Les accords entre Kinshasa et Kigali et  »le talk and fight »

« Ils nous dominent plus par l’ignorance que par la force » S. BOLIVAR

Pourquoi certains accords signés avant celui que Fatshi vient de conclure avec son  »frère » Paul(Goma: voici les accords signés entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame, (libregrandlac.com) ) n’ont-ils pas mis fin à la guerre perpétuelle contre le Kongo-Kinshasa et au pillage de ses ressources stratégiques du sol et du sous-sol ? En 1999, par exemple, sous la menace des mercenaires soutenus par Kigali et Kampala, Laurent-Désiré Kabila a signé les accords de Lusaka. Ces mercenaires constituant un véritable réseau de prédation transnational mais reconnus par  »leurs parrains » comme étant des  »forces démocratiques » pouvant partager  »le pouvoir-os » avec Kinshasa ont infiltré les institutions du pays pour les neutraliser de l’intérieur.

A Arusha et à Pretoria, la même scène se répète. Les accords iniques se succèdent. Sun City ne fait pas exception. Qui se souvient encore de cette petite phrase de Valentin Mubake : « A Sun City, il a été imposé à Thabo Mbeki de nous imposer  »Joseph Kabila ». »

Pour rappel, à Pretoria, « le projet d’accord a été piloté par Philip Winter, fonctionnaire britannique, spécialiste de la région de Grands Lacs. Et l’homme de l’ombre de l’accord est Howard Holpe, un personnage qu’Israël avait mobilisé dans son soutien à Mobutu dans les années 1980 : il est là cette fois pour le compte de l’administration Clinton. C’est lui qui, au cours des réunions secrètes tenues à l’hôtel Livingstone, à Pretoria, en juin 1999, reçoit les émissaires du RCD-Goma, rencontre Kagame et Museveni, mais aussi Mandela et Mbeki ; lui encore qui rédige le texte de l’accord, transmis à Bill Clinton, Madeleine Albright et Kofi Annan via l’ambassade américaine à Pretoria. »

Une bonne lecture de cet extrait du livre de Pierre Péan,  »Carnage. Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique » (Paris Fayard, 2010, p. 398-399) peut faciliter la compréhension au sujet des acteurs pléniers impliqués dans la signature de l’accord de Pretoria, de l’instrumentalisation des proxys et de l’ONU ainsi que du jeu des coulisses auquel ils recourent afin que leur opération dans l’ombre demeure cachée aux yeux du grand public.

Depuis l’accord inique de Lusaka, ces acteurs pléniers et leurs marionnettes sont mus par une obsession : débarrasser le Kongo-Kinshasa de sa partie Est. Ils ont levé une option résolue depuis la chute du mur de Berlin en 1989 – et même longtemps avant- de redessiner la carte du monde et de l’Afrique. Mondialistes et/ou globalistes, ils luttent contre les Etats-nations souverains. Patiemment, ils utilisent tous les moyens possibles et imaginables pour les détricoter et constituer de  »grands ensembles » qu’ils pourraient être seuls à gérer pour servir les intérêts des forces économiques dominantes.

Sur cette question, Philippe de Villiers a mené une magnifique étude historico-politique en écrivant  »Le moment est venu de dire ce que j’ai vu  » en 2015 ((Le Moment est venu de dire ce que j’ai vu – Philippe de Villiers (albin-michel.fr) ) Ce livre montre, en autres, comment ce travail de détricotage des Etats-nations s’effectue sur le temps long et est conçu par les think tanks tels que le Bilderberg et la Trilatérale.

Bref, les accords signés dans le contexte de la guerre perpétuelle contre le Kongo-Kinshasa font partie d’une tactique mondialiste et/ou globaliste. Ils participent de la stratégie du  »talk and fight » (parler, négocier et se battre). Les proxys des anglo-saxons, Museveni et Kagame et leurs parrains en ont fait usage à Pretoria. « Museveni et Kagame, écrit Pierre Péan, utilisent avec Kabila, la même tactique qu’avec Habyarimana, le  »talk and fight » : négocier un accord de paix n’empêche pas de continuer à faire parler les armes. Après la signature de l’accord de Lusaka, ils n’ont pas renoncé à le renverser par la force. Pas plus que les Etats-Unis, qui, durant l’été 2000, ont décidé d’en finir. » (Ibidem, p. 399)

L’un des problèmes kongolais est, dans certains milieux, l’attachement aux petites réflexions menées sur le court terme. Et de plus en plus, dans ces milieux, le renvoi aux livres pouvant aider à penser sur le temps long est rejeté. Des compatriotes arrivent même à s’en moquer.

Or, ce qui s’est passé dernièrement entre Fatshi et son  »frère » Paul n’est pas très éloigné de la tactique du  »talk and fight ». La signature des accords de commerce avec Kigali et ceux de construction des routes avec Kampala n’a pas mis fin au  »terrorisme ». Il est même probable qu’elle n’y mette jamais fin. Voici une preuve : « L’attaque du 30/06/2021, sur Rwangoma, un quartier de Beni, a duré plus de 3 heures. Pendant 3 h, des assaillants ont tué la population puis sont partis sans être inquiétés. Félix Tshisekedi a promis la sécurité aux enfants de Beni il y a seulement quelques jours. » (Tweet de Boniface Musavuli) Donc, il est plus que temps de changer le fusil kongolais d’épaule et de regarder la réalité en face.

Croire que le Kongo-Kinshasa, le Rwanda de Kagame et l’Ouganda de Museveni peuvent mettre fin à la guerre de basse intensité à laquelle ils participent par  »le commerce » en imitant la France et l’Allemagne relèverait de l’étroitesse de vue. Les partisans de cette hypothèse devraient commencer par prendre en compte le fait que l’Allemagne qui se réconcilie avec la France perd une partie de ses terres. Ils devraient aussi savoir que ceux qui négocient cette réconciliation font partie des  »services » des  »vainqueurs » de la deuxième guerre mondiale. Ils veulent en faire leur marché -et non les  »Etats ». Sur cette question, il serait intéressant de lire Annie Lacroix-Riz (Aux origines du carcan européen (1900-1960) : la France sous influence allemande et américaine – À Lire (paperblog.fr) ) et encore une fois, Philippe de Villiers (J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu — Wikipédia (wikipedia.org) )

Ce n’est pas anodin que la signature de ces accords soit suivie de l’adhésion du Kongo-Kinshasa à la Communauté Economique des pays de l’Afrique de l’Est. Le mensonge serait de croire que cette adhésion est faite au nom du  »panafricanisme ». Non. C’est, je peux me tromper, au nom du Commonwealth. Les mondialistes et/ou globalistes poussent leurs pions à se mettre ensemble afin de mieux les gérer en les dominant.

Il me semble que le rôle qu’aurait joué Tony Blair dans cette  »réconciliation » ne serait pas négligeable, eu égard à son rôle de  »conseiller » des parties en cause et ses préférences mondialistes. Etant proche avec  »les siens » du gouvernement rwandais (lire J. REVER, Rwanda. L’éloge du sang), il n’a pas caché, il n’y a pas si longtemps, son désir de  »conseiller » Fatshi et le gouvernement kongolais. Donc, à mon avis, parler d’une démarche panafricaniste, c’est mentir.

Le panafricanisme réel devrait être celui des Etats Africains souverains et fédérés comme le prônait Cheikh Anta Diop. Des Etats fédéraux africains exerçant leur souveraineté sur leurs ressources stratégiques du sol et du sous-sol. Et non, des  »Etats-ratés-manqués » réunis au sein de grands ensembles pilotés en coulisse par les mondialistes et/ou globalistes agissant par des acteurs apparents interposés.

Pour tout prendre, aujourd’hui, se mène, au cœur de l’Afrique, une guerre perpétuelle dont l’objectif majeur est la perpétuation de sa néocolonisation par  »la machinerie mondialiste » ( La machinerie mondialiste (reseauinternational.net) ) contre laquelle les souverainistes africains ne peuvent rien faire s’ils n’en connaissent pas les acteurs pléniers, les moyens dont elle dispose ; et surtout son mode opératoire sur le temps long.

Les accords signés entre Fatshi et son frère  »Paul » ne peuvent être porteurs de paix que si un autre  »Nuremberg » est organisé au cœur de l’Afrique ou si les souverainistes kongolais arrivaient à renverser les rapports de force. Sans cela, ils participent tout simplement de la tactique  »talk and fight », chère aux artisans et partisans du détricotage des Etats-nations.

Déjà, les pressions pour que les élections-pièges-à-cons soient organisées dans  »les délais » et l’usage permanent du  »soft power » en matière des droits de l’homme peuvent être des indices à décrypter.

 »Les parrains » n’avaient-ils pas parlé d’un  »président de transition » ? La lutte continue…

Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

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