Quelle est l’idéologie de votre parti ?

« Pour éviter de s’empoigner, disait quelqu’un, il faut commencer par donner aux mots leur sens.»

De temps en temps, il est bon d’écouter  »les politiciens kongolais » parler de leurs partis politiques et l’avenir du pays. Hier, je me suis livré à cet exercice. J’ai suivi un  »président  » d’un parti politique qui est à la fois au  »pouvoir » et dans  »l’opposition républicaine » s’adressant aux  »journalistes ». Kokamwa !

L’un de ces  »journalistes » lui pose cette question : «Est-ce que nous pouvons connaître les mots-clés de l’idéologie de votre parti ? »

Voici les quelques réponses données à cette question : «Notre parti voudrait être un parti qui aide le pays à se reconstruire. Nous voulons changer le passé(sic). Les richesses du pays ne sont pas les richesses des politiciens. Ils ne doivent pas servir leurs poches. Nous devons respecter notre engagement, etc. »

Qu’est-ce une idéologie ? N’aurait-il pas mieux fallu commencer par se mettre d’accord sur le sens donné ou à donner à ce mot ? Par évoquer quelques idéologies politiques en vogue afin d’éviter de donner l’impression que ce parti va inventer la roue? Que signifient  »les mots-clés » ? Comprendre leur signification n’aurait-il pas facilité la tâche au  »président » ?

La déclinaison du catalogue de bonnes intentions faite par  »son président » exprime le côté négatif de l’idéologie de ce parti. S’il avait compris l’idéologie comme étant, minimalement et positivement, un ensemble d’idées, de principes, de convictions et des croyances, d’actions pensés et/ou imaginés pour orienter la marche de son parti vers la conquête du  »pouvoir » au Kongo au sein d’un monde où la lutte entre mondialisme ultralibéral et le multipolarisme est âpre, il aurait pu mieux se défendre. Il aurait pu dire si son parti est libéral, socialiste, collectiviste, communiste, centriste, néolibéral, ultralibéral, capitaliste, néocolonialiste, souverainiste, etc.

Il aurait dit si la concurrence et la compétitivité, le patriotisme économique, le convivialisme, la coopération ou la fraternité, la libéralisation, la privatisation ou la déréglementation, la quête de la souveraineté intégrale, etc. sont ou pas ‘les mots-clés » ou les principes fondateurs de son parti.

En déclinant le catalogue de bonnes intentions de son parti, ce  »président » n’a rien dit qui puisse, en principe, susciter l’adhésion de ses compatriotes. Le pays de Lumumba a déjà un  »parti du peuple pour la reconstruction ». Il en a été membre. Au bout de plus ou moins deux décennies, le pays n’a pas été reconstruit. Il a été détruit de fond en comble. Le MPR avait comme slogan : «Servir, se servir, non. » Ses dinosaures se sont servis et ont mis le pays à genoux. Soutenir que les richesses du pays n’appartiennent pas aux politiciens sans décrire les mécanismes pouvant mettre fin à la mafia politicienne au Kongo-Kinshasa ne suffit pas. Encore faudrait-il que ces mécanismes soient plus efficaces que ceux mis en place actuellement par l’Inspection Générale des Finances et la Cour des comptes afin que le désir de changement suscite des réelles adhésions.

En déclinant le catalogue de bonnes intentions , ce  »président » a créé un flou artistique en vue de cacher le projet néolibéral et néocolonial contenu dans le cahier de charge de son parti que j’ai pris le temps de lire et de relire à plusieurs reprises. Certains de mes amis ont échangé avec certains membres de ce parti là-dessus. Ils ont peur de rompre les chaînes de la servitude volontaire.

En écoutant ce  »président » jusqu’au bout, on sent comment il planifie  »la réconciliation » avec  »l’un de ses frères » (sans une demande au préalable de la justice) après tous les meurtres, les assassinats extrajudiciaires et la répression des manifestants ayant refusé que ce  »frère » ne puisse modifier  »la constitution » pour un troisième mandat.

Qu’est-ce que cela veut dire ? Entre autres ceci : «   »Ces frères » travaillant sur un même projet néolibéral (ou ultralibéral) et néocolonial théâtralisent leur  »faux » conflit au point de le rendre sanglant au dépens de leurs fanatiques, thuriféraires, tambourinaires et applaudisseurs. Après l’accès de l’un d’entre eux aux  »affaires », ils se réconcilient sur le dos des morts kongolais qu’ils ont vampirisés en attendant le prochain tour des élections-pièges-à-cons. A l’approche de celles-ci, ils recommencent leur théâtre. Le débat sur leurs individualités l’emportent sur celui pouvant être fait sur leurs idéologies. Leurs fanatiques voués au culte de leurs personnalités fourbissent les armes des prochains massacres, assassinats et autres meurtres. Dans ce jeu de dupes, la tribu et l’ethnie instrumentalisées servent de bous émissaires. Après la proclamation des résultats électoraux,  »ces frères » se rencontrent et se partagent le gâteau. Ils enterrent la hache de la guerre si les partages sont bons et si leurs parrains communs sont satisfaits. Dans le cas contraire, ils se livrent à la guerre de tous contre tous que les coulisses alimentent sur le dos du  »gibier Kongo ». »

Tant qu’une masse critique, une masse consciente de ce projet néolibéral et néocolonial sur lequel travaillent  »ces frères unis par les affaires » ne se lèvera pas pour exiger, avant et après  »les élections-pièges-à-cons », un débat populaire sur leurs cahiers de charge, leur idéologie et les intérêts qu’ils servent servilement, rien ne changera en profondeur au pays de Lumumba. Il est plus que temps pour que  »ces frères affairistes » sortent du néocolonialisme et de l’ultralibéralisme pour un souverainisme intégral (et ouvert) kongolais et panafricain au cœur de l’Afrique.

Tant qu’une masse critique et consciencieuse ne se lèvera pas au cœur de l’Afrique pour  »désacraliser » la fonction présidentielle en proposant que le président de la République ne soit plus qu’un  »primus inter pares » veillant , avec ses pairs, au renversement de la pyramide hiérarchique consacrant le peuple dans sa fonction de souverain primaire, le pays n’arrêtera pas sa descente aux enfers. Une Assemblée populaire composée de citoyens tirés au sort pourrait, tous les six mois, accompagner  »le président désacralisé » dans cette tâche en imposant, entre autres, aux gouvernants le devoir de redevabilité , le referendum révocatoire et le mandat impératif. Cela, en partant de la commune de la commune.

(Pour aller plus loin, il y a un très bon livre de philosophie politique sur l’idéologie écrit par Paul Ricoeur. Il est intitulé  »L’idéologie et l’utopie » (Paris, Seuil, 1986))

Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

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