Identité et malentendu national au Kongo-Kinshasa

« Les périodes de crises peuvent trahir ce qu’il y a au plus profond des gens »

Il arrive que la question identitaire s’invite sporadiquement dans le débat kongolais pour quelques deux ou trois jours. Il y a quelques semaines, le déplacement des compatriotes du Kasayi vers le Katanga a remis le débat identitaire au goût du jour. Voici comment la chose a été lue par quelques Katangais- car il faut éviter toute généralisation abusive ;  « Des compatriotes du Kasayi quittent chez eux pour venir chez nous. »

Ah bon ! Cette approche identitaire étonnante questionne le mot  »compatriote ». Ces Kasayens et ces Katangais sont-ils des  »compatriotes » oui ou non ? C’est-à-dire des citoyens qui sont  »avec leur patrie » ? Appartiennent-ils à une même patrie ? Se perçoivent-ils, en conscience, comme appartenant à une même patrie ?

Répondre à toutes ces questions me semble beaucoup plus difficile qu’il n’y paraît. A mon avis, si l’affirmation selon laquelle Kasayens et Katangais sont des compatriotes est vraie à première vue, la conscience citoyenne et historique pouvant leur permettre de vivre de cette appartenance commune ne me semble pas être la chose la plus partagée. Rien ne semble avoir été fait pour la forger. En effet, une identité collective se forge par les luttes patriotes menées ensemble, par l’éducation civique et citoyenne, par les efforts collectifs conjugués pour devenir un peuple souverain et indépendant à la travers des structures et des institutions incarnant l’autorité paternelle. Donc, une identité commune n’est pas qu’un héritage. Elle se façonne tout au long de l’aventure humaine partagée.

Pourquoi cette question identitaire se pose un peu plus entre ces deux populations au Katanga qu’à Kinshasa ?

Peut-être parce que Kinshasa étant la capitale est supposé appartenir, spontanément, à tout le monde. Mais subsidiairement, cette question est posée par  »les kinois pur jus »,  »les natifs de Kinshasa » et  » les mbokatiers  »,  »les bawuta ». Néanmoins, avec moins d’ampleur qu’au Katanga. Pourquoi ?

En plus de raisons susmentionnées, il y a aussi des antécédents historiques difficilement digérés par les uns et les autres. Il y a surtout les manipulations colonialistes, néocolonialistes et affairistes ; il y a des approches fantaisistes et / ou réductionnistes de l’identité.

Chaque homme et chaque femme ont une identité originaire : l’identité  humaine (à humaniser). Ils ne peuvent pas être réduits uniquement à leur identité culturelle, religieuse, biologique ou à la couleur de leur peau comme les théories racialistes l’ont fait. Dès que cette identité originaire est niée et.ou néantisée, toutes les dérives identitaires sont possibles.

Les réductionnisme et/ou l’instrumentalisation des identités peuvent en engendrer des meurtrières. Baba Kyungu wa Kumwanza en sait quelque chose …

Les paradigmes de néantisation et négatifs qu’ont été la traite négrière et la colonisation semblent avoir marqué négativement et pour longtemps plusieurs filles et les fils de notre peuple au point de les pousser à ne parler entre eux que d’identité culturelle et de mettre entre parenthèse leur  »bomoto », leur  »bumuntu », leur  »Ubuntu » constitutif de leur identité humanisée.

Ici, il y aurait un malentendu sérieux induisant une approche identitaire nationale uniquement au niveau culturel et excluant l’interstice unificatrice que créerait notre adhésion collective à notre  »bomoto ».

Nous percevoir d’abord comme des  »bantu » nous faciliterait l’assomption de nos différences liées à nos appartenances spécifiques à telle ou telle tribu, à telle ou telle ethnique avec ses habitudes culinaires, ses façons de danser ou d’ organiser la fête.

L’humain que nous sommes est à la fois habité par les forces de la vie, les forces de la mort et celles de l’échange. Par l’échange non meurtrier animé par le  »Ubuntu », il peut maîtriser les forces de la mort et lutter contre les identités meurtrières. A condition qu’il le sache. Donc, une éducation à la vie avec autrui, au  »vivre-ensemble » en conscience et en connaissance de cause est indispensable à l’épanouissement de l’identité plurielle de l’humain, au triomphe de « l’homo sapiens » sur « l’homo demens » tapi au plus profond de chacun(e) d’entre nous.

La polyphonie et la polymorphie de la musique kongolaise dans son ensemble peut nous servir d’école en marge de son côté  »ndombolisant » et wengetisant » . Cela fera de notre pays une véritable  »eloko ya makasi » (JB MPIANA – R.D.C – YouTube )

Bref, l’identité kongolaise est plurielle. Elle ne peut être réduite à sa dimension tribale ou ethnique, religieuse, politique ou philosophique. Elle est à la fois humaine, tribale, ethnique, provinciale et nationale. Elle est aussi  »constitutionnelle ».

En principe, elle fait du Kongo-Kinshasa, dans son entièreté, l’espace où ses filles et ses fils peuvent s’établir sans crainte d’une quelconque discrimination.

A mon avis, ces questions de principe n’a pas ont accompagnées des superstructures civiques, citoyennes, historiques, philosophiques , anthropologiques, sociales, politiques et culturelles pouvant les matérialiser. Pour un plus grand nombre. Les infrastructures de base, les routes et les autoroutes de télécommunication et de communication reliant tout le Kongo et permettant à tout son peuple de se rencontrer et de se connaître ne sont pas encore tout à fait au rendez-vous (dans un pays qui soit réellement souverain.)

Les minorités éveillées et les autres ascètes du provisoire, ces Kongolaises et ces Kongolais sans frontières ont un rôle important à jouer afin que s’épanouissent l’identité kongolaise plurielle et la lutte acharnée contre les identités meurtrières et pour la cohésion nationale.

Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

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