Et si Kagame n’était devenu qu’une diversion ?

« Peuple,

 Allons, vote bien ! Aies confiance en tes mandataires, crois en tes élus.

Mais cesse de te plaindre. Les jougs que tu subis, c’est toi-même qui te les imposes. Les crimes dont tu souffres, c’est toi qui les commets. C’est toi le maître, c’est toi le criminel, et, ironie, c’est toi l’esclave, c’est toi la victime.  » Albert Libertad

L’étude des guerres menées par procuration aurait pu nous permettre, majoritairement, de comprendre l’instrumentalisation des marionnettes, des sous-fifres et d’autres proxys au cours de leur déroulement. Il ne me semble pas que nous en soyons encore là dans notre immense majorité. Il se pourrait que la dernière mobilisation contre les attaques des terroristes du M23 nous stimule à aller un peu plus loin dans l’approfondissement de la nature de cette guerre d’usure imposée au pays depuis les années 1990.

Au sujet de Kagame, il est toujours intéressant de rappeler ce que Denis Sassou Nguesso confiait à Pierre Péan en 2008 sous forme de parabole : « Quand le paralytique assis au pied d’un manguier joue avec des feuilles vertes, c’est qu’il y a quelqu’un dans l’arbre qui les lui a jetées. Sinon, il ne jouerait qu’avec des feuilles mortes. Et d’ajouter : « Il suffit à Paris de dire à ses  »amis » les protecteurs de Kagame – les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et Israël-de calmer un peu leur protégé pour que les attaques cessent. 1»

Cette vérité historique n’a pas pris une seule ride. Paul Kagame n’est qu’un paralytique au service des mondialistes, artisans et partisans d’un monde unipolaire fondé sur l’ultralibéralisme entendu comme système capitalo-financier méprisant la vie, détruisant la vie et colonisant les domaines de la vie que sont la politique, le culturel, le social, le spirituel et l’économique. Un système au service des oligarques prédateurs et du dieu  »argent ».

Dire cela ne signifie pas que Kagame, avec son frère Museveni ne puissent pas avoir leur propre agenda au Kongo-Kinshasa et dans l’Afrique des Grands Lacs. Entendre le fils de Museveni soutenir que leur armée et celle du Rwanda vont s’inviter au Kongo-Kinshasa pour pourchasser et exterminer les FDLR devrait mettre une puce à l’oreille de plusieurs d’entre nous. L’Ouganda et le Rwanda n’ont pas un seul instant renoncé à leur rôle de satellites des puissances mortifères. Ils partagent avec elles l’idée ultralibérale du mépris de la vie au nom de la marchandise et de la maximalisation du profit.

Evoquer les FDLR et les autres descendants des Interhamwe comme étant une menace pesant sur le Rwanda n’est qu’un subterfuge. Il ne peut être gobé que par les esprits et les coeurs frappés d’amnésie. Les lecteurs de Judi Rever savent que L’APR/FPR de Paul Kagame s’est à la fois servi de la milice Interahamwe au plus fort du génocide tout en l’accusant d’être l’unique coupable. Ses cadres civils,  « les abakada » ont travaillé avec les responsables des partis d’opposition pour torpiller l’action du gouvernement en place. Ces responsables des partis d’opposition ont facilité de la fabrication des fausses cartes d’identité hutues et des fausses cartes de membre du parti au pouvoir pour faciliter l’infiltration déstructurante2.

Donc, il est important, à ce moment où les Kongolaises et les Kongolais se mobilisent pour dire non à Paul Kagame de ne pas se contenter des commentaires sur les réseaux sociaux. Revenir aux livres peut être d’un apport sérieux pour la suite de la lutte.

En effet, ce n’est pas la première fois que les Kongolais(es) se mettent debout pour décrier tout ce qui se passe dans la partie Est du pays et ce qui en découle comme conséquences partout ailleurs. Une question devrait se poser : « Pourquoi cette dynamique ne dure-t-elle que le temps d’un feu de paille ? » Une autre : « Qui torpille la mobilisation kongolaise au sujet de la guerre raciste de prédation et de basse intensité que le pays connaît depuis bientôt plus de deux décennies ? »

D’abord, les Kongolaises et les Kongolais eux-mêmes. Ils (elles) se laissent divertir par les élections-pièges-à-cons et n’exigent même pas de  »leurs élus » d’inscrire à leur programme de  »gouvernement » la fin de la guerre comme objectif majeur à atteindre à moyen terme.

Les Kongolaises et les Kongolais, à quelques exceptions près, n’ont pas encore compris qu’en tant que peuple souverain, il leur appartient d’imposer à  »leurs serviteurs »,  »les gouvernants », des mandats impératifs sur les questions de vie ou de mort pour le pays.

Ensuite, les Kongolaises et les Kongolais eux-mêmes. Ils se complaisent à vivre dans une telle insularité qu’ils (elles) ne voient pas les autres peuples se mettre debout au Mali, au Burkina Faso, en Centrafrique, en Algérie, etc.

Enfin, les Kongolaises et les Kongolais eux-mêmes. Ils passent trop de temps au service de  »l’évangile de la prospérité » au lieu de s’auto-organiser en créant des collectifs citoyens pouvant, petit à petit, devenir les creusets interconnectés de la pensée et de l’action pour un autre Kongo-Kinshasa.

Revenons à Paul Kagame. Après plus de deux décennies au service des Anglo-saxons, il se pourrait qu’il serve désormais de diversion en vue de l’intensification de  »la guerre froide » entre  »l’empire du mensonge », la Chine, la Russie et l’Afrique.

Apprendre que les Etats-Unis, créateurs de Paul Kagame, menacent de le sanctionner fait sourire. Paul Kagame serait devenu tout simplement une diversion. Même si, dans leur tradition, ils n’ont pas d’amis et n’ont que des vassaux, ces éventuelles sanctions ne peuvent être qu’un piège tendu aux Kongolais(es) et aux Kongolais. Ce piège serait lié soit au changement de tactiques, soit à un appel en direction de  »leur paralytique » pour qu’il ne change pas de camp, soit aux deux à la fois.

Habitués aux guerres d’usure, les Anglo-saxons savent durer dans la recherche de la réalisation objectifs qu’ils se sont assignés. Leur choix de l’URSS et de la Russie comme ennemies acharnées dont ils envient les richesses, les terres, les coeurs et les esprits, est un bel exemple à étudier à temps et à contretemps. Un article et une interview

peuvent, ici, être mis à profit :Comment la CIA a échoué dans l’une des opérations secrètes les plus importantes d’Europe (reseauinternational.net) et Le colonel et sénateur américain Richard Black : « En Syrie nous avons toujours travaillé avec les terroristes » (reseauinternational.net).

Habitué à travailler avec les terroristes, comme l’affirme le colonel et le sénateur américain Richard Black, il leur arrive aussi de les combattre sans renoncer à un possible ralliement pour le besoin de la cause. Donc, croire qu’ils peuvent sanctionner Paul Kagame serait naïf.

A mon avis, ils savent comment utiliser  »la smart » et  »la soft war ». Dans les Grands Lacs, ils seraient sur le point d’utiliser ‘la soft war » en utilisant davantage  »les cerveaux »3 kongolais comme champs de bataille afin qu’au cours de l’intensification d’une guerre cognitive au coeur de la perpétuelle  »guerre froide », ils jouissent du privilège dû aux  »pompiers » après qu’ils aient mis le feu à la maison Kongo et à celle des Grands Lacs. En faisant quoi ? En se livrant à la désinformation, à la propagande et à la fabrication du consentement afin de transformer les individus pris à ce piège en ennemis les uns contre les autres.

Ayant réussi la déstructuration culturelle de plusieurs coeurs et plusieurs esprits au Kongo-Kinshasa, ils pourraient beaucoup plus recourir à  »la soft war » pour éviter que ce pays ne diversifie son partenariat stratégique et qu’il ne soit tenté de choisir un système économique alternatif à celui de Bretton Woods auquel il est soumis jusqu’à ce jour.

Pourtant, c’est sur cette voie que le Kongo-Kinshasa devrait absolument s’engager dans un monde devenant de plus en plus multipolaire.

Fatshi béton a refusé d’écouter et de lire ses compatriotes qui ne cessaient d’écrire et de répéter que la convoitise ne se guérit pas par le partage des richesses d’un peuple avec ses bourreaux et les mercenaires d’un système économico-financier totalitaire.

Il pensait se passer de la relecture de l’histoire. Et le voici rattrapé par une même histoire qui recommence. Que va-t-il faire, renoncer à sa fraternité hypocrite avec  »le paralytique » de Kigali et celui de Kampala ou partager leur commune vassalité au service de  »l’empire du mensonge » ? Serait-il disposé à couper la branche sur laquelle il est assis ou y sera-t-il poussé par des masses populaires aux abois et décidées d’en finir, à un certain moment donné, avec l’hypocrisie occidentale comme au Mali ?

Une diplomatie hypocrite à l’endroit des sous-fifres de Kigali et de Kampala ne sert plus à rien. Elle n’a jamais servi à rien. Il faut absolument un changement de partenariat stratégique4, une inscription dans un système économiico-financier alternatif et une lutte acharnée des peuples pour un panafricanisme re-civilisant et promoteur de la souveraineté africaine.

Face à l’intensification de  »la guerre froide », seuls les grands ensembles souverains, riches en sagesse, en intelligence et en technologie, capables d’inventivité, de créativité et d’imagination, et ne renonçant pas à leurs valeurs culturelles pourront tirer leur épingle du jeu.

Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

1P. PEAN, Carnages. Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique , Paris, Fayard, 2010, p. 531.

2Lire Judi Rever, Rwanda. L’éloge du sang, Paris, Max Milo, 2020.

3Lire J=P. MBELU, La fabrique d’un Etat raté, Paris, Congo Lobi Lelo, 2021, p. 119. Lire aussi cet article très intéressant intitulé  » Conflits et guerre cognitive » ,dans Conflits et guerre cognitive (reseauinternational.net)

4Lire J.-P. MBELU, Discours sur la refondation nationale,, Paris, Congo Lobi Lelo, 2022.

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