Le deuil de Lumumba et un possible nouveau départ (suite et fin)

« Tout au long de ma lutte pour l’indépendance de mon pays, je n’ai jamais douté un seul instant du triomphe final de la cause sacrée à laquelle mes compagnons et moi avons consacré toute notre vie. » P. E. LUMUMBA

 »Le retour symbolique des reliques » de Lumumba au Kongo-Kinshasa coïncide avec une prise de conscience de plus en plus croissante, au niveau mondial, de la fin d’un monde fondé sur l’unipolarité et dominé par  »les maîtres de l’humanité ». Cette prise de conscience ne semble pas être la chose la mieux partagée au Kongo-Kinshasa. Cela risque d’avoir des conséquences nocives sur une bonne approche cognitive des enjeux actuels. C’est-à-dire ceux d’un monde luttant de toutes ses forces pour qu’advienne la multipolarité et la pluricentralité ainsi que l’émergence des  »Etats civilisations » respectueux du droit international et de la charte de l’ONU.

Pour éviter ces conséquences nocives, il serait souhaitable que les héritiers de Lumumba se souviennent de sa projection dans l’avenir lorsqu’ écrivant à Pauline, il notait ceci  : « Nous ne sommes pas seuls. L’Afrique, l’Asie et les peuples libres et libérés de tous les coins du monde se trouveront toujours aux côtés des millions de congolais qui n’abandonneront la lutte que le jour où il n’y aura plus de colonisateurs et leurs mercenaires dans notre pays. »

L’une des meilleures façons d’éviter ces conséquences nocives, c’est de se tourner vers ces peuples d’Afrique et d’Asie en lutte ainsi que vers tous les peuples libres et libérés de tous les coins du monde pour apprendre d’eux et constituer avec eux des axes géopolitiques, géoéconomiques et géostratégiques dignes d’un monde multipolaire.

Donc, les héritiers de Lumumba ont du pain sur la planche. Rompre avec leur approche déphasée du monde leur exigera un grand travail intellectuel et une grande mobilisation populaire pour une constitution d’une masse critique indispensable à la renaissance d’un Kongo-Kinshasa fort de la pensée de Lumumba.

Comment ces autres peuples d’Afrique et d’Asie en lutte ont-ils fait pour devenir des peuples libres et libérés ? Certains ont pris conscience de leur humiliation et se sont engagés résolument dans la lutte pour le renversement des rapports de force et pour contester méthodiquement l’hégémonie des  »maîtres de l’humanité  ». (Lire B. BADIE, Le temps des humiliés. Pathologie des relations internationales, Paris, Odile Jacob, 2014 ; Nous ne sommes plus seuls au monde. Un autre regard sur l’ « ordre international » ; L’hégémonie contestée. Les nouvelles formes de domination internationale, Paris, Odile Jacob, 2019 )

Ce travail intellectuel est indispensable pour penser le Kongo de Lumumba dans un monde qui se veut pluricentré et pour sortir de la désorientation existentielle provoquée par son assassinat en produisant une matrice organisationnelle structurante intégrant le devenir multipolaire du monde.

Cette matrice structurante devra impulser une autre école, une autre culture, une autre spiritualité, etc., en ayant le Kongo des ancêtres fondateurs comme source d’inspiration et de la profonde remise en question des paradigmes de néantisation et d’indignité qu’ ont été la traite négrière et la colonisation et qu’est encore le néocolonialisme.

Il ne faudrait surtout pas oublier, dans cette démarche cognitive, les acquis des expériences partagées dans le cadre de la Tricontinentale pour une approche info-formée et riche de l’altérité. (Lire S. BOUAMAMA, La Tricontinentale. Les peuples du tiers-monde à l’assaut du ciel, Editions du CETIM, Genève, 2016)

Mieux penser l’altérité, il faut le rappeler, peut participer de la guérison de  »l’imaginaire violé » de plusieurs héritiers de Lumumba. De cette guérison dépend (aussi) un nouveau départ possible, une refondation du Kongo-Kinshasa par les héritiers de Lumumba appelés à devenir de plus en plus les démiurges de leur propres destinée.

La lutte continue…

Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

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