Paul Kagame, Berlin et la guerre contre le Kongo-Kinshasa

« La seule leçon de l’histoire, c’est qu’on n’apprend rien de l’histoire, sauf pendant une courte durée appelée vie humaine. Une fois cette vie humaine passée, la génération suivante a des échos, et celle d’après, est totalement ignare. » – Patrick Reymond

La conférence de la presse organisée par le Président béninois Patrice Talon avec son homologue rwandais Paul Kagame (le samedi 16 avril 2023) a permis à ce dernier de mener un plaidoyer autodestructeur. Il a craché un secret de Polichinelle mettant à nu tous ses mensonges sur la guerre raciste de prédation et de basse intensité orchestrée par  » ses parrains » contre le Kongo-Kinshasa.

Des extraites de la revue de la presse congolaise

La revue de la presse congolaise présentée par Guy De Boeck (ce samedi 15 et ce lundi 17 avril 2023) a retenu des extraits de ladite conférence . Ces extraits donnent à penser. Je les reprends avant de les analyser.

« Il (Paul Kagame) a refusé de limiter l’examen de la situation au problème actuel.

« En ce qui concerne le M23 et toutes les personnes liées au M23, les congolais qui ont bénéficié de l’héritage rwandais, les frontières qui ont été construites durant la période coloniale ont affecté et divisé nos peuples. Une partie du Rwanda qui a été donnée au Congo, le sud à l’Ouganda, etc. Nous avons une coopération qui existe déjà dans ces zones. Il y a déjà des liens qui existent entre les peuples. C’est évident. Vous pouvez remonter dans l’histoire ».

Selon lui, les approches précédentes n’ont pas été efficaces.

« Ce problème va au-delà de ma personne, au-delà de la personne du président Tshisekedi. Toutes ces personnes qui étaient présentes en cette période ne sont plus là. En 2012, nous n’avons pas bien géré la question et aujourd’hui, 11 ans après, le problème existe toujours. Tous les pays africains ont été impliqués dans la résolution de cette question mais personne n’a pu réussir quoi que ce soit ».

Paul Kagame impute le blocage notamment aux autorités congolaises.

« Il faut trouver la solution à cette crise. Aujourd’hui, nous avons le processus de Nairobi et celui de Luanda qui ont mis tout en œuvre pour résoudre cette question, mais je pense qu’ils sont en train de chercher une solution. Les démarches entreprises ont essayé, mais apparemment la RDC ne veut pas que la question soit résolue. C’est quand même ironique ».

Les frontières qui ont été construites durant la période coloniale ont affecté et divisé nos peuples, dixit Paul Kagame

Oui, les frontières héritées de la colonisation ont affecté et divisé nos peuples. Ces frontières ont-elles été tracées par les Africains et/ou les Kongolais ? Non. Pourquoi faut-il tuer les Africains des Grands Lacs et les Kongolais pour exprimer leur remise en question ? Est-ce l’unique solution pour pouvoir réunir les peuples affectés et divisés ? Pourquoi cette  »guerre contre Berlin » doit-elle être menée contre ceux qu’affectent les frontières tracées et non contre ceux qui les ont conçues ? Est-ce vrai que c’est le Rwanda seul qui, dans les Grands Lacs, est le grand perdant ? Non.

« La Conférence de Berlin a, par moment, solidement déconné ! Seulement, le problème n’est pas là ! Le problème, c’est que l’OUA, devenue entre temps l’UA, a décidé l’INTANGIBILITE DES FRONTIERES COLONIALES, sauf arrangements amiables entre pays voisins. Kagame veut y toucher. Cela devrait lui valoir la guerre de la part de TOUS les membres de l’UA », note Guy De Boeck. Donc, il n’appartient pas à un seul individu, Paul Kagame, avec ses escadrons de la mort, de chercher à modifier les frontières dont l’intangibilité est le fruit du consensus de tous  »les chefs d’Etats africains ».

Il n’ y pas que cela. La guerre de Kagame ayant fait des millions de morts dans les Grands Lacs Africains,sa remise en question des frontières ne le dispense pas d’une poursuite collective en justice par tous les peuples des Grands Lacs qui en sont victimes. En principe, une coalition de résistants et de souverainistes des Grands Lacs devrait naître et s’occuper du  »maître des assassinats sans frontières »1.

En fait, le  »maître des assassins sans frontières » s’inscrit en faux contre toutes les frontières. Et non pas seulement celles tracées à la Conférence de Berlin. Ses amis du FPR devenus ses ennemis par refus de partager ses vues  »génocidaires » ainsi que les critiques de ses  »assassinats sans frontières » sont traqués à travers le monde entier. Lui et ses escadrons de la mort peuvent les tuer à tout moment.

Et le rejet des frontières l’apparente à ses  »parrains », ces globalistes apatrides, chantres du mondialisme unipolaire et ennemis jurés d’un monde multipolaire respectueux des principes de la Chartes de l’ONU tels que l’égale souveraineté, la réciprocité entre les Etats, la non-ingérence dans les affaires intérieures d’un Etat tiers, etc.

Voilà pourquoi, me semble-t-il,  »le maître des assassins sans frontières » a toujours nourri l’ambition de gouverner le Kongo-Kinshasa à partir de Kigali et au profit des oligarques d’argent et d’autres globalistes apatrides.

Il partage avec eux la politique de la dépopulation du monde. Donc, il tue, non seulement par rejet des frontières, mais aussi parce qu’il partage l’idéologie malthusienne de la dépopulation de l’Afrique et du monde. Donc, il ne peut pas se contenter de la coopération existant entre les peuples de la zone où il tue. Il n’a rien à voir avec l’intégration régionale et la création des espaces de sécurité partagé.

Nous avons une coopération qui existe déjà dans ces zones. Il y a déjà des liens qui existent entre les peuples, dixit Kagame

Et alors ? Pourquoi ces liens existant entre les peuples ne mettent-ils pas fin à la guerre raciste de prédation et de basse intensité à laquelle il participe depuis plus de deux décennies comme proxy ? Pourquoi considère-t-il les rwandais enrôlés dans son armée comme des ordures et de la chair à canon ? Peut-être parce qu’il veut entretenir le storry telling d’un chef de guerre incontesté. Mais pour quelle fin ? Pour la mort.

Habitué à la violence dès le jeune âge, Paul Kagame a perdu le sens du réel. D’un réel fait des moments de paix, de coopération, de solidarité, de compassion et d’amitié. Il a sombré dans la haine nihiliste de soi et des autres. Son imaginaire violé vit de l’admiration des globalistes apatrides le comptant parmi  »leurs larbins » et autres  »nègres de service ».

Vivant de cette imaginaire violé, il ne met pas une certaine logique dans ses idées. C’est lui qui rejette l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation et adoptées par l’UA ; c’est lui qui minimise la coopération entre les peuples telle qu’elle est établie dans les Grands Lacs Africains ; et c’est encore lui qui accuse la RDC de ne pas vouloir sortir de la spirale de la violence où lui et son ami Museveni l’ont plongée depuis plus de deux décennies ! Allez-y comprendre !

Les démarches entreprises ont essayé, mais apparemment la RDC ne veut pas que la question soit résolue. C’est quand même ironique, dixit Paul Kagame 

Les mensonges de Paul Kagame ont atteint leurs limites. Il ne sait plus rien inventé. Alors, il trouve son bouc émissaire de toujours : le Kongo-Kinshasa. Apparemment, dit-il, la RDC ne veut pas que la question soit résolue.. Apparemment, dit-il ! Que signifie résoudre cette question ? En Balkaniser le pays afin qu’il en prenne un morceau comme le veulent  »ses parrains » depuis très longtemps ? Rendre à tout jamais les frontières poreuses et en rejeter le principe de l’intangibilité des frontières adopté par l’UA ? Le laisser gouverner le Kongo-Kinshasa à partir de Kigali tout en ayant  » ses frères » ,  »ses marionnettes » et ses  »Chevaux de Troie » à Kinshasa ?

Le temps long est le pire ennemi de Paul Kagame. Il vient de cracher le morceau tout en faisant semblant de couvrir son rôle de  »paralytique » malgré ses ambitions hégémoniques mégalomaniaques.

En effet, confie Sassou Nguesso à Pierre Péan : « Quand le paralytique assis au pied d’un manguier joue avec des feuilles vertes, c’est qu’il y a quelqu’un dans l’arbre qui les lui a jetées. Sinon, il ne joue qu’avec des feuilles mortes ! Et d’ajouter : « Il suffisait à Paris de dire à ses  »amis » les protecteurs de Kagame – les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et Israël- de calmer un peu leur protégé pour que les attaquent cessent ! » 2»

Une petite conclusion

La sortie médiatique de Paul Kagame au Bénin vient de mettre fin à plusieurs années de mensonge. Le refus ou le rejet du livre et/ou de la production de l’intelligence collective au coeur de l’Afrique a créé des disciples, des tambourinaires, des applaudisseurs et des thuriféraires du  »maître des assassins sans frontières ».

Il aurait été souhaitable que cette sortie médiatique mette aussi fin à tous ces accords inutiles, à ces rencontres de Luanda et de Nairobi ayant comme soubassement des mensonges cousus de fil blanc.

Désormais, les Kongolais(es), leurs frères et soeurs des Grands Lacs Africains savent que le problème de Paul Kagame, c’est son hégémonie dans la sous-région et partout ailleurs. Faire semblant de ne l’avoir ni entendu, ni lu, pourrait relever d’un choix fait pour un suicide collectif. L’une des options à prendre au Kongo-Kinshasa serait de faire de  »nous bâtirons un pays plus beau qu’avant » un principe unificateur des souverainistes et des résistants kongolais en vue de promouvoir un Kongo toujours grand et protecteur de ses terres. Mufoncol Tshiyoyo et ses amis avaient compris la chose très tôt lorsqu’ils disaient :  »Likambo oyo ezali likambo ya mabele ». Bon,  »mieux vaut tard que jamais », dit-on.


Babanya Kabudi

Génération Lummumba 1961

1Lire M. WRONG, Rwanda. Assassins sans frontières. Enquête sur le régime de Kagame, Paris, Max Milo, 2023

2P. PEAN, Carnages. Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique, Paris, Fayard, 2010, p. 531.

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