Le Kongo-Kinshasa et le monde qui vient

« L’enjeu réel relève de la nécessité de faire un effort incroyable, national et populaire, pour soutenir la souveraineté civile. » A. DOUGUINE

Il y a comme un consensus dans plusieurs milieux kongolais au sujet des Etats et de la défense de leurs intérêts. Le consensus consiste à soutenir qu’entre les Etats, il n’y a pas d’amitié ; il n’y a que des intérêts. Pourquoi l’amitié entre les Etats est-elle supposée être d’emblée exclue dans les relations d’Etat à Etat ? Quelle approche des humains animant les institutions étatiques ces compatriotes ont-ils ?

Ce fameux consensus autour de l’existence des intérêts entre les Etats me semble être influencé par une approche individualiste et égoïste de l’humain. L’humain étant un loup pour l’autre humain et étant habité par le désir égoïste et individualiste de ne défendre que ses intérêts privés est ainsi conçu comme étant incapable de compassion, d’amitié, de coopération, de solidarité, etc.

Cette approche (néo)libérale de l’humain  »naturalisée » et  »normalisée » n’est pas passée au crible de la critique par les partisans du consensus susmentionné. Il y a pire. C’est-à-dire qu’il y a comme une incapacité à penser une matrice organisationnelle et structurante de la défense commune des intérêts mutualisés sur des principes qui soient différents de ceux de la concurrence et de la compétitivité. Pour dire les choses autrement, la défense des intérêts étatiques peuvent être fondés sur des principes de coopération, de solidarité et d’amitié. Exclure d’emblée cette possibilité, c’est prendre l’option de ne voir les animateurs des institutions étatiques que comme n’étant animés que par les forces de la mort les tournant vers la guerre de tous contre tous.

En fait, les partisans du mantra selon lequel entre les Etats il n’y a pas d’amitié, il n’y a que des intérêts devraient questionner les principes philosophiques, psychologiques, culturels, spirituels, politiques, sociaux , etc. sur lesquels il est fondé. La diversité de ces principes, des cultures et des civilisations qui les portent devrait être prise en compte dans la production des relations entre les Etats.

La domination du monde unipolaire, de sa culture hégémonique et néolibérale semble avoir détruit plusieurs coeurs et plusieurs esprits au point d’en exclure d’autres approches possibles.

Soutenir qu’entre les Etats il n’ y a pas d’amitié, il n’ y a que des intérêts, c’est tomber dans une approche réductionniste des relations pouvant être entretenues entre eux. Il est possible qu’il y ait entre les Etats, à la fois, défense des intérêts particuliers et amitié ; coopération et solidarité, émulation et amitié ; etc.

Donc, au coeur du monde qui est en train de naître, la multipolarité vient remettre en question, en profondeur, le monde unipolaire décadent du point de vue son approche des humains animateurs des institutions étatiques et des Etats. La multipolarité vient revisiter le droit international et la charte de l’ONU et indiquer qu’il est possible que la mutualisation des intérêts étatiques soit fondée sur d’autres principes qu’uniquement sur la compétitivité et la concurrence ; et que d’autres cultures et d’autres traditions (spirituelles) puissent influencer les relations interétatiques.

Dans ce monde qui vient, nouer des nouveaux partenariats stratégiques avec des  »Etats-civilisations » ne signifie pas uniquement s’engager à défendre les intérêts du Kongo-Kinshasa, c’est peser dans les rapports de force pour être réellement souverain ; c’est aussi apprendre à sortir du monde unipolaire ; de son approche hégémonique et néolibérale de l’humain (et du monde) et participer à l’édification d’un monde pluricentré en lui apportant les valeurs de la riche culture et civilisation kongolaises.

Bref, c’est (aussi) apprendre à rompre avec ce mantra : « Entre les Etats, il n’y a pas d’amitié, il n’y a que des intérêts. ». Non. Entre les Etats, il peut y avoir et des intérêts et de l’amitié.

Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

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