Olivier Kamitatu : « Kabila doit briser son silence ! »

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Le vice-président en charge des relations extérieures du G7, la plateforme des sept partis politiques congolais exclus de la majorité présidentielle, passe en vue les principaux défis qui attendent la RDC. Il ne mâche pas ses mots pour dénoncer les agissements du pouvoir en place, et notamment du chef de l’Etat, Joseph Kabila. Il est confié à Infos Grands Lacs, lundi 7 mars, à Bruxelles.

Ci-dessous, un résumé de principales déclarations d’Olivier Kamitatu concernant les différents sujets abordés dans cet entretien.

Procès des militants de la Lucha. « Le procès contre les militants de la Lucha est le fruit de la répression qui sévit en RDC, où la liberté d’expression et celle de manifester sont réprimées ». Et contrairement à ce que laisserait supposer le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, dans une déclaration récente, « personne n’a traité la RDC de république  bananière. Qui se sente morveux, se mouche ».

Elections Présidentielles. « On sent que toutes les institutions, qui devraient faire preuve d’indépendance et d’impartialité, sont inféodées au régime de Kabila. Que ce soient les tribunaux, la CENI, l’Assemblée Nationale, tout est instrumentalisé car il y a tout simplement un homme qui souhaite rester au pouvoir, et ce contre la volonté de la grande majorité du peuple congolais qui désire que les mécanismes prévus par la Constitution soient mis en œuvre pour garantir la fin du deuxième mandat et une alternance démocratique. Les tensions en RDC sont liées au silence de Kabila sur son destin. Il doit briser ce silence ! »

Visite du Secrétaire générale des Nations Unies. « La visite de Ban Ki Moon clôture la séquence des consultations engagées par le facilitateur de l’Union Africaine en RDC, à la demande de la présidente de la Commission de l’UA, Dlamini Zuma. Chacun a apporté sa contribution, et il revient à Ban Ki Moon de mettre sur la table une proposition qui puisse éviter une crise grave en RDC ».

Mandat de la Monusco. « Nous souhaitons une extension du mandat de la Monusco à toutes les questions électorales car nous croyons que la CENI, en faisant allégeance à Kabila, est totalement inféodée au pouvoir en place. Cette extension doit prendre en compte les aspects logistiques, l’appui technique et la nomination d’un envoyé spécial chargé de superviser les élections ».

Dialogue inclusif. « Le dialogue inclusif vendu par Kabila et sa majorité est un dialogue qui mettrait entre parenthèse l’ordre constitutionnel afin de trouver des solutions à une crise institutionnelle qui n’existe pas. Ce dialogue doit être technique car les problèmes sont d’ordre technique, à savoir le calendrier électoral, la mise à jour du fichier électoral et le financement des élections.

Fichier électoral. « Les jeunes de 18 à 24 ans sont à peu près six millions, et ils sont actuellement exclus du fichier électoral. Comment est-il possible qu’il faille 18 mois pour les enregistrer alors qu’il n’en faut que cinq selon l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Nous sommes donc encore dans les temps pour compléter le fichier et organiser les élections avant le délai constitutionnel fixé au 20 décembre 2016. Il y a là une claire volonté du régime de Kinshasa d’arriver au-delà de ce délai afin de nous conduire à une transition et à un partage du pouvoir selon des règles et des modalités qui n’auraient rien à voir avec la Constitution ». Concernant le financement du processus électoral, « les crédits pour les élections ne sont pas libérées, en effet moins de 10% des budgets libérés l’ont été pour les élections au profit de projets de moindre importance ».

Opposition et candidat unique. « Pour la première fois on sent dans l’opposition la volonté de transcender nos différences pour dégager un candidat unique, et ce à travers des primaires. Mais le choix de ce candidat devrait être le fruit d’un consensus entre les leaders de l’opposition plutôt que le résultat d’un vote des militants comme cela se fait en Europe. Le succès dépendra de la confiance que nous devons bâtir entre nous, du projet commun que nous adopterons, il y a suffisamment de responsabilités dans l’Etat pour satisfaire tout le monde ».

Jean-Pierre Bemba. « La figure de Jean-Pierre Bemba est restée dans la mémoire collective des congolais. Mais 65% de la population a moins de 25 ans. Or, Bemba est en prison depuis huit ans, et aujourd’hui beaucoup de jeunes congolais ne le connaissent qu’à travers le mythe qu’il a pu susciter en RDC. Condamné ou pas, le verdict (de son procès qui sera prononcé par la Cour Pénale Internationale à La Haye le 21 mars prochain, ndr), aura un impact sur le paysage politique congolais, car Bemba reste un acteur de la vie politique, avec un parti extrêmement important dans l’opposition et un crédit que lui accorde une large partie des congolais ».

Opposition et société civile. « Il y a une grande complicité entre la société civile qui est responsable et l’opposition, qui a compris qu’il ne fallait pas mettre les personnalités sur le devant de la scène, mais plutôt indiquer un chemin et des objectifs pour favoriser une alternance apaisée et sauver le pays des affres du pouvoir. J’invite d’ailleurs la société civile à dresser un profil du candidat idéal de l’opposition ».

Mandats présidentiels en Afrique. « Les cimetières sont plein de personnalités qui paraissaient indispensables. Parmi les leaders africains, un certain nombre ont une vision biaisée de l’Afrique. Comment en effet le continent le plus jeune du monde doit avoir des chefs qui exercent des mandats les plus longs au monde ? Il y a un anachronisme » qui ne différencie pas « ces leaders des autocrates des années ’70 ou ’80 ». Ces mêmes leaders ont « profité des cours des matières premières et d’autres facteurs positifs de la globalisation économique pour enrichir une minorité aux dépends d’une majorité africaine qui continue à vivre dans la pauvreté. LUCHA est un énorme signale lancé à l’ensemble du continent africain, à commencer par le pouvoir congolais et à Kabila ».

Bilan des années de Joseph Kabila. « Il y a eu des bonnes et des mauvaises choses. Nous sommes évidemment comptables de ce bilan car nous l’avons partagé, dans la mesure de nos responsabilités évidemment. Je pense que nous avons réussi à garantir une stabilité macro-économique au pays et une crédibilité dans la gestion au quotidien de la RDC. Parmi les mauvais résultats, les conditions de vie de nos concitoyens ne se sont pas améliorées, bien au contraire, et ce malgré les moyens dont nous disposions. Sur la sécurité, des progrès réels ont été fait, mais elle n’est pas assurée sur l’ensemble du territoire congolais et la crise burundaise menace notre frontière dans l’Est du pays ».

Crise du Burundi. « La crise politique et sécuritaire au Burundi est comparable à un cancer extrêmement virulent qui peut se métastaser très vite dans les Grands Lacs. Kabila ne doit pas jouer aux apprentis sorciers avec le président burundais Nkurunziza car cela conduirait nécessairement à des réactions d’autres pays voisins, et donc à une régionalisation des tensions. Il faut que le pouvoir en place rassure ses voisins, afin que tous les pays de la sous-région puissent avoir confiance dans la RDC. Et le premier engagement que Kinshasa doit honorer est de ne plus rendre poreuse sa frontière et que l’Est ne soit plus un sanctuaire pour des rébellions ou des groupes armés étrangers à partir duquel les voisins sont déstabilisés ».

Tiré de Infos Grands Lacs

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