Lumumba demande : « Quel sera le contenu de l’indépendance ? »

« On ne tue pas les idées » F. CASTRO

Les mots sont polysémiques. Ils peuvent être ambivalents et porteurs d’une certaine ambiguïte. Leur usage exige que les interlocuteurs et/ou les locuteurs commencent par se mettre d’accord sur leur sens. Le sens pouvant être compris comme  »signification » et  »orientation ». Si un minimum d’accord au sujet du sens n’est pas obtenu par les locuteurs et/ou les interlocuteurs en dialogue, ils peuvent prendre des orientations différentes et peut-être préjudiciables pour les objectifs qu’ils voudraient atteindre ensemble.

Lumumba et le contenu de l’indépendance

A la table ronde politique de Bruxelles du 27 janvier 1960, après l’annonce de la date de l’indépendance par la métropole, Lumumba veut en savoir plus. Quel sera le contenu de l’indépendance, demanda-t-il ? Il donna lui-même le bon contenu. «  « Dès le 30 juin, jour de l’indépendance, c’est un Congolais qui sera chef de l’Etat, les Congolais seront maîtres de leur pays », dit-il. (Lire « L’indépendance » du Congo-Kinshasa et l’achat des « intellectuels ». Il y a 60 ans déjà ! – INGETA ) Son discours du 30 juin 1960 explicitera davantage ce contenu dont l’essentiel se résume en une émancipation politico-économique promotrice de la dignité, de la liberté, de la justice et des hommes réellement libre. Car pour Lumumba, « sans dignité, il n’y a pas de liberté, sans justice il n’y a pas de dignité et sans indépendance, il n’y a pas d’hommes libres. »

Dans ce contexte, être digne, c’est être reconnu dans son humanité et être capable de mobiliser les moyens individuels et collectifs nécessaires à la maîtrise de la nécessité. Et pour soi, et pour les siens, et pour tout le pays.

Pour lui, l’indépendance politique marche de pair avec l’indépendance économique.

Cette  »signification » et cette  »orientation » de l’indépendance peinent à s’imposer au Kongo-Kinshasa depuis bientôt soixante-trois ans. Les plus honnêtes des Kongolais(es) parlent de l’indépendance des années 1960 comme étant une indépendance formelle.

De cette indépendance formelle, il est difficile comment, par quelle magie, le pays de Lumumba en guerre perpétuelle depuis les années 1990 est devenue  »une jeune démocratie » ? Comment le saut qualitatif s’est-il fait du manque de l’indépendance réelle à  »la jeune démocratie »  »marchéiste » ?

La reconduction des mots et des concepts hétérogènes semble dispenser plusieurs Kongolais(es) de se livrer à ce genre de questions. Des critiques du pays estiment même que la seule chose qui dure au pays de Lumumba, c’est la colonisation. Ils en donnent des preuves.

Au Mali

Ailleurs, au Mali, des assises de refondation ont permis aux maliens et à leurs gouvernants de transition de revenir sur les mots tels que l’indépendance et la souveraineté. Les nouvelles orientations du pays le pousse à parler de  »l’indépendance réelle » et de  »la souveraineté restaurée » comme étant les objectifs vers lesquels le pays tout entier est orienté depuis la prise de pouvoir par Assimi Goïta et ses amis.

Ce pays de Modibo Keita a en plus compris que le questionnement de ces mots et de ces concepts passe par l’école et l’université pour permettre leur approfondissement et leur réappropriation par la jeunesse.(LE MALI CÉLÈBRE LA JOURNÉE NATIONALE DE SOUVERAINETÉ RETROUVÉE – YouTube

Les assises de la refondation ont permis de refaire le lien entre les maliens en vue d’une cohésion collective responsable et responsabilisante.

Par rapport à plusieurs pays africains, le peuple malien est très avancé. Le Kongo-Kinshasa pourrait lui emboîter le pas. Par-ci, par-là, les jeunes donnent des signaux encourageants. Ils pourraient, petit à petit, sortir le pays du néocolonialisme si les minorités éveillées venaient à les rejoindre.

A Beni, Lumumba et Laurent-Désiré Kabila renaissent

A Beni, une structure des jeunes voudrait les initier aux valeurs défendues par Lumumba et Laurent-Désiré Kabila. Ils renaissent.

« Le coordonnateur de cette structure de la jeunesse dans le grand Nord du Nord-Kivu, Joël Kavuya Kamala, dit édifier les enfants sur « le modèle de vie » de ces deux héros, afin de relever les défis politiques que connaît le pays. » Commençant par Laurent-Désiré Kabila, il a mis l’accent sur son slogan ‘’Ne jamais trahir le Congo’’. Commentant ce slogan, il dit : « Le pays est sacré. Et si nos leaders comprenaient qu’ils peuvent avoir aussi à nous le transmettre nous les enfants d’aujourd’hui, ça nous permettra qu’on grandisse en sachant que le pays est sacré ». »

Au sujet de Lumumba, Joël Kavuya estime que Lumumba a mis en exergue  »l’auto-independance » et  »l’auto-suffisance ».  « Il a montré que, même si on est des enfants, lorsqu’il y a un problème dans la maison, il faut apprendre à résoudre le problème dans la maison. »

Joël Kavuya estime que ces « deux leaders (…) étaient révolutionnaires, mais dans le sens de voir que la maison peut s’auto-suffire, le pays peut s’auto-suffire. C’est question de mentalité, c’est question de volonté ». 

Selon la Radio Okapi ( de ce 16 janvier 2023), à Beni, le parlement des jeunes présidé par Joël Kavuya, les enfants, les jeunes connaissant leur pays et prenant conscience de ses atouts peuvent, en commémorant leurs héros, se livrer à leur remise en question afin d’être mieux outillés pour faire face aux défis de leur terre natale.

Apprendre à donner du contenu à l’indépendance politique et économique dès le bas âge à partir d’un lieu où la parole peut être partagée à la base peut être un exercice bénéfique pour les enfants et les jeunes kongolais, si comme au Mali, cet exercice se poursuit à l’école et à l’université en vue de produire des adultes résistantes, patriotes et souverainistes.

Pour conclure :Les héros ne meurent jamais

Ce qui se passe au Mali et à Beni (au Kongo-Kinshasa) peut être interprété comme une victoire, à long terme, sur  »le parti de la guerre mondiale » habitué à croire que tuer les dignes fils et les dignes filles des peuples assoiffés d’émancipation politique, d’autodétermination et de souveraineté suffit pour faire une croix sur leur lutte. Cette approche mortifère des héros africains est court-termiste.

Les descendants et les héritiers de Modibo Keita et de Lumumba sont en train de nous prouver que les héros ne meurent jamais et que prétendre tuer leurs idées est une illusion. On ne tue pas les idées, disait Fidel Castro. Surtout là où les peuples épris du désir farouche et inassouvi de décider en dernière instance de leur propre sort se servent des tables palabriques, de l’école et de l’université pour fabriquer des citoyens responsables.


Mbelu Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

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