Butembo : les jeunes et la cohésion collective

« Pour avoir des dirigeants intelligents et dévoués au renouveau de notre société à long terme, il faudrait donc avoir des citoyens pareillement intelligents et dévoués. » J. GENEREUX

Les jeunes de Butembo n’ont pas perdu de vue que le pays est en guerre. Ils se rendent compte que recréer le lien entre leurs différents mouvements et la population,c’est apporter leur pierre à refondation d’un autre Kongo et d’un Kongo pacifié. Contrairement aux politicards en compétition abrutissante perpétuelle, les jeunes kongolais estiment que l’avenir du pays devrait être le produit de la cohésion collective.

A Butembo, ils ont débuté, le 12 janvier 2023, une campagne dans ce sens. Elle est dénommée : « Lisanga Pona Congo ya Sika », selon Radio Okapi (du 13 janvier 2023)

« Salva Ndulani, l’un des organisateurs de cette campagne trouve qu’il est important de mutualiser les efforts et les actions de tous les citoyens. » Et il ajoute : « Nous avons lancé une philosophie dénommée « Lisanga Pona Congo ya Sika », autrement dit en français « Ensemble pour un Congo nouveau. Cette philosophie vise à réunir les citoyens congolais plus particulièrement les activistes autour des actions communes et réfléchies ».

« Ensemble pour »

« Ensemble pour », un beau projet ayant un objectif précis. Les jeunes ne pensent pas, dans un pays en guerre, à  »la conquête du pouvoir par des élections-pièges-à-cons ». Ils pensent le pays. C’est cet objectif qui peut kosangisa (lingala), kusangishi (tshiluba), unir, mettre ensemble.

A quelles conditions ? Que le  »pour » (pona) soit tout le temps pris en considération. Il peut à tout moment rappeler à ceux qui se mettent ensemble qu’ils ne doivent pas perdre de vue leur orientation commune pour la réalisation d’un objectif commun :  »Congo ya sika », un  »Congo nouveau ». A quelles autres conditions ? Instaurer ou instituer volontairement des lieux collectifs du débat, de la délibération et de la participation collective aux actions et aux décisions communes à la base. Pourquoi ? Parce que « retrouver le goût de la vérité et recréer le cadre social serein qui favorise le déploiement de la réflexion personnelle, de la discussion argumentée et de l’intelligence collective, voilà les clés hélas ignorés par la plupart des projets politiques, et voilà une tâche des plus urgentes.1 »

Au coeur de ces lieux, la production du consens devrait marcher de pair avec des désaccords et des contradictions fondateurs du débat permanent. Volontairement, les acteurs produisant ce  »consensus provisoire » devraient sauver le lien refait, l’unicité refaite malgré certains désaccords et certaines contradictions.

De toutes les façons, ces jeunes ont compris que la mutualisation des efforts est nécessaire à l’unicité pour des actions communes et réfléchies.

La philosophie politique de base et des jeunes acteurs de l’histoire

Le choix de la rue comme lieu de conscientisation et de l’appel au patriotisme est un signal fort. Une telle campagne débutée dans une salle risquerait d’avoir un caractère discriminatoire. Le choix de la rue l’ouvre à un plus grand nombre et dit symboliquement le souci de pouvoir avancer ensemble sur le chemin de la  »digenèse » d’un Kongo différent.

Mais ce choix n’est pas limitatif du point de vue des actions à mener. L’intégration des jeunes dans l’armée du pays est une action patriotique concrète à laquelle les lanceurs de cette campagne invite.

Mutualiser des efforts collectifs, mener des actions communes et réfléchies, conscientiser la population dans la rue afin qu’elle se tourne vers le patriotisme et qu’elle soit prête à défendre le pays légalement eu égard à la gravité de l’heure dans un pays en guerre d’usure, de prédation et raciste et dont l’intégrité territoriale est menacée, telles devraient être, entre autres, les lignes maîtresses de la philosophie politique de toutes les couches de la population kongolaise.

Les mouvements des jeunes pratiquant cette philosophie à Butembo semblent avoir pris conscience de l’importance des actions collectives menées à la base. Devenir acteurs de l’histoire de leur pays les pousse à rompre avec la vieille habitude consistant à se rencontrer, à se parler et à se limiter à la rédaction des recommandations pouvant être soumises aux  »gouvernants » sans que le délai de leur mise en pratique soit indiqué.

Faire des recommandations pour des problèmes auxquels les mouvements des jeunes peuvent trouver eux-mêmes des solutions peut être interprétée comme étant une fuite de responsabilité citoyenne. C’est éviter d’appliquer le principe de subsidiarité, colonne vertébrale d’une politique citoyenne responsable ? Donc, ce qui peut être réalisé au niveau de ces mouvements n’a pas nécessairement besoin d’être confié aux  »gouvernants  » sous forme de recommandations. Néanmoins, là où un cahier des charges mérite d’être rédigé, programmé les délais de sa mise en oeuvre est souhaitable pour assurer un suivi à ce qui a été proposé et maintenir un contact régulier entre la base et  »les gouvernants ».

Au Kongo-Kinshasa où tout le monde ou presque parle de  »notre jeune démocratie », rappeler aux mouvements des jeunes qu’ils sont partie prenante de ce peuple devant exercer son pouvoir par des engagements collectifs concrets pourrait, petit à petit, éviter de faire de la formule  »pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple » un slogan creux. Pour dire les choses autrement, mutualiser les efforts à la base et mener des actions communes, c’est à la fois assumer, à la base, sa responsabilité démocratique et participer à la production à la re-création du lien patriotique, à celle de la cohésion collective indispensable à la souveraineté du pays et à la protection de son intégrité territoriale.

Pour conclure : attention à la cinquième colonne

Des jeunes qui décident de mutualiser leurs efforts et de conscientiser leurs compatriotes au sujet de la guerre perpétuelle imposée à leur pays sont une bénédiction. Ils devraient avoir le courage de travailler à court, moyen et long terme. Ils devraient être attentif aux acteurs des coulisses impliqués dans le projet d’implosion et de balkanisation du Kongo-Kinshasa.

Le souhait aurait été que les mouvements des jeunes kongolais évitent de se laisser financer par des ONG créées par des globalistes apatrides, cinquième colonne de la guerre contre la souveraineté du Kongo-KInshasa et agents du  »chaos contrôlé », travaillant main dans la main avec les politicards kongolais particrates et populicides.

Mbelu Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

1J. GENEREUX, La déconnomie. Quand l’empire de la bêtise surpasse celui de l’argent, Paris, Seuil, 2018, p. 446

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