Fétichisme électoraliste et  »colonialisme économique  » au Kongo-Kinshasa

« Retirez vos mains de la République Démocratique du Congo, retirez vos mains de l’Afrique ! Cessez d’étouffer l’Afrique : elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser. Que l’Afrique soit protagoniste de son destin ! » Pape François

Mise en route

Sous d’autres cieux africains, la souveraineté, la sécurité et la protection de l’intégrité territoriale sont des questions cruciales. Des pays africains engagés dans les cycles électoraux ont compris qu’il fallait faire un pas de côté pour revenir à l’essentiel. Leurs gouvernants ont expliqué à leurs peuples que  »la sécurité, il n’y a rien. Il n’y a pas de culture, il n’y a pas de religion, il n’y a pas d’école, il n’y a rien. » Et ils ont mis la défense au coeur des priorités. Ils en ont fait la priorité des priorités, comme le souligne Choguel Maïga dans cette vidéo(CONSEIL DU PM CHOGUEL MAIGA À SON HOMOLOGUE DU BURKINA FASO LORS D’UN DÎNER D’AMITIÉ – YouTube )

Au Kongo-Kinshasa, un pays en guerre perpétuelle, des pans entiers de nos compatriotes semblent mettre l’accent est mis sur autre chose :  »les élections ». Ce sont  »les élections libres, transparentes, démocratiques et inclusions » qui semblent être  »la priorité des priorités » pour eux. Pourtant, ils viennent de partager une lecture que le Pape a faite de ce pays en soutenant qu’il est en proie au  »colonialisme économique ». Quel  »piège-à-cons » ? De quoi les élections peuvent-ils être le nom dans  »une colonie économique » ? Voilà des questions que leurs fanatiques ont du mal à se poser.

Le pape applaudi

Le passage du Pape François au Kongo-Kinshasa a marqué plusieurs coeurs et plusieurs esprits kongolais. Ses discours ont pu mettre ces derniers d’accord sur un certain nombres de défis face auxquels le pays est placé. Avant que les compatriotes ne passent à autre chose, il serait intéressant de revenir sur les points ayant provoqué les applaudissements du Pape par les masses kongolaises.

Au palais de a Nation, le Pape est applaudi lorsqu’il dit : « Retirez vos mains de la République Démocratique du Congo, retirez vos mains de l’Afrique ! Cessez d’étouffer l’Afrique : elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser. Que l’Afrique soit protagoniste de son destin ! »

Ce texte est lu après cet autre : « Après le colonialisme politique, un « colonialisme économique » tout aussi asservissant s’est déchaîné. Ce pays, largement pillé, ne parvient donc pas à profiter suffisamment de ses immenses ressources: on en est arrivé au paradoxe que les fruits de sa terre le rendent « étranger » à ses habitants. Le poison de la cupidité a ensanglanté ses diamants. »

Applaudissant le Pape, les Kongolais(es) partagent ses points de vue. Ils acceptent qu’il y a des mains à retirer de l’Afrique et du Kongo-Kinshasa où  »le colonialisme économique » est aussi asservissant que le (jadis) colonialisme politique. Ce point de vue est partagé après plusieurs cycles électoraux ayant eu lieu au pays : en 2006, en 2011 et en 2018.

Pourquoi ces  »élections » n’ont-ils pas pu sortir le pays du  »colonialisme économique » ? Et puis, qui dit  »élections » dit un acte de souveraineté posé dans un pays souverain. Comment a-t-on pu organiser un acte de souveraineté dans un pays  »colonisé économiquement » et dénommé abusivement  »notre jeune démocratie » ? Fallait-il attendre le passage du Pape au Kongo-Kinshasa pour que les compatriotes se rendent majoritairement compte qu’ils vivent dans une  »colonie économique » ?

A quoi auraient servi  »les élections  » dans  »une colonie économique » ? Comment peut-on faire de ces  »élections » un fétiche dans un contexte de non-souveraineté ? Quel peut être le sens de ce fétichisme électoraliste ?

Répondre à ces questions

Répondre à toutes ces questions pourrait conduire à un véritable discernement aux sujets la priorité des luttes à mener. Un pays est soit souverain, soit soumis, colonisé. Lorsqu’il est souverain, il décide des orientations politiques, économiques, sociales, culturelles, spirituelles, géopolitiques, géostratégiques et géoéconomiques à se donner. Souverain, il ne réduirait pas  »les élections » au choix à effectuer entre des candidats déjà triés par leurs partisans et/ou par  »le parti de l’argent ». Il peut organiser sa  »démocratie souveraine » en mettant un accent particulier sur le débat pluriel, la participation citoyenne et la délibération au cours de la prise des décisions collectives aux différents niveaux de l’organisation du pouvoir et au sein des collectifs citoyens. Il pourrait privilégier les tables palabriques au coeur d’un empire ou d’un royaume à la place de la compétitivité abrutissante (et ennemie de la production de l’intelligence collective) chère à  »la particratie-représentativo-démocratique » au service du fait économique dominant.

Dans un pays colonisé économiquement,  »les élections » servent à offrir au fait économique dominant  »ses petites mains ». Lorsque le Pape parle des  »mains à retirer du Kongo et de l’ Afrique », il devrait aussi ajouter  »les petites mains ». Dans un pays colonisé économiquement, il y a effectivement une alliance entre  »les mains » des mondialistes apatrides et  »les petites mains » des compradores, filles et fils du pays abruti(e)s par  »le poison de la cupidité » (et de la convoitise). Les élections constituent le moment où se scelle cette alliance aux dépens des citoyens fanatisés et appauvris anthropologiquement.

Dans un pays colonisé économiquement,  »le poison de la cupidité ensanglantant ses diamants » retarde les luttes libératrices et est l’une des choses la mieux partagée etla plus manducatrice des coeurs et des esprits. Ce poison ne laisse pas de l’espace à la pensée et à la réflexion. Il ne permet même pas un passage au crible de la critique des effets nocifs des cycles électoraux passés. Une thérapie culturelle et spirituelle collective guérissant les coeurs et les esprits de ce  »poison de la cupidité » (et de la convoitise) est une des luttes à privilégier. Il ne s’agit pas tout simplement du  »changement des mentalités ». Non. Il s’agit de la genèse (et/ou de la digenèse) d’un autre homme et d’une autre femme kongolais(e). Cette thérapie peut accompagner des résistances, des dissidences et des luttes souverainistes nécessaires à l’insurrection des consciences et au renversement des rapports de force entre le fait économique dominant orchestrant la guerre raciste de prédation et de basse intensité dont souffre le pays et le fait politique populaire. Ou plutôt, cette thérapie doit animer toutes les luttes d’émancipation politique au coeur de l’Afrique.

Pour conclure : le fétichisme électoraliste peut être un signe

Dans un pays colonisé économiquement, le fétichisme électoraliste peut être un signe. Il peut signifier l’ignorance de la situation réelle de ce pays et le refus collectif d’avoir une véritable emprise sur le réel. Il peut assi dire le refus d’apprendre dans un contexte d’inculture généralisée. L’ignorance peut se guérir par l’apprentissage et le réapprentissage de l’histoire, de la politique et de la géoéconomie du pays sur le temps long. Heureusement que le Pape est passé par le Kongo-Kinshasa et a répété ce que d’aucuns savaient déjà :  »la seule chose durable au Congo est la colonisation »1. Heureusement que dans un pays où le principe du  »magister dixit », fait encore la loi, le Pape a plus de chance d’être écouté. Mais pour combien de temps ? Wait and see ! (à suivre)

 

Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

 

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