Judi Rever.  »Rwanda. L’éloge du sang » et/ou l’éloge de la passion pour la vérité ?

 »Mundele asala manduki ya koboma bato, kasi ya koboma vérité mundele akoki te! »

Sam Mangwana dans  »Mabele »

 »Rwanda. L’éloge du sang » est un livre passionnant à lire et à relire. En le fermant, plusieurs questions se posent :  »Pourquoi cette jeune dame a-t-elle pris tant de risques pour l’écrire ? Pourquoi a-t-elle accepté d’affronter la maladie, la souffrance, la mort, l’instabilité familiale, les menaces proférées à l’endroit de ses filles, le divorce, etc., pour écrire ce qui s’est passé trop loin de son pays ? »

Une première réponse me semble être  »la passion pour la vérité » ! L’humain en Judi Rever a parlé plus fort que toute idéologie partisane ou racialiste. Elle a voulu, contre vents et marées, être  »la voix des sans-voix ». La voie de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants, de ces vieillards soumis au silence et auxquels quelques  »monstres » de l’APR/FRP ont voulu arracher la vie et le sens de l’humain. De ces hommes et femmes qui, ayant résisté à rendre  »leur conscience vicieuse », ont accepté de partager leurs histoires et leurs mémoires avec  »une sœur en humanité ».

Ne pas parler, ne pas donner des conférences, ne pas écrire aurait été une façon de trahir ses frères et sœurs en humanité et de trahir l’humain en elle. Aller jusqu’au bout de ce qu’elle avait entrepris fut son leitmotiv. Son mari, bien qu’en ayant beaucoup souffert, a fini par la pousser dans ce sens.

Au fur et à mesure de ses recherches, de ses rencontres -au risque de sa vie et de celle de sa famille-, Judi Rever a compris que rien ne peut tuer la vérité. La passion pour la vérité l’a boostée.

Elle a compris que  »le paralytique de Kigali » n’a peur que de la vérité. Et que lutter pour celle-ci vaut la peine. Surtout quand cette lutte engagent plusieurs frères et sœurs en humanité.

En écrivant, Judi Rever était porteuse de quelques préoccupations dont celles-ci :  »Pourquoi, l’Occident, champion de la défense de ses  »valeurs » et des droits de l’homme » a-t-il assisté impuissant face aux crimes du  »paralytique de Kigali » avant, pendant et après le génocide ? Pourquoi ces crimes sont-ils restés impunis jusqu’à ce jour ? Pourquoi la justice n’est-elle pas rendue aux Hutus (et aux Congolais) ? »

Elle y répond en des termes clairs et limpides. Les profits des multinationales, le soutien offert par  »les puissants » à  »l’homme fortifié » de Kigali, le deal d’impunité signé entre le Rwanda et les USA l’ont emporté sur  »les valeurs occidentales » et la justice juste. (Bref, la trilogie matérialisme, militarisme et discrimination a triomphé).

En effet, au fil des pages, Judi Rever, grâce aux arguments sourcés, prouve que  »le paralytique de Kigali » n’est rien sans ses soutiens anglo-saxons (ayant  »le vrai pouvoir »).

Sa passion pour la vérité a fait sauter les chaînes dans lesquelles  »le paralytique de Kigali » voulait l’enfermer. A ce sujet, assassiner les intellectuels n’a pas suffi à tuer la vérité sur les crimes de l’APR/FPR. Cette vérité n’appartenait plus au petit espace rwandais, ni à celui des Grands Lacs Africains. Elle s’est mondialisée grâce aux débats qu’elle ne cesse se susciter jusqu’à ce jour. Grâce aux témoins visibles et invisibles habitants aux quatre coins du monde et aux documents confidentiels.

Lire le livre de Judi Rever aide à comprendre qu’écrire peut devenir une passion à laquelle tout peut être sacrifié : santé, famille, temps, vie, etc. Ecrire, c’est lutter avec des mots, avec des idées. Ecrire peut aider à surmonter certaines peurs lorsque les sources sont sûres.  » En définitive, écrit-elle, je pris conscience que la peur, dans toute sa puissance, peut engendrer des tas des choses. La peur de l’échec et du jugement m’a empêché de faire ce que j’aurais dû faire. Bien plus tôt dans ma vie. Et désormais, la peur de la mort m’aide à me concentrer sur une mission ô combien importante ! A partir de ce moment, cette peur et ce danger que tant d’autres ont dû affronter finirent de me persuader que je devrais terminer ce que j’avais commencé. » (p. 280)

En fermant ce livre, il y a lieu de soutenir qu’il a atteint l’un des ses objectifs : prouver que le génocide n’a pas été que celui des Tutsis mais aussi celui des Hutus. Et cet autre, contraire à la doxa officielle : Kagame n’a pas mis fin au génocide.

 »En vérité, écrit-elle, nonobstant ce que les différents donateurs semblent penser, le FPR n’a jamais mis aucun terme à sa brutalité. Kagame avait déjà du sang sur les mains avant le génocide. Il en eut pendant le génocide. Il en eut également après le génocide. Le soutien de l’Occident ne fit qu’entretenir le sentiment d’impunité de ce régime. Les journalistes situés à l’extérieur du pays ne perçurent que rarement la vérité. Et il était impossible pour ceux qui se trouvaient à l’intérieur de révéler les exactions du FPR. S’ils s’y risquaient, souffrances et mort les attendaient. » (p. 289)

En sus, le titre de ce livre me pose un problème :  »Faut-il le garder, le remplacer ou lui ajouter un sous-titre ? » Moi, je lui donnerai ce titre-ci :  »Rwanda. La passion pour la vérité et la lutte contre la peur ».

En fermant ce livre, je me pose quand même quelques questions :  »Si  »l’homme fortifié de Kigali » est  »un paralytique » entre les mains des marionnettistes, faudra-t-il qu’un jour ses crimes soient jugés sans que  »les joueurs des coulisses » en répondent eux aussi ? Seraient-ils moins dangereux que  »leur créature » ? Ou c’est le contraire ?  »

Je ne pense pas qu’il y ait un début de réponse à ces questions dans ce livre passionnant de Judi Rever. D’où sa lecture pourrait être complétée par bien d’autres dont ces trois de l’un de ses compatriotes :  »Noir Canada. Pillage, corruption et criminalité en Afrique » (2008),  »La médiocratie » et  »Faire l’économie de la haine. Essaie sur la censure » (2018) d’Alain Deneault.

Ils poussent un peu loin la remise en question du système qui instrumentalise  »le paralytique de Kigali » et bien d’autres proxies à travers le monde en proposant des possibilités de  »révolutionner » les choses.

Cela étant, en publiant son livre, Judi Rever partage sa passion pour la vérité et sa lutte contre la peur avec ses frères et sœurs du monde, du Rwanda, de l’Ouganda, du Congo-Kinshasa et de toute l’Afrique. Elle apporte sa pierre à l’édification d’une humanité renouvelée au cœur de l’Afrique.

Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

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