nous permet de remettre en question la fausse libération de l’AFDL et d’être éveillés sur ses responsabilités dans les crimes ayant mis le feu à l’Afrique des Grands Lacs et au Congo-Kinshasa. D’où l’importance d’en soutenir la campagne  »internationale ».

Ce rapport peut servir de prétexte pour que nous puissions davantage lire et nous informer sur ce qu’il y a eu chez nous dans les années 1990. Qui a décidé que Mobutu parte et qu’une  »chance soit donnée à la guerre » ? Qui a signé le deal avec l’APR/FPR pour que ses crimes ne soient pas poursuivis en justice ? A ce point nommé, nous pouvons, en dehors du rapport Mapping, lire d’autres documents. Le livre de Judi Rever intitulé  »Rwanda. L’éloge du sang » demeure un bon document à ce sujet. Il contient  »le deal ». Judi Rever a eu des entretiens avec un Canadien ayant participé aux enquêtes ayant abouti au rapport Mapping. Il y a un autre auteur très peu connu des Congolais. Il s’agit d’ Helmut Strizek. Cet Allemand que j’ai eu la chance de rencontré a écrit sur  »la guerre des Clinton » au cœur de l’Afrique.

Un retour, dix ans après, sur le rapport Mapping, peut permettre aux jeunes générations africaines et congolaises de s’intéresser à l’histoire de leur continent à partir de la fin de la guerre froide et du début de la fronde mondialiste. Plusieurs n’en sont pas conscients et/ou au courant. Ils applaudissent et adorent les fossoyeurs de l’Afrique des années 90. Ils sont ignorants. Ils ne savent pas.

Les vieilles générations n’ayant pas lu quelques pages de ce rapport et n’en connaissant pas la genèse n’en savent rien du tout.

Combien de compatriotes congolais savent, par exemple, que la fuite de la version de ce rapport du 01 octobre 2010 fut aussi le fruit des pressions des Congolais ayant décidé de veiller à New York pour cela ? Je peux le dire pour avoir été en contact permanent avec l’un de mes meilleurs amis congolais qui était à New York à ce moment-là. Donc, la version du rapport Mapping du 1er octobre 2010 a été arrachée contre la volonté de Kagame et de ses parrains.

Que pouvons-nous en faire collectivement ? Le lire, le relire, le partager et lutter pour que certaines de ses recommandations soient mises en pratique. Cela, en sachant que les forces de la mort ayant participé à la guerre perpétuelle de prédation et de basse intensité pour anéantir l’Afrique des Grands Lacs ne vont pas croiser les bras. Il ne faut pas se leurrer.

Néanmoins, le lire, le critiquer, le partager sur un temps long en y ajoutant d’autres livres et d’autres documents peut participer de l’entretien de notre mémoire collective de ses trois dernières décennies . Le lire, le partager et le critiquer en allant vers et/ou en créant des alliances avec des pays impliqués (comme victimes), cela peut être une voie envisageable.

Pour tout prendre, la question de la justice et de la sécurité telle qu’elle est analysée par le rapport Mapping peut constituer pour les Africains et les Congolais un sujet rassembleur.

Telle est aussi la lutte menée par Mwazulu Diyabanza au sujet des œuvres artistiques et culturelles volées à l’Afrique pendant la traite négrière et la colonisation et sur lesquelles les musées occidentaux ont fait fortune. Comment soutenir la lutte de ce jeune congolais et de ses camarades tout en sachant qu’elle pourrait conduire à l’évaluant des dommages causés par ce pillage ?

Trouver des sujets rassembleurs et nous y focaliser pourrait être un remède au culte de la personnalité dont raffolent les fanatiques, les thuriféraires et les applaudisseurs des  »négriers des temps modernes », victimes consentantes et/ou innocentes des syndromes de Stockholm et du larbin.

Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

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